samedi 11 juillet 2009

La bombe Grecque de l'asile


En Grèce, les immigrés arrivent désormais du monde entier.

AFP PHOTO / ARIS Messinis

En Grèce, les immigrés arrivent désormais du monde entier.

Avec ses milliers d'îles et ses 16 000 kilomètres de frontières, la Grèce attire chaque année un flot croissant de clandestins. Débordée par l'ampleur du phénomène, Athènes appelle à l'aide l'Union européenne.

Le visage collé aux barreaux de leur dortoir, un groupe de migrants afghans tente de profiter des quelques rayons de soleil. Murs couverts de graffitis, poste de télévision cassé, lits de fortune: le camp de rétention de l'île grecque de Lesbos a tout d'un cachot. Sous le regard vide des détenus, les policiers vont et viennent, cachés derrière des masques de protection. Certains pensionnaires seraient porteurs de maladies comme la tuberculose ou l'hépatite C. L'été dernier, ils étaient presque un millier à s'entasser dans ces hangars bétonnés, conçus pour abriter 400 personnes. Une surpopulation qui illustre l'incapacité de la Grèce à faire face à l'explosion récente du nombre de sans-papiers arrivant sur son territoire.

Les policiers en première ligne

"Particularité grecque, c'est la police qui gère toutes les procédures d'asile. Beaucoup d'associations de défense des droits de l'homme y voient un conflit d'intérêts: "Vous ne pouvez pas à la fois arrêter quelqu'un, le protéger et le renvoyer dans son pays"", explique Spyros Kouloheris, avocat au Comité grec pour les réfugiés. Un système "désastreux", selon lui. Pour les réfugiés d'abord, mais aussi pour les policiers. Au ministère de l'Intérieur, en revanche, on temporise: "Je ne pense pas qu'il y ait un problème de procédure", affirme Konstantinos Bitsios, secrétaire général.

Reste que, dans la formation dispensée aux futurs policiers, rien ou presque ne les prépare à entendre des demandeurs d'asile en entretien: "On leur apprend à être des policiers, pas des travailleurs sociaux", souligne Nikos Koblas, avocat associé à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés.

Le pays tente tant bien que mal de protéger ses frontières, qui sont aussi celles de l'Europe. Mais, avec ses milliers d'îlots et son littoral de 16 000 kilomètres, la côte grecque est très poreuse et la tâche semble vaine.

En 2006, 75 000 immigrants illégaux ont été arrêtés en Grèce. L'an dernier, ils étaient deux fois plus nombreux. "Le nombre de demandeurs d'asile et d'immigrés illégaux qui pénètrent notre territoire est si important que nous ne pouvons faire face", reconnaît Konstantinos Bitsios, secrétaire général du ministère de l'Intérieur.

Les îles de la mer Egée comme Lesbos, Chios et Samos sont les plus touchées. Situées à quelques kilomètres des côtes turques, elles sont sur la route des migrants venant du Moyen-Orient et d'Afrique. L'année dernière, plus de 13 000 migrants ont ainsi été arrêtés à Lesbos, et près de 10 000 à Samos. De quoi bouleverser la vie quotidienne de ces îles, où vivent respectivement 90 000 et 34 000 habitants. "Nous n'avons guère le temps de nous occuper de quoi que ce soit d'autre", déplore Panagiotis Kordonouris, chef de la police de Samos.

Incapable de maîtriser les flux de migrants qui le traversent, le pays abrite aujourd'hui entre 250 000 et 2 millions d'immigrés illégaux (pour une population totale de 11 millions). A titre de comparaison, la France compterait aujourd'hui entre 200 000 et 400 000 clandestins, pour 64 millions d'habitants.

Ces dernières années, les Nations unies et de nombreuses associations de défense des droits de l'homme n'ont eu de cesse de critiquer Athènes, dénonçant le manque d'infrastructures disponibles pour accueillir les migrants et l'insalubrité de leurs conditions de rétention.

Les autorités grecques ont pourtant déployé de gros moyens. En 2007, le gouvernement a ainsi dépensé 2,7 millions d'euros pour construire un nouveau centre à Samos. Perché en haut d'une colline, ce complexe flambant neuf ressemble plus à un camp de vacances qu'à un centre de rétention, avec son terrain de basket-ball et son aire de jeux pour enfants. "C'est un hôtel!", s'enthousiasme Nikos Kopanas, gérant d'un restaurant local.

Si l'Europe pesait de tout son poids, ce serait différent

Par ailleurs, 12 bâtiments supplémentaires pourraient encore ouvrir à Athènes, à Patras et dans le Péloponnèse. Sur le terrain, cependant, certains doutent de l'utilité d'un tel investissement: "Construire toujours davantage de locaux n'est pas la solution, estime Tsigiros Evaggelos, policier sur l'île de Samos. Le nombre de migrants ne cesse d'augmenter."

A défaut de pouvoir tarir ce flux continuel de clandestins, la Grèce souhaiterait expulser ceux qui ne peuvent prétendre au statut de réfugié. Mais, pour la majorité d'entre eux, c'est impossible.

La plupart des pays d'origine, comme le Pakistan ou le Bangladesh, refusent de reconnaître les immigrés comme leurs ressortissants. Ces derniers, souvent, n'ont pas de papiers. Certains n'en ont jamais eu, d'autres les ont détruits, sur le conseil des passeurs.

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