vendredi 31 juillet 2009

1ER AOÛT: PAS BESOIN DE PASSEPORT POUR SE SENTIR SUISSE

RACHAD ARMANIOS

Suisse«Je ne suis pas du genre à mettre un drapeau suisse à ma fenêtre pour le 1er Août. Ni un drapeau de l'Espagne le jour de sa fête nationale.» Pas «nationaliste» pour un sou, dit-elle, Suzy Castro est à 56 ans en paix totale avec son identité mixte. Née d'une famille modeste dans un village de Léon, quelque part sur le chemin de Compostelle, elle dit y avoir gardé ses racines. Elle l'a quitté à 18 ans. Mais après trente-huit années à Genève, elle peut l'affirmer: «Le 1er Août est aussi ma fête, cela m'appartient.» Elle sait vaguement que ce jour consacre un pacte conclu entre trois cantons primitifs, mais la Suisse mythologique l'intéresse peu: «Derrière la carte postale montrant Heidi, le Jet d'eau et l'Horloge fleurie, il y a la souffrance au travail, les inégalités de richesse, le rejet des sans-papiers, mais aussi la démocratie et le pouvoir de faire changer les choses.»
Suzy Castro, représentante du personnel au conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève, s'est frottée dès son arrivée en Suisse à sa réalité laborieuse. Suivant son frère sur le chemin de la migration, elle a été engagée comme aide-soignante dans une maison de retraite.


La démocratie

Quittant l'Espagne de Franco, elle a rapidement compris que le voyage n'était pas un aller-retour. «Chez moi, j'étais déjà un peu politisée. Je participais à des réunions des Jeunesses ouvrières chrétiennes, l'un des rares espaces d'expression. En Suisse, j'ai connu mes premiers pas en démocratie, c'était magnifique.»
Elle se souvient de l'apprentissage de la langue, évoque les réunions dans des cercles espagnols qui l'ont beaucoup aidée à s'adapter. Loin de l'enfermer dans une communauté, cette proximité avec des compatriotes, puis avec des migrants venant du monde entier, lui a permis de s'ouvrir à la société suisse, raconte-t-elle.
Mais la clé de son intégration réussie, poursuit-elle, a été son engagement professionnel et syndical, puis dans des causes politiques comme le soutien aux sans-papiers ou le droit de vote pour les étrangers.
«Les communes font peu pour aider les nouveaux venus à s'intégrer. Pour beaucoup de femmes, la socialisation s'est faite à travers les enfants. Mais je n'en ai pas eu et ne me suis pas mariée.» A Genève, elle a décroché l'équivalent d'un bac puis a suivi une formation comme psychomotricienne.
Loin de ses parents, elle a remplacé sa famille par un large cercle d'amis et de connaissances de toutes nationalités. Dont, bien sûr, des Espagnols. Mais les adresses du carnet qu'elle conserve depuis ses 18 ans sont pour la plupart biffées. «Beaucoup sont rentrés chez eux. Pour moi, c'est une déchirure.»


Souffrances

Elle peut être réciproque: «Ceux qui ont une première fois tout quitté laissent derrière eux des amis, des enfants et des petits-enfants en rentrant au pays. J'ai des connaissances qui regrettent la Suisse. Ils disent qu'elle est mieux organisée. Qu'ils y étaient mieux.» Mais ce n'est pas forcément vrai: Suzy Castro évoque alors les souffrances de compatriotes parfois aigris ou déprimés pour souligner combien la migration peut être dure à vivre. «En Suisse, des étrangers se sont usés au travail pour de petits salaires, dans le bâtiment ou la restauration. Avec l'âge, certains y ont laissé leur santé ou ont été victimes des restructurations dans les entreprises. La retraite venue, ou avant, leurs maigres perspectives économiques les ont poussés à rentrer.»
Cette non-reconnaissance du travail effectué – que Suzy Castro analyse comme une forme d'ingratitude de la part de la Suisse – fait des dégâts: «L'estime de soi en prend un coup. C'est comme si on vous essore.» Mais les choses sont plus complexes, nuance-t-elle. «Chacun, selon ses capacités et son vécu, est ou non capable de digérer les traumatismes, comme un séjour illégal ou le rejet. Surtout, il faut le dire, les migrants sont en général reconnaissants d'avoir pu faire leur vie en Suisse en y trouvant un travail mieux rémunéré que chez eux.»
Le problème, souligne Suzy Castro, c'est que la Suisse, globalement, peine à reconnaître la relation «donnant-donnant»: «Beaucoup de Suisses disent qu'il y a trop d'étrangers. Pourtant, ce sont eux qui construisent les maisons des Suisses, gardent leurs enfants, soignent leurs aînés, nettoient leurs bureaux.» Alors quand les anciens migrants rejettent les nouveaux, Suzy Castro sort de ses gonds: «Que des étrangers rejettent des étrangers me laisse sans voix.» Mais n'est-ce pas un signe de leur intégration?
En Espagne, où elle rentre régulièrement, le sentiment xénophobe est très présent depuis que ce pays s'est transformé en pays d'immigration. «Quand le sujet venait sur la table, ma mère rappelait toujours que ses enfants avaient été accueillis en Suisse.»
Elle est décédée il y a cinq ans: «C'est quand on n'a plus ses parents que les racines se plantent vraiment, confie Suzy Castro. C'est comme si mon coeur était dédoublé, comme s'il battait ici et là-bas.»

jeudi 30 juillet 2009

Office fédéral des migrations : l'optimisation des processus est engagée

Ces prochains mois, la première étape consistera à mettre en oeuvre des possibilités d'amélioration déjà identifiées dans certains domaines de l'ODM. Il s'agira ensuite d'améliorer dans l'ensemble de l'office les processus opérationnels lourds et complexes. L'exercice doit permettre de libérer des ressources qui pourront être employées pour mieux maîtriser les défis actuels et à venir dans le domaine des migrations. Les demandes de personnel supplémentaire, présentées par l'ODM au début de l'année, sont suspendues jusqu'à la fin du processus d'optimisation et de restructuration. Pendant cette période, rien ne changera non plus au niveau de la direction de l'office : Jörg Gasser, directeur par intérim, ne passera le témoin au futur directeur de l'ODM qu'une fois ce projet terminé. Le poste a été mis au concours au milieu du mois de juin et une décision sera prise prochainement, afin que le nouveau directeur puisse être associé au processus en cours.

