lundi 22 juin 2009

Qui veut encore d'un droit d'asile?

Qui veut encore d'un droit d'asile?

Paru le Samedi 20 Juin 2009
OLIVIER CHAVAZ

SuisseA l'initiative de l'ONU, le 20 juin est placé depuis l'an 2000 sous le signe de la «Journée mondiale du réfugié». Selon le recensement annuel du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), pas moins de 42 millions d'êtres humains sont contraints de vivre loin de leurs attaches en raison de persécutions subies ou de guerres dévastatrices. Tous ne sont pas des exilés: quelque 26 millions d'entre eux ont été déplacés à l'intérieur des frontières de leur pays d'origine. A l'instar, notamment, des centaines de milliers de Pakistanais et de Tamouls qui ont dû fuir leur foyer ces derniers mois.
Alors que les Etats industrialisés érigent chaque jour de nouveaux obstacles légaux et physiques afin d'enrayer toute forme d'immigration non choisie –qu'elle soit politique ou économique–, il n'est pas inutile de rappeler que ce sont les pays les plus déshérités de la planète qui sont amenés à accueillir quatre cinquièmes des réfugiés. D'où ce constat, sous forme d'appel à la solidarité, émis hier par le haut commissaire portugais des Nations Unies Antonio Guterres: «La même communauté internationale qui s'est sentie obligée de dépenser des centaines de milliards pour secourir les systèmes financiers devrait également ressentir l'obligation de secourir des personnes dans une situation de besoin aussi désespérée.»
Pas sûr que cette exhortation sera entendue de sitôt. Non seulement le Nord rechigne à apporter une aide constante et efficace dans ce domaine, mais les gouvernements s'emploient aussi à vider de sa substance le principe et l'application du droit d'asile sur leur propre territoire. Dans cet exercice, le zèle affiché par les autorités helvétiques constitue sûrement un cas d'école. En janvier dernier, un an jour pour jour après l'entrée en vigueur du énième durcissement de la loi sur l'asile, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf communiquait son intention de donner un tour de vis supplémentaire. L'objectif était clairement énoncé: il s'agit de «diminuer l'attractivité» du pays, point final.
Cette révision en préparation n'aura bien entendu aucune incidence sur les flux migratoires en direction de notre pays. Ses effets devraient en revanche pénaliser des catégories de réfugiés qui auraient le plus besoin d'une protection, selon les spécialistes. Comme les réformes précédentes, elle ne fera donc que grossir les rangs des recalés de l'asile, ces laissés-pour-compte contraints de survivre avec, au mieux, quelques francs par jour dans l'un des Etats les plus opulents de la planète. Face à un tel degré d'urgence politique, la récente campagne lancée par une grande oeuvre d'entraide à l'occasion de la Journée mondiale du réfugié –via les affiches «Tous des menteurs?», «Tous des dealers?» et «Tous des profiteurs?», censées combattre les préjugés– est un signe inquiétant. Quand on commence à reprendre le langage de l'adversaire, c'est que la défaite semble déjà intégrée. La preuve? L'Office fédéral des migrations parraine cette initiative...

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