lundi 7 février 2011

Le Sénat français devrait réviser le projet de loi relatif à l'immigration

Les sénateurs devraient notamment éliminer les dispositions anti-Roms et garantir les droits des demandeurs d’asile.

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Une fillette rom assise sur sa valise à l'aéroport de la capitale roumaine Bucarest, peu après l'atterrissage de son avion en provenance de Marseille le 14 septembre 2010. Elle faisant partie d'un groupe de Roms roumains rapatriés à la suite d'une « Obligation de quitter le territoire français» (OQTF) délivrée par les autorités françaises.© 2010 Reuters

Le Sénat devrait supprimer les dispositions du projet de loi relatif à l'immigration qui sont incompatibles avec les normes des droits humains, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch dans une lettre ouverte aux sénateurs. Il est prévu que le Sénat reprenne le 8 février 2011 l'examen du projet de loi relatif à l'immigration présenté par le gouvernement, article par article. L'Assemblée nationale a approuvé le projet en octobre 2010.

Le projet contient des mesures qui semblent avoir été conçues pour être utilisées contre les Roms.  Par exemple, la loi permettrait aux autorités d'obliger un citoyen européen de quitter la France pour abus du système de protection sociale du pays, même si la personne n'a reçu aucune prestation de ce système.

« Après la campagne de l'été 2010 visant à démanteler les camps roms et à chasser les Roms hors de France, et compte tenu des déclarations de ministres du gouvernement autour du projet de loi, cette mesure constitue un risque réel », a déclaré Judith Sunderland, chercheuse senior pour l'Europe occidentale à Human Rights Watch. « Les Roms qui sont en France légalement pourraient en être chassés sur la simple hypothèse qu'ils pourraient un jour demander à bénéficier d'une aide sociale. Ceci est incompatible avec les obligations de la France aux termes du droit européen. »

L'examen par Human Rights Watch de documents portant l'obligation de quitter le territoire français, délivrées à des Roms roumains entre août et novembre 2010, a révélé qu'il s'agissait de formulaires virtuellement identiques, pré-remplis, sur lesquels les noms avaient souvent été rajoutés à la main. Les motifs avancés pour ordonner le départ des personnes concernées était qu'elles faisaient peser une charge déraisonnable sur le système de protection sociale. Mais aucun de ces documents ne contenait la moindre information personnalisée ni aucune preuve que la personne avait bénéficié d'une quelconque prestation, de quelque sorte que ce soit.

Confronté aux pressions de la Commission européenne, consécutives à la campagne à l'encontre des Roms à l'été 2010,  le gouvernement a intégré des amendements de dernière minute pour introduire des garanties procédurales explicites dans certains cas de reconduite aux frontières et d'expulsion, le but étant d'aligner la France avec les règles de droit européen relatives à la liberté de circulation.

« Les modifications de dernière minute ne changent pas le fait que la loi cible injustement les Roms », a déclaré  Judith Sunderland.  « Le Sénat devrait rejeter ces mesures discriminatoires. »

Human Rights Watch estime que ce projet de loi affaiblit aussi les droits des migrants et des demandeurs d'asile. Il élargirait les circonstances dans lesquelles le gouvernement pourrait maintenir des personnes dans les zones dites d'attente. Les personnes détenues dans ces zones ont moins de droits, même si elles demandent asile, et peuvent facilement être expulsées. Les recherches menées par Human Rights Watch en 2009 ont établi que les mineurs non accompagnés, maintenus dans la zone d'attente de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, sont exposés à des mesures d'expulsion rapides, y compris vers des pays qu'ils avaient seulement traversés lors de leur voyage vers la France.

Dans sa version actuelle, la loi permettrait aussi au gouvernement de détenir jusqu'à 19 mois des étrangers suspectés d'actes de terrorisme, y compris lorsqu'ils auraient eu gain de cause dans leur recours contre une mesure d'expulsion en faisant valoir qu'ils risqueraient d'être torturés ou d'être victimes de mauvais traitements s'ils revenaient dans leur pays d'origine. Human Rights Watch a déclaré  que les sénateurs devraient rejeter cette mesure, en infraction avec le droit à la liberté et, au contraire, améliorer les garanties procédurales du système existant d'assignation à résidence.

Outre l'amendement des dispositions problématiques contenues dans ce projet, les sénateurs devraient soutenir une proposition d'amendement qui garantirait aux demandeurs d'asile la possibilité de rester en France jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile,  l'arbitre final en matière de demandes d'asile, ait pu statuer en dernier ressort. Le droit à un recours suspensif est une garantie fondamentale contre le renvoi d'un réfugié potentiel vers la persécution, et la marque d'une procédure d'asile juste et crédible, a déclaré Human Rights Watch dans sa lettre. Human Rights Watch a fait campagne aux côtés d'Amnesty International France et de l'ACAT France (Action des chrétiens pour l'abolition de la  torture) en faveur de la réforme de la procédure prioritaire.

Human Rights Watch

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