A Genève, il y a près de vingt ans que le canton garantit aux sans-papiers l'accès à l'école. Cet élémentaire respect du droit à l'éducation avait été permis après le geste hautement symbolique de l'ancien conseiller d'Etat Dominique Föllmi (PDC); il avait amené en classe une fillette clandestine sous l'oeil des caméras. Le magistrat avait bravé l'interdit de façon pionnière en Suisse, au nom du droit supérieur. L'officialisation de cette pratique avait été précédée en 1986 par la création par des associations de la «Petite Ecole», clandestine, qui donnait des cours aux enfants des étrangers sans permis. Genève a ouvert la voie dans le pays. Aujourd'hui, l'accès à l'école pour ces enfants semble communément admis, même s'il n'est toujours pas égal selon les cantons. Un éditorial de Rachad Armanios dans le Courrier.
Il est utile de rappeler ce volontarisme en examinant la proposition provocante de la municipalité de Lausanne, mercredi, d'embaucher des apprentis sans-papiers. Car si la Suisse a ratifié la Convention des droits de l'enfant, elle viole l'article qui garantit le droit à la formation. Les adolescents illégalement établis et n'ayant pas les notes pour accéder aux écoles post-obligatoires ne peuvent prétendre à un apprentissage. Celui-ci est en efet conditionné à la possession d'un permis de travail ou de séjour. Ces mineurs sans papiers rejoignent alors la voie sans issue dans laquelle vivotent leurs parents. Les Chambres fédérales sont saisies de plusieurs motions, issues de la gauche et de la droite, qui attaquent les chaînes de la loi au nom du droit international supérieur. Un débat aux Chambres est prévu le 3 mars, mais le rapport de force politique n'autorise pas l'optimisme. Dans ce contexte, l'initiative du municipal socialiste Oscar Tosato est bienvenue. Juste avant une échéance importante, le Lausannois met la pression sur le parlement fédéral et rompt le silence. Amateurisme contre-productif? De l'eau au moulin de l'UDC? Au contraire: c'est à force de se taire qu'on fait le jeu des forces conservatrices. Surtout, Lausanne n'a pas mis en pratique son projet. En ruant dans les brancards, la Ville place fermement ses pions pour négocier avec le canton et la Confédération. Les conseillers d'Etat vaudois de droite dégainent la loi et leurs inspecteurs du travail plus vite que leur ombre et qualifient la Ville de hors-la-loi. L'expérience montre pourtant que ne pas suivre la loi à la lettre permet parfois de la faire légitimement progresser. C'est même un devoir quand celle-ci prétérite l'avenir de centaines d'enfants. Une collectivité publique qui projette une désobéissance civile, ce n'est pas banal. Mais Lausanne n'en est pas à son coup d'essai. A l'époque, dans l'affaire des «523», la municipale radicale en charge de la police avait refusé de prêter ses troupes pour expulser les sans-papiers. Et Genève? La formation y est mieux garantie que partout en Suisse, puisque que le canton ouvre ses écoles professionnelles aux jeunes sans permis. Mais l'apprentissage dual leur est interdit. A l'abri des regards, les autorités n'en finissent plus de chercher des solutions. Se trouvera-t-il au bout du lac un magistrat à la hauteur de Dominique Föllmi?
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