Lire le communiqué du DFJP

Migrants à Calais: mise en place d'un comité de pilotage franco-britannique

Un comité de pilotage franco-britannique destiné à mieux lutter contre l'immigration irrégulière entre la France et la Grande-Bretagne est installé depuis lundi à Calais, a annoncé mercredi le ministère de l'Immigration.

Cette annonce a été faite dans le cadre du premier bilan dressé depuis l'information de la mise en place du plan d'action d'Eric Besson, fin avril à Calais.

Le comité, comprenant une quarantaine de policiers et responsables administratifs (affaires étrangères, douanes, portuaires...) des deux pays, se réunira chaque mois.

Sa création a été décidée lors d'un accord au sommet franco-britannique d'Evian le 6 juillet. Il prévoit également la mise en place d'un centre de coordination conjoint et d'un "projet pilote". Cette structure permettra d'utiliser "les nouvelles technologies de surveillance des flux de transport de marchandises" en vue de lutter contre toutes les formes de trafic, précise le ministère dans un communiqué. A charge, pour le comité de pilotage de choisir ces "nouvelles technologies".

Concernant les chiffres recensés en matière d'immigration clandestine, le ministère fait état de "13.715 étrangers en situation irrégulière interpellés dans les poids lourds au cours du premier semestre 2009. Il y en avait eu 7.760 pour la même période de 2008, soit une hausse de 76%".

Au total sur la même période, 18.922 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés dans le Pas de Calais, dont 9.174 Afghans, 2.786 Erythréens, et 1.946 Irakiens.

Selon le ministère, 5.865 mesures de garde à vue ont par ailleurs été décidées depuis le début de l'année 2009, contre 5.722 pour la même période en 2008. 235 passeurs ont été interpellés depuis le début de l'année, contre 200 pour la même période en 2008. 42 sont de nationalité britannique, 32 de nationalité française et 20 de nationalité allemande. 50 passeurs ont été déférés et écroués et condamnés à des peines entre 3 mois et 18 mois de prison, assorties d'une interdiction du territoire français et de la confiscation des scellés et produits de l'infraction.

Tout en réaffirmant qu'il excluait la création d'un centre d'hébergement comme celui de Sangatte, géré par la Croix Rouge et fermé en 2002, M. Besson a annoncé la fermeture d'ici la fin de l'année de la "jungle", vaste zone située près du port où transitent toujours depuis des centaines de migrants clandestins, 500, selon le ministère.

M. Besson s'est toutefois engagé à améliorer la situation humanitaire de ces migrants, avec notamment la pérennisation d'accès aux soins, l'installation de nouveaux sanitaires et de points de distribution de repas, ainsi que leur information sur le droit d'asile.

Selon son ministère, un service a été ouvert à cette fin à la sous-préfecture de Calais début ma. 137 demandes d'asiles y ont été enregistrées.

De nouveaux points d'information ont également été mis en place début juin, notamment par la représentation française du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et France Terre d'Asile (FTDA).

Un "dispositif renforcé" d'aide au retour volontaire a aussi été mis en place, avec 145 retours de ce type entre le 1er janvier et le 28 juillet 2009.

Copyright © 2009 AFP.

mercredi 29 juillet 2009

Avec la crise de l'immobilier, l'Espagne n'est plus un eldorado pour les immigrés

De nombreux étrangers dont la situation avait été généreusement légalisée en Espagne se trouvent aujourd'hui sans emploi et incités au départ.

La crise économique qui affecte très fortement le pays a incité le gouvernement de José Luis Zapatero à modifier sa politique sur l'immigration. Même si celle-ci reste l'une des plus permissives dans le panorama européen, le leader socialiste s'est résigné à fermer la porte aux vagues d'immigrants et fait même tout, aujourd'hui, pour les inciter à rentrer chez eux. Au cours des douze dernières années, le nombre d'étrangers résidant en Espagne, qui était seulement de 500 000 en 1996, a explosé. Ils sont désormais 5,6 millions, soit 12 % de la population espagnole.

Lire la suite de cet article du Figaro

mardi 28 juillet 2009

Berlusconi régularise en masse des «sans-papiers»

L'heure du thé pour des réfugiés érythréens qui partagent un appartement à Palerme, en Sicile. Crédits photo : Alfredo D'AMATO/PANOS-REA En Italie, 350 000 à 400 000 étrangers en situation irrégulière devraient sortir de la clandestinité pour des raisons économiques au cours des prochaines semaines.

Pour Elena, septembre marquera la fin de sa clandestinité en Italie. Cette Russe de 34 ans est employée comme  garde-malade dans une famille romaine. Six jours sur sept, elle assure une permanence de tous les instants auprès d'un couple d'octogénaires qui ont perdu leur autonomie. Cela fait deux ans qu'elle se trouve à leur service. Avec l'entrée en vigueur, le 8 août prochain, de la nouvelle loi sur la sécurité qui durcit les conditions de séjour des immigrés et prévoit l'expulsion immédiate des clandestins, elle craignait de devoir rentrer dans son pays.

Lire la suite de cet article dans le Figaro

jeudi 23 juillet 2009

Une peine symbolique requise pour délit de solidarité

Une condamnation avec dispense de peine a été requise à Foix (Ariège) contre une femme poursuivie pour avoir hébergé un mineur d'origine afghane, ce que les associations appellent le "délit de solidarité".

À sa sortie du tribunal, Claudine Louis a été accueillie par un tonnerre d'applaudissements. Le tribunal correctionnel a mis son jugement en délibéré au 8 septembre prochain, apprend-on de source judiciaire.

Près de 70 personnes appartenant au Réseau Education Sans Frontière (RESF) et à la Ligue des droits de l'homme s'étaient déplacées pour soutenir Claudine Louis, 50 ans.

Celle-ci était poursuivie pour "aide à un étranger en situation irrégulière", délit passible d'une peine maximum de cinq ans de prison et de 30.000 euros d'amende.

Au mois de décembre dernier, Claudine Louis avait accueilli à son domicile de Saint-Girons (Ariège) un jeune afghan, Obaidullah Samari, âgé de 16 ans.

Constatant qu'il lui était impossible d'obtenir la régularisation de la situation de l'adolescent, elle l'avait confié quelques mois plus tard à la préfecture de l'Ariège, qui l'a placé ensuite dans un centre d'accueil social.

Le procureur de la République, Antoine Leroy, a dit avoir requis à l'audience une "condamnation avec dispense de peine".

"Si l'on ne poursuit pas Madame Louis, alors on ne pourra pas poursuivre à l'avenir des passeurs qui se spécialiseront dans le trafic de mineurs étrangers", a-t-il expliqué à Reuters.

