mercredi 8 septembre 2010

Le désert de l’Arizona, cimetière des clandestins

Le flux d’immigrants a baissé à la frontière américaine avec le renforcement des contrôles. Mais les voies empruntées sont plus dangereuses. Résultat : les décès grimpent en flèche.

frontière mexique usa

Cette année l’Etat d’Arizona a été mis sur la sellette par l’adoption de la loi la plus dure des Etats-Unis contre l’immigration clandestine [fin juillet, un juge fédéral a suspendu certaines des dispositions les plus controversées]. Eric Peters, médecin légiste dans le comté de Pima, adossé à la frontière mexicaine, ne pensait donc pas voir augmenter le nombre des immigrants morts dans la traversée du désert, mais, en dépit de la législation et d’une économie défavorable, le rêve américain continue d’inciter les audacieux à franchir la frontière. Et beaucoup y laissent la vie.
En 2007, 218 cadavres avaient été découverts dans le comté, sinistre record et, cette année, le bilan pourrait être encore plus lourd puisque les autorités en ont déjà trouvé 170. Au cours du seul mois de juillet, 59 corps ont été découverts. La déshydratation est la principale cause de ces morts. Le 15 juillet, la pire journée du mois, 7 cadavres ont été trouvés, dont celui d’Omar Luna Velasquez, un jeune homme de 25 ans. Ce jour-là, la température atteignait 42 °C. Pour faire face à cette hécatombe, un semi-remorque réfrigéré de 15 mètres a été parqué à proximité du bureau de la police. Plus de 66 % des corps découverts n’ont pu être identifiés. Certains sont réduits à l’état de squelettes, d’autres ont été momifiés par le soleil. Sur les sept corps trouvés le 15 juillet, seul celui d’Omar Luna Velasquez a été identifié.
Les médecins légistes du comté de Pima travaillent en étroite coopération avec le consulat mexicain pour tâcher de mettre un nom sur les victimes et de contacter leurs proches. Au cours des années 1990, la découverte de cadavres le long de la frontière américano-mexicane était plutôt rare. Mais depuis 2000, leur nombre s’est considérablement accru. Le renforcement de la surveillance en Californie a eu pour résultat de déplacer les voies de passage vers l’est, dans l’un des secteurs les plus isolés et inhospitaliers de l’Arizona. Il est possible que la canicule exceptionnelle, même dans cet Etat désertique, ait contribué à l’augmentation du nombre de décès cette année.
Paradoxalement, malgré cette recrudescence dans le comté de Pima, il semblerait que l’immigration clandestine ralentisse. En 2009, les arrestations à la frontière ont chuté de 61 % par rapport à 2000. Cette année, 194 000 personnes ont été arrêtées, soit 5 % de moins qu’à la même époque de l’année dernière. Selon des organisations humanitaires, la présence accrue de policiers à la frontière signifie simplement que les gens empruntent des routes plus dangereuses pour pénétrer sur le territoire américain. Pour aider les migrants à survivre dans le désert, l’association Humane Borders a installé 100 postes d’eau dans l’Arizona.
Au volant d’un camion blanc roulant sur des pistes sablonneuses, le bénévole Lance Leslie fait la tournée pour vérifier le niveau de l’eau de plusieurs de ces stations. “Les gens empruntent ce passage depuis des années”, explique-t-il après avoir rempli un baril bleu de 200 litres. “Je suis sûr que ces barils ont sauvé des vies.” Sans doute, mais ils n’ont pas sauvé celle d’Omar Luna Velasquez, le jeune homme de 25 ans trouvé dans le désert le 15 juillet. Sa famille l’a enterré récemment à Mexico.

Nicole Santa Cruz dans le Los Angeles Times

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la crise chasse les sans-papiers

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