La motion d’Oskar Freysinger «Bas les masques!» force la classe politique à se prononcer sur un vêtement religieux qui ne concerne qu’une centaine de femmes dans le pays. Un article de Chantal Savioz dans 24 Heures.
La burqa est plus que jamais montée en épingle. Faut-il l’interdire en Suisse? Deux conseillères fédérales ont pris position sur la question le week-end dernier. La ministre de Justice et Police, Eveline Widmer-Schlumpf, s’est prononcée en faveur de l’interdiction. Micheline Calmy-Rey a, elle, adopté une position plus prudente, soulignant les risques de stigmatisation d’une communauté. Risques malvenus juste au sortir du vote antiminarets, qui a placé la Suisse sous les tirs croisés des pays musulmans. Le thème du voile intégral devient affaire d’Etat en Suisse, tout comme en France et en Belgique. Au lendemain du vote antiminarets, le PDC, par la voix de son président, Christophe Darbellay, avait ouvert le débat. Très récemment, le Grand Conseil argovien, emmené par le député libéral-radical Philipp Müller, a voté une motion visant l’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public suisse. Une commission du Grand Conseil prépare dans ce sens un texte d’initiative qui pourrait être déposé auprès des Chambres fédérales.
«Bas les masques!»
Certains signes de nervosité à l’encontre de ce vêtement apparaissent ailleurs, comme en ville de Fribourg, où plane la menace d’une baisse de 15% des prestations sociales accordées à des musulmanes portant le voile. Les services concernés ont démenti. Toujours est-il que le voile dans l’espace public pose problème.
Autre front antiburqa: celui préparé par le conseiller national UDC valaisan Oskar Freysinger. Sa motion intitulée «Bas les masques!», déposée en mars dernier, devrait être traitée dès le 31 mai, lors de la session d’été. «Cet automne au plus tard», menace le Valaisan. Le fer de lance de la campagne antiminarets a vu large. Il demande une règle fédérale interdisant les visages couverts dans les transports publics, devant les autorités et lors des manifestations. Le texte s’attaque aussi au port des cagoules ou des masques en dehors de certaines périodes autorisées.
«Face à la nervosité ambiante, ma motion permet de régler le problème à moindre mal, prévient d’ores et déjà Oskar Freysinger. Elle ne s’attaque pas à la liberté religieuse, mais incite à une modification de la loi sur la sécurité intérieure. Si elle ne passe pas, on peut craindre que l’interdiction de la burqa fasse l’objet d’une initiative populaire et qu’elle fasse un raz-de-marée devant le peuple.»
Les femmes résistent
L’UDC ne semble pas vouloir partir à l’assaut des signatures. Ueli Maurer s’est en effet prononcé contre l’interdiction de la burqa. Le PDC se montre, lui, plus décidé à combattre le vêtement qui symbolise «l’expression du fondamentalisme».
Les partis bourgeois donnent le la et ouvrent un débat politique sur un sujet religieux. «La burqa est un symbole du pouvoir de l’homme sur la femme et empêche l’intégration», soulignent les partisans de l’interdiction.
Face à un tel argumentaire, les femmes semblent curieusement résister. Si certaines musulmanes suisses saluent un débat salutaire (lire ci-dessous) , d’autres féministes optent pour la prudence. Réunie dimanche dernier, l’organisation féminine Alliance F s’est opposée à un bannissement pur et simple. Les élues socialistes, Vertes, libérales-radicales et chrétiennes sociales se sont unies pour se prononcer contre l’interdiction. «On est en train de monter en épingle un faux problème, s’exclame la conseillère nationale socialiste Maria Roth-Bernasconi. La burqa ne concerne que quelques cas en Suisse. C’est une feuille de vigne qui masque à peine les vrais problèmes que pose l’égalité en Suisse.» La Genevoise signale encore le dispositif qui existe dans les cantons, dans les communes pour régler les cas problématiques de visage masqué dans l’espace public. «Aller au-delà, c’est jeter de l’huile sur le feu!»
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