L'avocat de Claudine Louis, Guy Dedieu, a demandé pour sa part la relaxe de sa cliente, estimant que l'enfant mineur qu'elle a hébergé ne peut être en situation irrégulière par définition, puisqu'il n'est pas majeur.

Reuters

Sur le même sujet, lire l’article de la Dépêche

mardi 21 juillet 2009

Un nouvel espace enfants permet la préscolarisation des petits migrants

La commune de Nyon se dote d’un espace enfants, afin de permettre aux parents de suivre les cours de français et à leurs bambins de se familiariser avec la langue.

Sur la base d’une initiative de Caritas, une nouvelle structure, unique dans la région, a été mise en place depuis février. Ce lieu a pour but d’accueillir les bambins des migrants, âgés de 0 à 4 ans, dont le père ou la mère sont inscrits aux cours de français que donne Caritas. Actuellement, 10 cours sur 5 niveaux sont dispensés gratuitement aux adultes migrants, afin de favoriser leur intégration dans la région.

Le concept général est né il y a environ deux ans. Pour Caritas il s’agissait d’associer l’apprentissage du français, notamment pour les femmes, à la socialisation et à la familiarisation de la langue pour les petits. Ce lieu permet donc aux parents qui n’ont pas la possibilité de faire garder leur progéniture, de suivre malgré tout des cours de français. Les enfants sont accueillis par du personnel formé et agréé par la ville de Nyon, à raison de deux matins par semaine.

La naissance de cet espace a été rendue possible grâce à la collaboration de la ville de Nyon. Michel Piguet, chef du Service des affaires sociales, explique que la commune finance le personnel et les locaux. Le canton, lui, a octroyé, un soutien financier unique d’une dizaine de milliers de francs pour un an.

Un Monsieur Intégration

Un autre acteur a joué un rôle clé dans ce dossier. Il s’agit de Migjen Kajtazi. Ce dernier travaille pour le centre de compétences cantonal en matière d’intégration des étrangers, dans les zones Nyon-Morges et Ouest lausannois. Il sert de courroie de transmission entre les projets d’intégration locaux et la coordination cantonale. Ce Monsieur Intégration construit les dossiers de présentation des projets et les soumet ensuite au canton, qui décide d’attribuer, ou non, une subvention.

Les personnes qui auraient de nouveaux projets d’intégration à soumettre pour 2010 peuvent participer à une séance d’information qui aura lieu le 27 août à 19 h au Palais de Rumine, à Lausanne. Le délai de dépôt des dossiers, dans le domaine de la langue et de la formation, est fixé au 15 octobre et au 31 mars 2010.

A.-L. P. dans 24 Heures

Contact Espace enfants: 079 621 43 93

Plus d’information sur les projets: http://www.vd.ch/integration

samedi 18 juillet 2009

Le Collectif vaudois de sans-papiers: «Nous sommes avec Mirta Palma»


L'été s'annonce long pour la blessée de Bel-Air, qui va déposer une demande de permis humanitaire. La solidarité s'organise

Muriel Jarp - le 17 juillet 2009, 22h23
Le Matin

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«En général, nous restons très tranquilles et discrets», explique un ami équatorien, membre du Collectif vaudois de sans-papiers. «Mais, là, nous allons nous battre pour que Mirta puisse rester en Suisse. Nous sommes tous avec elle.» Une communauté effectivement discrète. Ils seraient plus de 6000 sans-papiers équatoriens dans le canton. Et solidaires. «On se connaît tous, on s'aide en cas de coup dur», ajoute-t-il. Alors de savoir que Mirta Palma - la blessée de Bel-Air (VD) - qui s'est toujours énormément engagée dans l'association des Equatoriens de Lausanne, est sommée de quitter le pays d'ici au 15 septembre, cela suscite un grand mouvement de sympathie.

Pas d'assurance perte de gain
Son avocat, Jean-Michel Dolivo, explique qu'une plaine pénale vient d'être déposée, afin que sa cliente puisse prétendre à des dédommagements pour les torts qu'elle a subis dans l'accident de Bel-Air, où elle a eu la jambe broyée sous une voiture. Des torts tant physiques que psychiques. Sans parler du manque à gagner. «Car, évidemment, elle n'a pas d'assurance perte de gain!» ironise son avocat, qui rappelle que cela fait sept ans que cette femme de 53 ans fait des ménages chez des particuliers. Des dédommagements qui devraient être pris en compte soit par la RC de la conductrice de la voiture remorquée, soit par celle du dépanneur, selon l'issue de l'enquête.

Dossier délicat
«Nous allons aussi déposer une demande de permis humanitaire courant août», précise Jean-Michel Dolivo. D'ici là, il s'agit de réunir les documents nécessaires. Un dossier d'autant plus difficile à préparer au vu de la situation illégale de Mirta. «On va essayer de prouver ses revenus. Mais, vous imaginez bien, c'est délicat de demander cela à ses employeurs!» Son avocat compte aussi sur les attestations médicales qui décriraient les séquelles physiques potentielles, rendant un retour au pays d'autant plus compromis.

Jean-Michel Dolivo ne le cache pas, le fait que les filles de Mirta Palma sont restées au pays constitue un point négatif pour le dossier. Une crainte confirmée par le chef du Service de la population du canton de Vaud, Henri Rothen. Or, si retourner en Equateur permettrait à cette mère de retrouver ses filles après sept ans de séparation, cela signifierait surtout une situation économique très précaire pour la famille. Depuis ici, Mirta Palma peut envoyer 500 francs par mois pour soutenir ses filles.

Craintes de l'avocat
L'avocat, célèbre défenseur des sans-papiers, semble déterminé à tout entreprendre pour sauver sa cliente. «Je pense qu'on va lancer une pétition. Et on envisage une manifestation de soutien», précise-t-il.

Reste qu'il est conscient du parcours difficile qui les attend, lui et sa cliente: tout d'abord parce que les conditions de l'administration vaudoise sont très sévères, ensuite parce que Berne applique désormais une politique très restrictive.

Le permis humanitaire, c'est quoi?
Il faut distinguer la protection accordée au requérant d'asile du permis humanitaire, précise Henri Rothen, chef du Service de la population. Un requérant doit être victime de persécution dans son pays pour obtenir le statut de réfugié.

