L’un de nos Observateurs au Kosovo nous alerte sur les conditions sanitaires dans les camps où vivent toujours les communautés roms de Mitrovica, dix ans après la fin du conflit. Pierre Bonifassi est un étudiant français qui effectue actuellement un stage au Kosovo.
Dans les camps roms de Mitrovica. Photo du Conseil de l’Europe
Victime collatérale des affrontements de 1999, la population rom du nord du Kosovo subit aujourd’hui, selon une déclaration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’un des plus grands désastres sanitaires et humanitaires de la planète. Avant la guerre, environ 8 000 Roms vivaient dans un quartier de la périphérie de Mitrovica appelé "Roma Mahalla". Leurs habitations détruites, victimes de persécutions pendant le conflit, la plupart avaient dû fuir à l’étranger. Toutefois, un millier de Roms est resté dans la région et a été contraint de s’installer, au début des années 2000, dans trois camps de fortune: Cesmin Lug, Žitkovac, et Kablar.
Ces camps posent de sérieux problèmes de santé publique. En effet, l’économie de Mitrovica et de sa région repose historiquement sur le complexe minier de Trepča. Or, les émissions de plomb, d’arsenic et de cadmium qui en sont issues ont provoqué, au fil des années, une très forte pollution des terres et de l’air. C’est pourtant à quelques centaines de mètres de ce complexe que se sont bâtis deux des trois camps roms, Žitkovac et Kablar.
Les conséquences sont dramatiques. Le plomb, très toxique, pénètre rapidement dans le sang, les muscles et en cas de longue exposition, dans les os et les dents. L’organisme peut mettre jusqu’à trente ans pour l’éliminer. Il engendre des séquelles cérébrales, touche les systèmes nerveux et reproducteur, provoque, chez l’enfant, des retards de développements physiques et mentaux. Les enfants sont particulièrement touchés, absorbant de fortes quantités de plomb lors de jeux en plein air ; en se nourissant avec une alimentation contaminée ou par l’allaitement. Dans ces camps, le taux de mortalité est bien plus élevé que la normale.
"Ce n’est qu’aujourd’hui qu’un cri d’alarme commence à être entendu par la classe politique"
En 2004, les camps de Žitkovac et de Kablar ont finalement été fermés par les autorités kosovares et les Nations unies et les habitants ont été transférées, l’année suivante, dans un autre camp, jugé "plus sain", à Osterode. Mais celui-ci est situé à proximité du camp de Cesmin Lug, et présente quasiment les mêmes risques pour la santé des populations. LesRoms restent donc, dans les deux camps restants, toujours exposés au plomb, à l’arsenic et au cadmium. De plus, aucun contrôle ni traitement global n’ont été mis en place dans ces camps.
Ce n’est qu’aujourd’hui qu’un cri d’alarme, lancé par des associations kosovars et internationales depuis plusieurs années déjà, commence à être entendu par la classe politique. Conséquence, un vaste projet européen et américain prévoit désormais la reconstruction du quartier historique "Roma Mahalla" et la fermeture progressive des camps. Mais le calendrier de fermeture n’est pas fixé et les Roms ne savent pas où ils seront déplacés. Malgré les problèmes sanitaires posés par leur camp actuel, ils s’inquiètent d’une relocation dans le sud du Kosovo. Car le nord de Mitrovica est administré par la république serbe, qui leur octroie des allocations. Ils craignent de ne plus bénéficier de cette aide s’ils sont déplacés dans le sud du pays, sous administration kosovare. Ils ont également peur de la réaction des communautés albanaises à leur arrivée et des violences qui pourraient s’ensuivre.
La communauté rom est très peu intégrée dans la société kosovare. Leurs droits sociaux et politiques sont certes reconnus par la Constitution de 2008, en tant que "minorité nationale", mais ils sont, en réalité, largement marginalisés et victimes de fortes discriminations à tous les niveaux de la société (éducation, emploi, etc.).
La population rom risque de se trouver, une nouvelle fois, victime collatérale du jeu politique kosovar."
Un article de Pierre Bonifassi pour France 24
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