samedi 8 janvier 2011

Cachez ce voile qu'on ne saurait entendre

Tiens, une nouvelle polémique liée au voile islamique... Cette fois, ce sont les médias du service public qui sont au coeur du débat. L'affaire a été révélée par la Tribune de Genève. Une Neuchâteloise portant le hidjab, le foulard islamique qui enserre le visage, brigue un poste de journaliste à la Radio suisse romande, mettant la SSR en émoi. Le voile est-il compatible avec le devoir de neutralité religieuse de l'institution étatique? Celle-ci est empruntée, car elle n'a pas de directives sur le port de symboles religieux. Elle devra donc rapidement trancher.

Mais déjà les preux défenseurs de la laïcité, à gauche comme à droite, émettent l'avis selon lequel aucune exception ne saurait être admise. Une belle bande d'hypocrites, tant le principe, en Suisse, semble valable uniquement lorsqu'il s'agit de l'islam. Pour preuve: depuis belle lurette, la SSR sous-traite aux Eglises ses émissions d'actualité religieuse, à la radio comme à la télévision. Ce lien entre Eglises et Etat, même s'il est moins visible qu'un bout de tissu, est solidement institutionnalisé. En théorie, la relation incestueuse, avec le risque d'un prosélytisme conscient ou inconscient, est beaucoup plus flagrante que l'engagement d'une journaliste voilée. Mais personne n'a jamais trouvé à y redire.

Et à raison: nos confrères, engagés par les Eglises catholique et protestante, prouvent jour après jour qu'ils sont d'abord des professionnels des médias avant d'être des employés d'Eglise. Avec tact, ils parviennent à garder la distance professionnelle requise entre les actualités religieuses qu'ils couvrent et leur employeur, ainsi que leurs appartenances et convictions religieuses. Reste que les moyens médiatiques engagés par les Eglises ne sont pas anodins: le but est de faire vivre la Parole. Avec l'aide, donc, du service public. Vous avez dit laïcité?

S'agissant d'une musulmane voilée, tout se gâte: elle serait forcément suspecte, incapable de distance critique. Le garde-fou des Devoirs et droits du journaliste ne serait plus valable. Le constat est désolant: tels les taureaux dans l'arène, nos braves politiciens ne voient que le fichu sur la tête, pas ce qu'il y a dedans. Pourtant, la jeune femme a déjà effectué un stage de deux mois à la Radio romande. Croyez-le ou non, elle a même pu interroger des interlocuteurs sans créer d'émeutes!

Quant aux auditeurs, une longue réflexion permet de constater qu'ils ne devraient pas être gênés par un voile qu'ils ne verront jamais. Reste que la question de l'image véhiculée par le service public mérite de poser des jalons clairs. Et justement, à la télévision, une présentatrice, ou même une journaliste, ne doit pas arborer de signes religieux. Mais l'atteinte à la liberté religieuse ne saurait aller beaucoup plus loin.
Le comble, c'est l'émoi que l'on constate chez certains journalistes par ce qu'ils considèrent comme une intolérable atteinte à la séparation des sphères. Venant d'une profession qui pratique sans sourciller la navette entre le monde politique et celui censé l'observer, cela mérite d'être relevé. L'avantage du voile, c'est peut-être qu'il permet d'afficher la couleur...

Edito de Rachad Armanios dans le Courrier

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