Quant au permis humanitaire (un permis B en fait), il peut être octroyé à ceux qui ont longuement été en Suisse de manière clandestine, et dont le retour au pays serait un «cas d'extrême gravité». «La personne doit être tellement intégrée que son retour serait insupportable», explique Henri Rothen. Si le canton de Vaud juge le dossier recevable, il l'envoie à l'Office des migrations, qui est dernier juge. Depuis 2002, sur 600 dossiers envoyés à Berne, environ 30% ont été acceptés.

Pour y prétendre, il faut remplir les conditions suivantes:

Durée de résidence
Avoir séjourné en Suisse au moins neuf ans sans interruption pour les célibataires, et sept ans pour les personnes qui ont des enfants en âge de scolarité.

L'intégration à la société
Par son réseau social, ses amis, la maîtrise de la langue, etc. Comme Mirta Palma a été présidente de l'association des Equatoriens pendant des années, cela pourrait être considéré comme une intégration, précise Henri Rothen.

Ne pas avoir commis d'infraction
Cela depuis l'arrivée en Suisse.

Avoir des revenus
Donc ne pas dépendre de l'aide sociale.

Bénéficier de circonstances exceptionnelles La situation médicale de Mirta Palma, par exemple.

Des jumelles de 16 ans peuvent rester en Suisse


Tijana et Aleksandra Comagic, leur mère, Olivera, et Regula Thalmann, présidente du Grand Conseil zurichois (de gauche à droite). Jeudi, le Tribunal administratif a annoncé que les deux filles et leur mère resteraient en Suisse. (Keystone)

Tijana et Aleksandra Comagic, leur mère, Olivera, et Regula Thalmann, présidente du Grand Conseil zurichois   (de gauche à droite). Jeudi, le Tribunal administratif a annoncé que les deux filles et leur mère resteraient en Suisse. (Keystone)

Les deux jeunes filles de 16 ans peuvent rester

L’élan de solidarité a atteint son pic en mars dernier. Presque tous les maîtres et les élèves de l’école Lavater, à Zurich, sont présents dans la salle de gym. Ils ont organisé une conférence de presse pour expliquer pourquoi les jumelles Aleksandra et Tijana Comagic, 16 ans, ne doivent pas être expulsées vers la Serbie. La future maire socialiste Corine Mauch et le municipal des Ecoles, le PDC Gerold Lauber, ont envoyé un message de soutien.

Cette mobilisation a porté ses fruits. Jeudi, le Tribunal administratif de Zurich a annoncé qu’il cassait une décision du Conseil d’Etat et autorisait les deux jeunes filles et leur mère à rester en Suisse. Une surprise, après deux ans de procédures balisées de décisions négatives. Car le canton de Zurich est parmi les plus restrictifs en matière de cas de rigueur. Il n’a transmis en quelques années qu’une poignée de demandes à l’Office fédéral des migrations.

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La médiatisation à double tranchant des sans-papiers


Gwenaëlle Reyt dans le Temps

Tijana et Aleksandra Comagic, leur mère, Olivera, et Regula Thalmann, présidente du Grand Conseil zurichois (de gauche à droite). Jeudi, le Tribunal administratif a annoncé que les deux filles et leur mère resteraient en Suisse. (Keystone)

Tijana et Aleksandra Comagic, leur mère, Olivera, et Regula Thalmann, présidente du Grand Conseil zurichois   (de gauche à droite). Jeudi, le Tribunal administratif a annoncé que les deux filles et leur mère resteraient en Suisse. (Keystone)

L’affaire de Mirta Palma, Equatorienne sans-papiers, a été rendue publique pour influencer les autorités. En vain, selon ces dernières

En quelques jours, Mirta Palma a fait la une de24 heures et du Matin. Cette femme équatorienne sans-papiers, victime du médiatisé accident de voiture de Bel-Air à Lausanne le 26 juin dernier, vivait dans la clandestinité depuis sept ans. Découverte à la suite de l’accident, elle a reçu l’ordre de quitter le pays au plus tard le 15 septembre prochain. Sans tarder, son avocat, Jean-Michel Dolivo, a informé le quotidien 24 heures de la situation afin de sensibiliser l’opinion publique. Alors même qu’aucune démarche auprès du Service de la population n’avait encore été faite.

Que ce soit pour Mirta Palma, Adem Salihi à Bassins, Fahad Khammas, héros du film La Forteresse, ou encore les jumelles Comagic à Zurich (lireici), les différents comités de soutien aux sans-papiers utilisent les médias pour faire pression sur les autorités. Cette stratégie est-elle efficace? «Des familles ont été régularisées grâce à une bonne couverture dans la presse et à des pétitions. Si on parle d’immigration d’un point de vue général, c’est abstrait pour la population. Personnaliser la situation de Mirta Palma ou des autres sans-papiers permet de rallier des personnes qui au départ auraient pu nous être défavorables», explique Christophe Tafelmacher, avocat et membre du collectif vaudois de soutien aux sans-papiers.

Un avis que partage Jean-Michel Dolivo, également membre du collectif: «C’est un soutien important. Les circonstances nous ont poussés à répondre de cette manière. Jamais nous n’aurions pensé que les autorités auraient le culot et la brutalité de lui donner cette notification alors qu’elle est encore traumatisée par son accident.»

Cette stratégie de l’urgence ne fait pourtant pas l’unanimité. Pour Pierre Imhof, directeur de l’Etablissement vaudois d’aide aux migrants, la surmédiatisation est à double tranchant. «Etre connu peut être négatif. Dès l’instant où les autorités ont pris connaissance d’une situation, elles doivent entamer une procédure qui peut déboucher sur un renvoi. Mais cela peut aussi aboutir à une régularisation», concède le directeur.

La carte de l’émotionnel

Pour les autorités, qu’il y ait médiatisation ou non, la décision finale doit être objective et éviter de transgresser le principe d’égalité de traitement. «Certains pensent qu’avec la pression le traitement du dossier sera plus clément et qu’il mènera à une régularisation. Alors que pour l’administration, cela complique la prise de décision. C’est difficile à assumer sur le plan émotionnel. Nous parlons de vies humaines et de leur avenir. Quand il faut trancher, cela n’est jamais simple», avoue Andreane Jordan, secrétaire générale du Département de l’intérieur du canton.

