vendredi 4 septembre 2009

Immigration : Silvio Berlusconi s'en prend à la Commission européenne


LE MONDE | 03.09.09 | 15h21 • Mis à jour le 03.09.09 | 15h21
Bruxelles Correspondant

e torchon brûle à nouveau entre le gouvernement italien et les autorités européennes. Et, une fois encore, la politique d'immigration en est la cause. Mardi 1er septembre, le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, s'en est pris très vivement à la Commission européenne, lui reprochant de s'immiscer dans une affaire nationale et de faire le jeu de son opposition. M. Berlusconi a menacé de bloquer le Conseil européen, voire de demander la démission des commissaires qui ne contrôleraient pas leur porte-parole.

La communication d'un porte-parole anglais de la Commission, lundi, est à l'origine de l'incident. Denis Abbott avait évoqué une lettre adressée par Bruxelles à Rome au sujet du refoulement de clandestins. Dimanche, un bateau provenant de Libye et transportant 75 clandestins avait été renvoyé par la police italienne.

Il s'agit d'"une simple demande d'éclaircissements, d'informations", a affirmé la Commission européenne. M. Abbott soulignait que tout être humain avait le droit d'introduire une demande en vue de se faire reconnaître comme réfugié ou de bénéficier d'une protection internationale. Cette position avait déjà été exprimée, le 15 juillet, par Jacques Barrot. Le commissaire à l'immigration avait alors indiqué qu'un Etat ne pouvait refouler un demandeur d'asile sans examiner son cas au préalable.

M. Berlusconi estime, lui, que seuls le président de la Commission et son propre porte-parole devraient désormais être autorisés à s'exprimer publiquement. Selon certaines sources, le premier ministre aurait aussi conditionné son soutien futur à la réélection du président de la Commission, José Manuel Barroso, à une réforme de la politique de communication de l'exécutif bruxellois. Il compte évoquer le sujet lors du prochain sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, fin octobre à Bruxelles.

"L'Europe est sourde"

L'énervement de M. Berlusconi a été d'autant plus grand que la Commission a déjà critiqué d'autres de ses initiatives, dont le fichage des Roms ou la création d'un délit d'immigration clandestine. En juillet, l'exécutif européen avait aussi indiqué qu'il souhaitait examiner la "compatibilité" de certaines lois italiennes avec le droit communautaire.

En réponse, plusieurs membres du gouvernement Berlusconi ont dénoncé "l'impuissance" des autorités européennes face à l'immigration clandestine et le fait que les Etats riverains de la Méditerranée ne bénéficieraient pas d'un soutien suffisant. "L'Europe nous a laissés seuls (...), elle est restée absente et sourde (...), elle est coupable parce qu'elle a laissé exploser le problème", a déclaré, mercredi, le ministre des affaires européennes, Andrea Ronchi, à Il Corriere della Serra. "L'immigration est un problème européen. L'UE fait beaucoup de déclarations (...) mais elle n'a toujours pas dit ce qui doit se passer quand un groupe de migrants atteint ses frontières", a estimé le ministre des affaires étrangères, Franco Frattini, à l'issue d'une récente discussion avec la présidence suédoise de l'Union.

La Commission européenne a affirmé, mercredi, que les tensions avec l'Italie étaient en voie d'apaisement. M. Barrot a refusé "les commentaires sans objet" et rejeté toute accusation d'immobilisme. Il a cependant admis une partie des critiques italiennes en évoquant "la frilosité" des Etats membres face au nécessaire partage du "fardeau " que constitue, pour les Européens, l'accueil des réfugiés.

La polémique a relancé le débat sur la nécessité de nouvelles mesures communautaires. La Commission entend mieux aider l'Italie, Malte, la Grèce, Chypre et l'Espagne. Elle veut formuler dans quelques semaines des propositions en vue d'harmoniser les procédures d'asile entre les Vingt-Sept, afin de n'accueillir que "ceux qui ont vraiment besoin d'une protection internationale ", selon la formule de M. Barrot. La présidence suédoise de l'Union promet des "critères de distribution des flux d'immigration parmi les Vingt-Sept". Cette répartition interne s'appuiera sur un projet pilote mené à Malte mais qui n'a abouti, pour l'instant, qu'à l'accueil par la France de 90 immigrants.

Enfin, Bruxelles a proposé, mercredi, un programme commun volontaire pour l'accueil de réfugiés particulièrement "fragiles", notamment des personnes qui vivent provisoirement dans des camps au Tchad, en Jordanie ou au Kenya, par exemple.


Jean-Pierre Stroobants

Une arrivée massive

Demandes d'asile En 2008, l'UE en a enregistré 240 000. Sur les 194 000 dossiers traités en première instance, 73 % ont été rejetés. Selon l'ONU, 67 000 personnes ont traversé la Méditerranée en 2008 pour demander l'asile.

Clandestins L'Italie a enregistré l'arrivée de 37 000 clandestins (+ 75 % en un an) en 2008. Selon la Commission européenne, 4 000 candidats à l'asile ont péri en mer depuis 2003.

Solidarité financière Pour aider les pays riverains de la Méditerranée, l'UE a développé plusieurs mécanismes. Un Fonds pour les frontières extérieures allouera 158,8 millions d'euros en 2009 (17,7 à l'Italie). Le Fonds européen pour le retour s'élève à 61,8 millions (6 pour l'Italie). Un Fonds pour les réfugiés alloue 88,9 millions (+ 9,8 millions en vue de mesures d'urgence), dont l'Italie a perçu 14,3 millions en 2008-2009. Un Fonds pour l'intégration doit allouer 822 millions entre 2008 et 2013.




Début de l'opération de régularisation des "badante"

Selon le ministère de l'intérieur italien, l'opération de régularisation des employés de maison ("badante"), en large majorité étrangers, a commencé "en douceur", mardi 1erseptembre, jour de l'ouverture du guichet électronique sur le site du ministère : 5 289 demandes ont été transmises alors que cette mesure, prise pour amortir les effets de la création du "délit d'immigration clandestine", pourrait concerner près de 500 000 personnes. Les premières demandes concernent principalement des personnes moldaves, ukrainiennes et marocaines. Pour prétendre à une régularisation de leur badante, les employeurs doivent avoir un revenu minimal annuel de 20 000 euros, présenter un certificat médical justifiant le besoin d'un emploi domestique et verser 500 euros. Les employés ne doivent pas avoir eu affaire avec la justice. La procédure prend fin le 30 septembre.

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