lundi 4 octobre 2010

“Prends ton sac et hors de ma vue !”

Plus question de voir des demandeurs d'asile dans les Alpes Maritimes! Dans l'attente de la fermeture de la plateforme d'accueil à la fin de l'année, l'autorité préfectorale tente de les laminer, encore et encore. Et voilà que les intellectuels tordus naguère stigmatisés par le ministre de l'immigration s'organisent pour prendre le relais du devoir d'accueil de l'Etat...

Au risque de nous répéter, nous revenons sur le sort réservé dans notre beau pays aux demandeurs d'asile. Une famille ou une personne isolée demandeuse d'asile, ce sont des êtres humains qui ont tout laissé derrière eux, et qui demandent à la France la possibilité de vivre en paix avec ses voisins et les autorités, parce que dans leur pays ces buts simples étaient devenus hors d'atteinte. Ce rappel élémentaire nous semble nécessaire du fait de l'omniprésence des déclarations et des comportements d'un pouvoir qui les considère comme poussières encombrantes, à balayer.

La France a bien ratifié les accords internationaux par lesquels elle s'oblige à accueillir dignement ces personnes. Cela demande évidemment une organisation et un financement. Selon le ministre de l'immigration, 315 millions d'euros par an, pour près de 38000 demandeurs adultes (en 2009), dont un peu plus du tiers recevront finalement le statut de réfugié. Cinq euros par français et par an pour assumer un devoir élémentaire d'accueil d'étrangers persécutés ailleurs. Plus environ 1 euro pour l'aide médicale de l'Etat (AME) en attendant qu'ils aient trouvé un travail et puissent cotiser comme tout un chacun.

Mais ce n'est pas qu'une question de coût. Ainsi, à Beauvais, selon le RESF local, "il aura donc fallu près de deux ans pour que Madame Le Maire de Beauvais se décide enfin à intervenir au sommet de l'Etat afin de dénoncer les conséquences désastreuses de la régionalisation de l'accueil des Demandeurs d'asile à Beauvais: elle a été reçue par le ministre de l'immigration et de l'identité nationale ce mercredi 22 [septembre].

Mais pourquoi donc madame le maire se soucie-t-elle enfin de ce dossier ? Parce que l'Etat bafoue ainsi la loi ? Parce qu'elle est outragée de voir ainsi les droits et la dignité des personnes, dont des femmes et des enfants, bafoués ? Non, mais parce que "... cela nuit à l'image de la ville, surtout après tous les efforts fournis au niveau du fleurissement et de la sécurité en ville." (Le Courrier Picard du 23 septembre 2010)"

Comme l'époque est à la réforme, il a été décidé de régionaliser, et donc de diminuer le nombre, des plateformes d'accueil des demandeurs d'asile qui, jusque là, pouvaient d'adresser à la préfecture ou la sous-préfecture la plus proche de leur lieu de résidence.

Selon l'étude de La Cimade, Voyage au centre de l'asile, "les plates-formes d’accueil ont été progressivement mises en place à compter de l’année 2000 pour pallier les défaillances du dispositif d’accueil et les délais d’attente de plusieurs mois pour entrer en CADA (Centres d'Accueil des Demandeurs d'Asile). Il fallait qu’une structure assure le premier accueil, la domiciliation des demandeurs d’asile, la rédaction du formulaire de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), l’orientation sociale et l’ouverture des droits. Certaines plates-formes assurent également un premier hébergement d’urgence, en hôtel.

En 2007, on comptait 49 plates-formes d’accueil et 23 points d’accueil sur l’ensemble du territoire français. La politique du ministère de l’Immigration a été de réduire leur nombre (25 suppressions en 2008).

Parallèlement, l’OFII (Office Français de l'Immigration et de l'Intégration) a été chargé d’assurer le premier accueil des demandeurs dans plusieurs régions, seul ou avec des plates-formes d’accueil dont les missions ont été réduites. En septembre 2009, le ministère de l’Immigration a annoncé que le dispositif d’accueil serait régional (sauf en Alsace, en Ile-de-France et en Corse) (...) En 2010, seules 34 plates-formes (dont 10 sont gérées directement par l’OFII) devraient subsister."

Cette réduction ddu nombre de structures d'accueil des demandeurs d'asile et de leur accompagnement provoque des difficultés graves dont nous avons donné des exemples à plusieurs reprises.

Le cas de Nice est décidément emblématique de ce qui se passe en bien des départements. Un Collectif de défense des Demandeurs d'Asile s'est formé, qui fait le constat suivant (extraits).

"La fermeture de la plateforme des demandeurs d'asile et surtout ses conséquences, les demandes à faire à l'Etat et éventuellement les initiatives à prendre pour pallier à la défaillance de l'état est en effet à mettre à l'ordre du jour du "Collectif de défense des Demandeurs d'asile".

Il s'agit d'un problème qui va se poser à moyen terme (la fermeture sera effective le 31 décembre). Mais il faut envisager que les services vont peut-être (encore) se dégrader du fait du découragement des salariés. Il ne reste plus qu'une seule assistante sociale (l'autre a "craqué" et est en arrêt maladie), là où devrait y en avoir six !...

Nous devons envisager ce problème dès à présent pour notamment ne pas nous faire piéger, c. à d. que si nous tenons à ce que les demandeurs d'asile ne soient pas pénalisés par cette fermeture et que de fait nous sommes prêts à aller jusqu'à assurer les services qui sont légalement à la charge de l'Etat, il faut à tout prix que les protestations contre la défaillance de l'Etat aient lieu et soient à la mesure de la gravité de ce qui se profile (au moins dans le 06): 

La volonté de dissuader tous les demandeurs d'asile de venir dans le 06 et même les efforts qui sont faits pour qu'ils partent ailleurs (sans toutefois faire quoi que ce soit pour organiser ce départ) :

- plus d'hébergement pour les primo-arrivants,

- disparition de la plateforme d'accueil des DA,

- brutale interruption du maire de Vallauris de l'installation d'un CADA sur sa commune,

- refus des autres maires du département d'accueillir ce CADA pourtant prévu et financé,

- brutale expulsion de 89 demandeurs d'asile de leurs hôtels fin juillet et affirmation du Préfet qu'il n'y aurait plus rien pour eux (plus acharnement de policiers tentant de les intimider) et sous-Préfet leur disant de "prendre leur sac et de partir hors du département",

- famille avec enfants en fin de période d'EURODAC [période de six mois à l'issue de laquelle la France est tenue de recevoir la demande de protection des personnes qui avaient déjà demandé l'asile dans un autre pays de l'UE. ndlr] jetées à la rue (6six familles à ce jour),

- ... "

"Prends ton sac et tire-toi", voilà un beau programme politique, qui n'est pas sans évoquer l'accueil réservé par le ministère de la santé aux infirmiers anesthésistes en colère.

Le Syndicat national des infirmiers anesthésistes (SNIA) raconte : " Nous nous sommes retrouvés devant un ministère en état de siège : une trentaine de cars de CRS, CRS en tenue anti-émeute nous attendaient comme si nous étions des terroristes ».

A 20h30, les membres de la délégation des IADEs aurait été sortie, un par un, filmé, dirigé vers la sortie après un contrôle drastique d’identité" .

Martine et Jean-Claude Vernier dans leur blog “Fini de rire” relayé par MediaPart

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