Pour Henri Rothen, chef du Service de la population du canton de Vaud (SPOP), les groupes de soutien jouent la carte de l’émotionnel alors que l’administration a un cadre légal à respecter. «Nous passons toujours pour les «méchants» alors que nous devons appliquer des lois votées par le parlement et le peuple. Une situation rendue publique n’a pas plus de raison d’être régularisée qu’une autre, restée anonyme. Les groupes de soutien personnalisent les dossiers pour émouvoir. Nous ne sortons jamais gagnants de cette sorte de rapport de force émotionnel», admet le chef de service. Dans le domaine des permis dits humanitaires, le rôle du SPOP est de donner un préavis à l’Office fédéral des migrations, à qui appartient la décision finale de régularisation ou de renvoi.

Berne peut dire «non»

Contrairement à Jean-Michel Dolivo, Nicolas Mattenberger, avocat et élu socialiste au Grand Conseil, ne veut pas utiliser les médias comme premier recours. «Cela peut avoir des répercussions négatives sur le dossier. Cela n’a pas aidé Adem Salihi, à Bassins. Dans son cas, les autorités ont certainement voulu faire un exemple et monter la fermeté de l’Etat. Finalement, Adem Salihi a trouvé la solution en se mariant. Beaucoup de mes clients ont été régularisés sans que leur histoire soit sortie dans les médias», constate le député socialiste.

Pour lui, le problème est à Berne. «Même quand le canton donne un avis favorable pour un dossier, Berne peut dire «non». Il arrive que je défende deux dossiers très similaires et que l’issue ne soit pas la même. Tout dépend de la personne qui traite le dossier», explique Nicolas Mattenberger. Pour lui, le canton garde toutefois une marge de manœuvre: «Quand on parle d’enfant, cela touche. Même si une famille est refusée au niveau fédéral, c’est le canton qui doit appliquer la décision. Ce n’est pas facile d’aller chercher les gens chez eux pour les mettre dans l’avion. Dans ces cas-là, comme pour Mirta Palma, la médiatisation peut être efficace. De toute façon, elle n’a plus que ce choix maintenant que les autorités l’ont dénoncée.»

Face à un éventuel "crash démographique", l'immigration est nécessaire, par Jacques Barrot

Point de vue

LE MONDE | 17.07.09 | 14h55 • Mis à jour le 17.07.09 | 14h55

'été risque à nouveau d'être le temps des tragédies de l'immigration en mer Méditerranée. Le dernier Conseil européen a mis l'accent sur ce sujet de la plus haute importance, capable de sensibiliser les citoyens à la valeur ajoutée de l'action européenne. Mais la mise en avant de cette question majeure comporte trois risques, qu'il faut à tout prix éviter.

Le premier risque est celui d'une vision négative des flux migratoires, accentuée par un contexte de crise économique. Nous avons besoin de l'immigration pour éviter à l'Europe le "crash démographique" qui menace nos économies et nos systèmes de protection sociale. Le deuxième risque est celui d'une confusion entre immigration et asile, rendu plus grand par le caractère composite des flux de migrants arrivant en Europe. Or l'émigré économique n'est pas le réfugié qui fuit son pays, menacé par les persécutions provoquées par les guerres ou par la terreur à l'encontre des minorités. Le troisième risque est de croire que la gestion des flux migratoires et du droit d'asile peut se résoudre essentiellement au plan national, sans une coordination européenne très étroite. Cette fragmentation des politiques migratoires est une absurdité dans l'espace sans frontières de Schengen.

Nous n'avons pas assez pris la mesure de l'avancée du Pacte européen pour l'immigration et l'asile, adopté sous présidence française. Sous l'impulsion de la Commission et grâce au travail de Brice Hortefeux, des principes communs unissent désormais nos 27 Etats membres. J'y consacre toute mon énergie, en présentant de nombreuses propositions législatives, pour construire l'édifice d'une politique européenne de l'immigration et de l'asile à la fois solidaire et responsable. J'en donnerai deux exemples-clés.

Laboratoire de la réconciliation, l'Europe a vocation à accueillir les persécutés. Les valeurs de respect de la dignité humaine, de tolérance et de liberté qui fondent l'Union le lui commandent. La solidarité européenne doit être double. Solidarité vis-à-vis des réfugiés, qui doivent voir leurs conditions d'accueil améliorées, quel que soit l'Etat membre où ils effectuent leur demande d'asile, et bénéficier à terme d'une procédure unique.

Solidarité entre les Etats membres : il faut redonner de l'oxygène à certains pays qui, par leur position géographique, sont asphyxiés par les migrations. Malte, 400 000 habitants, a vu le nombre de ses demandeurs d'asile croître de 100 % de 2007 à 2008, avec neuf demandes d'asile pour 1 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 0,5.

L'Europe va donc engager un "projet pilote" pour soutenir Malte, basé notamment sur la réinstallation intra-européenne d'un certain nombre de réfugiés. La France a déjà donné l'exemple en acceptant d'en accueillir 99. J'ai proposé la révision du règlement de Dublin, afin qu'un demandeur d'asile puisse faire valoir son droit dans un autre Etat membre que le premier pays d'accueil, si cet Etat croule sous les demandes et n'a plus la capacité de les instruire correctement. Or de nombreux Etats membres sont réticents vis-à-vis de cette révision législative très fortement soutenue par le Parlement européen. Il est pourtant essentiel de réfléchir à un programme volontaire de répartition équilibrée des réfugiés en Europe.

Cette solidarité doit s'accompagner d'un esprit de responsabilité dans la gestion des flux migratoires. Gestion concertée des migrations irrégulières, qui passe par un combat résolu contre les filières criminelles des passeurs qui exploitent la détresse humaine, par une surveillance accrue des frontières imposant une montée en puissance de notre agence Frontex (agence européenne qui assure la gestion et la coopération opérationnelle aux frontières extérieures) et par le développement d'accords de réadmission qui sont la condition de retours dignes.

L'immigration irrégulière fragilise l'intégration des immigrés réguliers. Mais, surtout, de terribles drames humains l'accompagnent. Depuis 2002, au moins 4 000 personnes ont perdu la vie en tentant de traverser la Méditerranée sur des embarcations de fortune.

Nous devons établir d'urgence un dialogue avec les pays d'Afrique de l'Est et d'Afrique du Nord d'où une grande majorité de migrants partent et transitent. Il est estimé que près de 2 millions de candidats au départ se trouvent actuellement en Libye. Lors du dernier conseil des ministres européens de l'intérieur, j'ai souligné l'urgence d'établir avec les Etats de la rive sud de la Méditerranée une coopération beaucoup plus étroite pour combattre efficacement les passeurs et établir des dispositifs d'accueil et de protection des demandeurs d'asile répondant aux normes internationales.

