lundi 22 juin 2009

Donner refuge à des migrants? Les Eglises vaudoises hésitent

MICHAËL RODRIGUEZ

VaudJOURNÉE DES RÉFUGIÉS - Elles avaient «caché» des requérants lors de la crise des «523». Aujourd'hui, les églises sont en plein dilemme.
Le mouvement de soutien aux migrants est en quête d'un nouveau souffle. Après l'occupation d'un centre de requérants d'asile, vendredi dernier à Vevey, le collectif Droit de rester mènera une action lundi devant le foyer de la rue du Simplon, à Lausanne. Alors que la Journée mondiale des réfugiés a lieu aujourd'hui, les militants protestent contre le régime «inhumain» de l'aide d'urgence. La Coordination asile est aussi à la recherche d'un lieu pour abriter, en cas de besoin, des requérants menacés de renvoi. Sollicitées, les Eglises vaudoises sont en plein dilemme.

Attirer l'attention

L'objectif des militants du droit d'asile est double: il s'agit de protéger des gens qui vivent dans la peur et l'indigence, mais aussi de remettre sur le devant de la scène un dossier resté dans l'ombre depuis le dénouement de l'affaire des «523» requérants déboutés. Le vote massif du peuple suisse en faveur du durcissement de la politique migratoire, en septembre 2006, a freiné l'ardeur de certains sympathisants du mouvement, qui ne sont pas loin de penser que la cause est devenue politiquement indéfendable.


Des lois «légitimes»

Les Eglises sont elles aussi en proie au doute. Suite à la démarche de la Coordination asile, protestants et catholiques ont demandé conseil auprès d'un spécialiste du droit des étrangers. Il s'agit de l'avocat Minh Son Nguyen, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Lausanne. Son rapport devrait être rendu dans les jours qui viennent. Il constituera l'un des éléments qui guideront la décision des conseils de paroisse. Lors de la crise de l'asile dans le canton de Vaud, les communautés religieuses avaient joué un rôle crucial en ouvrant des refuges pour les «523». «On était dans un contexte très différent, estime Michel Racloz, membre du Conseil de l'Eglise catholique et coordinateur du département solidarité. Sur la base d'une sorte de quota, 523 personnes avaient été écartées sans que l'on sache pourquoi ni comment. Leurs droits n'avaient pas forcément été respectés. Aujourd'hui, le problème vient de lois qui comportent des clauses vraiment négatives mais qui, avec le vote du peuple, ont une légitimité démocratique.»
Les Eglises s'interrogent donc sur l'opportunité d'ouvrir un refuge. Elles veulent savoir si une telle action a des chances, dans le contexte actuel, de débloquer la situation des migrants. «Nous avons demandé une appréciation juridique sur la situation des personnes qui sont à l'aide d'urgence, et sur l'existence d'un éventuel déni de droit», explique Pascale Gilgien, conseillère synodale de l'Eglise évangélique réformée et responsable du service santé et solidarité. Pour Michel Racloz, il s'agit aussi d'éviter que l'ouverture d'un refuge ne se retourne contre ses occupants. Les permis humanitaires ne sont en effet accordés qu'à des requérants dont le domicile a toujours été connu des autorités. La communauté israélite, qui avait soutenu les «523», ne participe pas aux discussions. Graziella de Coulon, membre de la Coordination asile, ne comprend pas les hésitations des Eglises. «Depuis l'entrée en vigueur de l'aide d'urgence, elles se sont nettement retirées, critique-t-elle. Elles organisent des cercles de silence pour soutenir les requérants d'asile, mais je ne crois pas que le silence puisse changer quoi que ce soit»!


La peur de sanctions

Les Eglises auraient-elles peur des éventuelles sanctions? La nouvelle loi sur les étrangers réprime très sévèrement l'accueil de personnes en situation irrégulière: jusqu'à 500 000 francs d'amende et cinq ans de réclusion! «C'est délicat, admet Michel Racloz. Comme les bâtiments de l'Eglise catholique appartiennent aux paroisses, cela retomberait sur les Conseils de paroisse. Si nous ouvrons un refuge, ce sera donc à chaque personne individuellement de prendre ce risque.» I



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«IL Y A PLEIN DE FAHAD KHAMMAS!»

michaël rodriguez

Un refuge, oui, mais pour qui? La Coordination asile pense notamment aux requérants menacés de renvoi en vertu des accords de Dublin, qui empêchent le dépôt d'une demande d'asile dans plusieurs pays. On se souvient de l'Irakien Fahad Khammas, personnage de «La Forteresse», le film de Fernand Melgar. En avril dernier, il a été expulsé vers la Suède, où sa première demande d'asile avait été déposée. «Nous avons plein de Fahad ici, s'exclame Graziella de Coulon. La police vient les chercher à 6 heures du matin pour les renvoyer dans des pays où ils ne savaient même pas qu'ils avaient laissé des empreintes digitales!»
Les militants veulent surtout dénoncer l'aide d'urgence, un système qui plonge les migrants dans la précarité et «fabrique» des clandestins: selon les chiffres du canton, pas moins de 637 personnes ont «disparu» durant les années 2007 et 2008. Elles ont été beaucoup moins nombreuses (371) à quitter officiellement le pays, le plus souvent sous la contrainte. Le ministre de l'Intérieur, Philippe Leuba, affirme expulser d'abord les requérants ayant des antécédents pénaux, mais Graziella de Coulon n'y croit pas: «En décembre, un homme de nationalité angolaise, mais qui avait toujours vécu au Congo, a été renvoyé en Angola après une dizaine d'années en Suisse! Et il n'avait pas commis de délit, en tout cas rien de grave.»

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