En pleine campagne sur les minarets, Eveline Widmer-Schlumpf vient de proposer un drôle de marché à la population, qui réjouit les partisans de l'interdiction des minarets et trouble les opposants.
Ludovic Rocchi - le 09 novembre 2009, 21h29
Le Matin
En gros, elle nous dit de laisser tranquilles les minarets. Et qu'en échange elle va s'occuper d'un symbole bien plus dérangeant encore de l'islam, celui de la burqa, que la conseillère fédérale se dit prête à interdire en Suisse si trop de femmes musulmanes se mettaient à porter ce voile intégral et grillagé dans nos rues.
Surenchère populiste
De quoi ajouter de la confusion à la confusion dans ce débat miné sur les minarets. C'est en tout cas ce qu'estime l'entourage de plusieurs conseillers fédéraux. «Mme Widmer-Schlumpf avance un argument dangereux, qu'on ne doit justement pas lier à cette votation sur les minarets», explique une source. Une autre va plus loin encore: «Il s'agit d'une surenchère populiste mal maîtrisée face à l'UDC.» Voilà qui vise personnellement la conseillère fédérale bannie par l'UDC et en quête de soutiens pour éventuellement se faire réélire à son poste en 2011.
Très actif dans le camp des opposants à l'initiative, le jeune radical valaisan Philippe Nantermod ne va pas si loin. Mais il s'étonne tout de même de la sortie de Mme Widmer-Schlumpf: «Ne jouons pas à se faire peur avec des burqas, laissons-les aux affiches de l'UDC!» Selon Philippe Nantermod, il s'agit d'un faux débat: «Si on avait vraiment un problème de burqas en Suisse, on pourrait en discuter. Mais ce n'est pas le cas. Les seules femmes musulmanes en voile intégral que l'on peut croiser sont de riches touristes des pays arabes de passage à Genève.»
Du côté des partisans de l'initiative, on accueille nettement plus favorablement les velléités d'interdiction portées par Eveline Widmer-Schlumpf. Non sans ironie, comme le résume l'UDC Oskar Freysinger: «Elle est vraiment maladroite, car elle nous donne implicitement raison! Oui, nous avons un problème d'intégration face à l'islam, que ce soit pour la burqa ou les minarets.»
L'UDC se délecte aussi de voir la conseillère fédérale mettre les femmes socialistes dans l'embarras: «Elles sont complètement schizophrènes, assène Oskar Freysinger. La burqa leur déplaît aussi, mais elles se veulent quand même ouvertes à une religion encore plus machiste que le catholicisme.»
Présidente des Femmes socialistes, Maria Roth-Bernasconi voit évidemment les choses autrement: «L'affiche des initiants a voulu faire croire que, après les minarets, les burqas allaient nous envahir. Mme Widmer-Schlumpf a donc eu raison de préciser que la burqa pourrait être interdite en Suisse si elle y devenait un vrai problème, sachant qu'il s'agit là vraiment d'un signe dégradant pour la femme.»
Propos minimisés
Cette ligne d'argumentation recoupe celle de la principale intéressée. Porte-parole de la conseillère fédérale, Brigitte Hauser précise que «Mme Widmer-Schlumpf n'a fait que donner son avis personnel sur ce symbole qui la dérange. Et elle a ajouté que, si cela devenait un vrai problème en Suisse, la Confédération pourrait examiner la question d'une interdiction. Ensuite, on peut toujours exploiter les arguments comme on veut dans une campagne.»
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