Une politique migratoire responsable, c'est également une gestion concertée de l'immigration régulière entre l'Union et les pays tiers, qui doit aboutir à un bénéfice pour les deux parties. Ce système doit permettre à l'Europe de bénéficier durant un temps des compétences et de la force de travail des immigrés réguliers, qui rejoindront leur pays enrichis de cette expérience. Je présenterai, au mois de septembre, de nouvelles propositions de directives concernant les travailleurs saisonniers. Nous devons convaincre nos partenaires de cette chance partagée de la migration circulaire. Elle est impérative pour éviter le risque de la fuite des cerveaux et de la perte définitive de main-d'oeuvre au détriment des pays tiers.

La politique européenne de l'immigration et de l'asile exige un dialogue sans précédent avec les pays tiers, qui doivent prendre conscience non seulement que l'Europe ne peut ouvrir ses bras à tous, mais surtout que la perte de leur richesse humaine les condamnera eux-mêmes à terme dans la mondialisation. Les Européens doivent tout à la fois manifester une authentique solidarité et appeler à une responsabilité partagée avec les pays d'origine et de transit. Cela implique de lier étroitement l'aide au développement avec la gestion concertée des flux migratoires. Cela impose de faire comporter de manière systématique un volet "migration" à toute politique extérieure de l'Union. Là se trouve la véritable condition d'une réponse face à l'amplification des flux migratoires.


Jacques Barrot est vice-président de la Commission européenne chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité.

Immigration : cinq propositions pour sortir du statu quo, par Nebahat Albayrak et Carmelo Mifsud Bonnici

Point de vue

LE MONDE | 17.07.09 | 14h55 • Mis à jour le 17.07.09 | 14h55

'il y a bien un sujet où la collaboration entre les Etats membres de l'UE fait toute la différence, c'est dans le domaine de l'immigration (illégale) et de la protection des réfugiés. Les centres de détention pour immigrants illégaux à Malte et en Grèce sont pleins à craquer d'hommes généralement jeunes qui ont tout quitté pour gagner la zone européenne de liberté, de justice et de sécurité. Cependant, ce problème ne concerne pas seulement Malte et la Grèce. L'Union européenne doit trouver un accord sur les cinq points d'action suivants :

1. L'UE doit investir dans le contrôle des frontières des Etats membres du Sud et de l'Est ; car ces Etats ont besoin d'aide. La capacité opérationnelle de l'agence Frontex, qui assure la gestion extérieure des frontières de L'UE, doit être améliorée. Nous devons investir dans l'excellence de l'enregistrement et partager les informations.

2. Nous devons définir les responsabilités des Etats membres participant aux forces navales dans des opérations menées par Frontex, à l'aide de directives claires et contraignantes. Ces directives doivent être conformes aux obligations internationales des Etats concernés sans en rajouter aux charges disproportionnées auxquelles font déjà face les Etats membres les plus affectés. Nous devons mettre en place un mécanisme d'enquête pour étudier les incidents et y réagir de manière adéquate.

3. Aux frontières extérieures de l'UE, nous avons besoin de procédures d'asile rapides, efficaces et fiables. Cela nous permettra de distinguer entre les demandes d'asile frauduleuses et les migrants ayant vraiment besoin d'une protection. D'autres Etats membres doivent contribuer au développement et au partage de l'expertise des procédures d'asile, des infrastructures d'accueil, des opérations de retour, du contrôle des frontières ainsi qu'à la détection de documents falsifiés.

4. Le retour de ceux dont les demandes sont rejetées doit faire partie intégrante des procédures. La Commission européenne doit obtenir un mandat plus étendu pour conclure des accords de réadmission avec les pays d'origine. A cet égard, nous sommes partisans que le Conseil européen considère comme une priorité les négociations sur les accords de réadmission de la CE avec les principaux pays d'origine et de transit comme la Libye et la Turquie.

5. Les pays de transit doivent être aidés dans leur capacité (institutionnelle) de contrôle des frontières ainsi que dans la protection des réfugiés et la lutte contre l'immigration illégale.

Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté par les chefs de gouvernement européens en 2008, est un pas important dans cette direction. Le programme de Stockholm pour la zone de liberté, de sécurité et de justice pour les années 2010 à 2014 sera le prochain.

Cependant, nous pouvons lancer la réalisation de cet agenda au niveau bilatéral. Les pays ayant de l'expérience dans la gestion des flux de migration et d'asile doivent contribuer à la coopération pratique comme l'évaluation des demandes d'asile, la mise à disposition d'interprètes, des évaluations d'âge et de langue, etc. Cet été, un projet conjoint sur l'immigration est lancé par Malte et les Pays-Bas. Chypre a été invitée à y participer.

Toutefois, nous devrons trouver une manière de partager la charge au niveau européen par un contrôle efficace de nos frontières et la redistribution des réfugiés acceptés et autres bénéficiaires de protection internationale dans les pays de l'UE. Nous soutenons la décision de la Commission de mettre en place un mécanisme pour la redistribution volontaire.

Néanmoins, un mécanisme plus contraignant ne sera possible que dans un système européen unique commun. Le statu quo actuel ne peut pas être maintenu car il attire de plus en plus de migrants illégaux et ébranle le soutien auquel ont droit les réfugiés, en quête de protection internationale dans tous nos pays.


Nebahat Albayrak est secrétaire d'Etat à la justice (Pays-Bas), et Carmelo Mifsud Bonnici est ministre de la justice et des affaires intérieures (Malte).

Le premier ministre belge promet une solution au problème des sans-papiers



LE MONDE | 17.07.09 | 15h35 • Mis à jour le 17.07.09 | 15h35
Bruxelles Correspondant

ls sont encore 22 aujourd'hui à traîner leur ennui, sans-papiers, issus pour l'essentiel du Maghreb, d'Afrique noire et du Brésil. Certains sont là depuis le début de l'occupation de la paroisse Saint-Jean-Curé-d'Ars, à Forest, en avril 2006 : l'une des premières du genre en Belgique. Leur regard est vide, leur corps fatigué. Ils attendent maintenant, comme quelques dizaines de milliers de demandeurs d'asile et de clandestins, le résultat de la négociation politique, qui devrait, prochainement, se dérouler à quelques kilomètres de là, au cabinet du premier ministre belge Herman Van Rompuy.

