Quand on croit encore à l'Europe, le spectacle offert par la France est affligeant. Voilà l'un des pays fondateurs de l'Union qui fait dans l'anti-européanisme le plus primaire. Après les critiques de Viviane Reding contre la politique française à l'égard des Roms, Nicolas Sarkozy a suggéré à la commissaire européenne d'accueillir ces éternels indésirables chez elle au Luxembourg.
Le parallèle établi avec la France de Vichy était évidemment malheureux et la commissaire l'a reconnu. Mais que dire de la réplique de l'Elysée? Sinon que M. Sarkozy poursuit sur sa triste lancée de l'été. Après avoir désigné à la vindicte populaire les gens du voyage puis tous les Français d'origine étrangère désormais susceptibles de perdre leur nationalité, la majorité présidentielle a réussi à se trouver de nouveaux ennemis à Bruxelles.
Cette façon de dresser les citoyens et les pays les uns contre les autres est détestable. Pas étonnant que les seuls à redonner un peu de crédit au chef de l'Etat se touvent parmi les sympathisants du Front national. C'est peut-être le but de cette offensive populiste.
Tout à sa survie politique, le président est allé trop loin dans l'inacceptable. Pour écarter les soupçons de discrimination, le gouvernement français avait juré que le démantélement des camps illégaux ne visait pas spécifiquement les populations roms. Quand la publication d'une circulaire du Ministère de l'Intérieur clairement anti-Roms est venue démentir cette belle affirmation, on a changé les mots et continué les expulsions. Mais réécrire une circulaire n'efface pas le mensonge.
Le Parlement et la Commission européenne ont donc eu raison d'intervenir. Les reconduites à la frontière sont clairement discriminatoires et contreviennent aux engagements de la France. En refusant l'évidence et en jouant la nation gauloise contre les diktats de Bruxelles, M. Sarkozy isole son pays sur la scène européenne et l'empêche de peser pour un véritable règlement de la question rom. Car il faudra que la Roumanie, la Bulgarie ou la Slovaquie prennent enfin leurs responsabilités et aider ces Etats pour qu'ils intègrent leurs minorités.
Cette poussée de fièvre entre Paris et Bruxelles a le mérite de nous rappeler que l'Europe ne se limite pas à un grand marché où circulent les biens et les capitaux. Les pays membres sont réunis par des valeurs et des normes communes, à commencer par la non-discrimination. On comprend mieux pourquoi ici en Suisse beaucoup refusent toute idée d'adhésion, trop attachés à la petite souveraineté helvétique et à sa liberté d'expulser.
Edito de Simon Petite dans le Courrier
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