Celui qui se fait appeler Roger et qui vient du Congo est un oublié qui dit avoir "l'espoir et la conviction" qu'il sera régularisé, comme tous ceux qui campent encore ici. "Moi j'ai envie de la Belgique, je veux bien gérer ma vie et être protégé", dit Roger. Un de ses amis, un Mauritanien qui ne dévoile même pas son prénom, laisse entendre qu'un passeur l'a conduit dans ce pays où il ne connaissait personne. Lui aussi a vu des dizaines de clandestins, hommes, femmes et enfants, passer par la paroisse et, un jour, s'éclipser. Soit parce qu'ils avaient fini par obtenir une régularisation, soit, plus fréquemment, parce qu'il avait décidé d'accepter une fois pour toutes leur statut de sans-papiers et de tenter, malgré tout, leur chance.

Le premier ministre avait envisagé de forcer une solution sur une opération de régularisation avant les élections régionales de juin. Il a renoncé, confronté à l'ampleur des divisions au sein de son gouvernement, où le portefeuille de l'asile était partagé entre une socialiste francophone, Marie Arena, chargé du volet social, et une libérale flamande, Annemie Turtelboom, chargée de la migration.

EVITER UN "APPEL D'AIR"

Aujourd'hui, M. Van Rompuy remet le dossier sur la table. Un remaniement, décidé jeudi 16 juillet, a entraîné la mise à l'écart de la négociation des deux ministres rivales. Et le premier ministre promet désormais une issue pour le 21 juillet, jour de la Fête nationale. Parce que l'affaire entraîne "une énorme pression sociale" et parce qu'il s'agit d'un "vrai problème politique"concernant des gens "plongés dans une situation regrettable", dit-il. Le chef du gouvernement entend également éviter un "appel d'air", ce qui signifie qu'il veut agir vite pour éviter un afflux de demandeurs d'asile supplémentaires.

La situation est devenue intenable, marquée par de nombreuses occupations. Des grèves de la faim très longues ont été menées, forçant parfois Mme Turtelboom à accorder des droits de séjour provisoires. Les centres d'accueil débordent, ce qui force les autorités à loger de très nombreux sans-papiers dans des hôtels, à Bruxelles. Les syndicats, l'ensemble des églises, les recteurs d'université et des ONG appellent ensemble à trouver une solution.

En mars 2008 déjà, le gouvernement fédéral, alors présidé par Yves Leterme, avait fixé des critères de régularisation qui n'ont jamais été traduits dans les faits. Exercer un travail, s'être soumis à une procédure administrative, séjourner depuis longtemps dans le pays, parler l'une de langues nationales, être "ancré localement" : tout cela devait favoriser l'obtention d'un titre de séjour. Les partis au pouvoir ne sont toutefois pas parvenus à s'entendre.

M. Van Rompuy espère réussir là où M. Leterme a échoué. Mais définir les "critères d'ancrage" exige de savoir à qui ils s'appliquent. Or le gouvernement se dit incapable de chiffrer le nombre de personnes régularisables. Les estimations vont de 20 000 personnes, du côté flamand, à 80 000 selon des sources francophones. "La grande opération de régularisation a eu lieu en 2000-2001", souligne de son côté le premier ministre. Sous-entendu : il n'ira pas au-delà. On estime que, à l'époque, 30 000 dossiers avaient été acceptés, soit 50 000 à 70 000 personnes.


Jean-Pierre Stroobants

La deuxième vague de régularisation

Clandestins La Belgique (10,6 millions d'habitants) compterait, selon les estimations, entre 80 000 et 150 000 clandestins. L'année 2001 avait vu la régularisation de 30 000 dossiers, soit de 50 000 à 70 000 personnes.

Nouveaux arrivants En 2008, quelque 12 200 demandes d'asile ont été enregistrées. Elles émanaient essentiellement d'Afghans, d'Irakiens, de Russes, deTchétchènes, de Kosovars et de Guinéens. Depuis le 1er janvier 2009, environ 1 000 personnes ont quitté le pays, dans le cadre d'un programme mis au point avec l'Organisation internationale des migrations.

L'opinion Une enquête officielle publiée en mars 2009 a indiqué que 6 Belges sur 10 étaient hostiles à l'octroi de droits aux illégaux et 4 sur 10 leur dénient ces droits, même s'ils travaillent.


jeudi 16 juillet 2009

L'USS monte au créneau pour défendre les migrants

Les migrants sont les premiers à faire les frais de la récession, tonne l'Union syndicale suisse. Dans le viseur: la limitation des travailleurs immigrés évoquée dernièrement par Serge Gaillard, le chef de la Direction du travail du Secrétariat à l'économie.

Les travailleurs étrangers courent jusqu'à trois fois plus de risques d'être frappés par le chômage ou la pauvreté que leurs collègues suisses, a relevé Guglielmo Bozzolini, président de la Commission des migrations de l'Union syndicale suisse.

Vice-présidente de l'Union syndicale suisse (USS), Vania Alleva ajoute qu'à l'heure actuelle le taux de chômage chez les migrants culmine à 6,6%, contre 3,6% pour l'ensemble de la population en juin.

Pas facile en outre de trouver une place d'apprentissage quand on s'appelle Besim ou Öslem, précise la secrétaire centrale de l'USS. En avril, 72% des jeunes Suisses s'étaient vu attribuer ou promettre une place contre 44% des jeunes immigrés, souligne-t-elle.

L'USS attaque frontalement les mesures de sauvegarde évoquée en mai par Serge Gaillard, chef de la Direction du travail au SECO, qui évoquait la possibilité pour le Conseil fédéral de limiter les travailleurs immigrés en période de chômage important. Selon Vania Alleva, la discussion sur les mesures de sauvegarde est inutile.

Face aux discriminations, l'USS propose de cibler quatre points principaux: sensibiliser l'opinion publique, éliminer les discriminations salariales, abolir la discrimination à l'embauche et améliorer la situation sur le plan légal.

Dans le paquet de mesures proposées par l'USS figure une amélioration de la protection juridique des salariés immigrés. L'USS propose notamment la mise en place de candidatures anonymisées concernant l'accès aux places d'apprentissage.

(ats)

Passeur à Agadez, un job pour migrants reconvertis

Carrefour stratégique sur la route entre l'Afrique noire et le Maghreb, Agadez, au Niger, regorge de passeurs, eux-mêmes Africains expulsés aux portes de l'Europe. Leur reconversion est si rentable que certains en oublient leurs rêves d'Occident. Ils ne font pas pour autant de cadeaux à leurs frères. Reportage de Souleymane Saddi Maazou.

Il fait 45°C. Un vent chaud et sec souffle. Le ciel est voilé par un épais nuage de sable. Située entre l'Afrique subsaharienne et le Maghreb, Agadez, à plus de 1 000 km au nord-est de Niamey, la capitale du Niger, est une ville charnière. Malgré la rébellion armée déclenchée en 2007 dans la région, cette cité d'environ 100 000 habitants n'a rien perdu de son animation habituelle. Petit à petit, la paix revient.

Devenir passeur pour oublier son refoulement

Candidats africains à l'immigration au Maroc en 2005. Photo Andrea Comas/ReutersBon nombre de Nigériens, Ghanéens, Béninois, Guinéens, Nigérians, Togolais et Sénégalais en quête d'Europe transitent par ici. Certains d'entre eux, refoulés de Libye ou d'Algérie, s'installent à Agadez et s'y reconvertissent en passeurs. T. H., un Nigérien de 35 ans, explique :

« Cette activité m'a fait oublier mon rêve de continuer sur l'Europe. Aujourd'hui, je mets en contact mes frères avec des transporteurs. Souvent, je leur fournis des contacts de passeurs pour l'Europe. »

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Une voiture la fauche, le canton l’expulse | 24 heures

Estropiée par une voiture folle, sur un trottoir de Lausanne, au pied de la tour Bel-Air, Mirta Palma, Equatorienne de 53 ans, doit quitter le pays. L’accident l’a démasquée: depuis sept ans, elle vit sans papiers. Un article de Laurent Antonoff dans 24 Heures.

© CHRIS BLASER | Mirta est restée quatorze jours au CHUV, du fait de multiples fractures ouvertes. C’est là qu’elle a reçu la visite de la police, qui n’a pas pu faire autrement que de la dénoncer. 

On dit qu’un malheur n’arrive jamais seul. Trois semaines après l’accident qui l’a estropiée sur un trottoir de Bel-Air à Lausanne (24 heures du 27 juin), Mirta Palma en est intimement persuadée. Clouée sur son lit à la maison, la jambe droite plâtrée, cette Equatorienne de 53 ans tient entre ses mains une lettre jaune reçue ce lundi, des mains même de la police. Elle émane du Service de la population (SPOP).

Le message est explicite: Mirta, sans-papiers arrivée en Suisse en 2002, a jusqu’au 15 septembre pour quitter le pays. «Quand on est clandestin à Lausanne, on vit avec la peur des contrôles. Un renvoi, on le redoute tous les jours. Mais là, quand j’ai reçu ma carte de sortie, je n’arrivais pas à y croire.» Mirta éclate en sanglots. De douleurs encore. De désespoir aussi.

La photo de Mirta, publiée au lendemain de son accident en une des journaux, la cheville tordue et ensanglantée, a touché plus d’un Vaudois. «Je me souviens de tout. De la voiture en panne au bord de la route, de la dépanneuse garée devant elle et du choc terrible que j’ai ressenti dans les jambes. Je me suis retrouvée sur le dos, couchée sous la voiture qui venait de me percuter. J’ai pensé que j’avais perdu mes jambes.» Mirta restera quatorze jours au CHUV à cause de multiples fractures ouvertes. C’est là, dans sa chambre d’hôpital, qu’elle a reçu la visite de la police. «Quand j’ai su que les agents allaient arriver, j’ai paniqué. J’ai téléphoné à des amis pour leur demander si je devais m’enfuir sur-le-champ.» Les policiers lui diront qu’ils ne font que leur travail, mais Mirta est démasquée: elle vit à Lausanne depuis sept ans sans papiers. Elle est dénoncée.

Célibataire, Mirta a laissé ses deux filles de 14 et de 30 ans en Equateur. Professeur en chimie et en biologie, elle vit à Lausanne de ménages et de repas qu’elle confectionne pour la communauté équatorienne, dont elle a présidé l’association de 2007 à 2008.

«Retourner au pays? Non, ce n’est pas mon destin!»
Et si son accident, aussi dramatique soit-il, et la carte de sortie du SPOP étaient un signe du destin pour l’inciter à retourner au pays? «Non. Ce n’est pas mon destin! A mon âge, je ne retrouverai jamais de travail en Equateur. Mes filles ne peuvent pas m’entretenir. C’est le contraire qui se passe. C’est pour cela que je suis venue en Suisse. Le destin? Non. C’est la faute au dépanneur si j’en suis là… Pour ce qui est de la conductrice qui était remorquée, et dont la voiture m’a roulé dessus, je n’ai pas de rancœur, mais ce sont malgré tout ces deux personnes qui m’ont mise dans cet état.»

Sur les conseils de son avocat, Jean-Michel Dolivo, Mirta Palma a déposé hier une plainte pénale pour lésions corporelles graves auprès du juge d’instruction chargé de l’affaire. Elle s’est également portée partie civile.

Et il faudra encore régler les problèmes d’assurances puisque Mirta, comme tous les sans-papiers, n’en bénéficie pas. Qui paiera les 14 jours d’hospitalisation au CHUV? Qui réglera les frais de réadaptation? «Je n’arrive pas à penser à l’avenir. Les policiers ont mon nom et mon adresse. Je ne me vois pas entrer dans la clandestinité dès le 15 septembre. Il y a non seulement cette menace d’expulsion qui pèse sur moi, mais également l’incertitude concernant ma santé. Je suis un être humain, pas un objet que l’on peut jeter hors du pays après un accident. Où est l’humanité dans tout cela?»

«La menace de renvoi de ma cliente est choquante»

JM DolivoC’est Jean-Michel Dolivo, par ailleurs membre du Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers, qui est l’avocat de Mirta Palma. Son premier objectif: s’opposer au renvoi de sa cliente et lui décrocher un délai, au moins jusqu’à son complet rétablissement. «La menace de son renvoi est choquante. C’est faire preuve d’une grande inhumanité.» L’autre volet de son action sera de trouver une solution au paiement des frais occasionnés par l’accident. «En tant que sans-papiers, elle n’a bien entendu pas droit à l’assurance perte de gains. Elle n’a plus aucun revenu. Je parle aussi des frais de réadaptation. Une réadaptation qui pourrait être longue. Cela devrait être pris en charge par la responsabilité civile du dépanneur ou de la conductrice de la voiture folle», estime Jean-Michel Dolivo. Pour l’heure, Mirta vit grâce à la solidarité de la communauté équatorienne, notamment. Le centre LAVI (loi sur l’aide aux victimes d’infractions) la soutient également. «Parce qu’elle est avant tout une victime», insiste l’avocat.