jeudi 14 mai 2009

L’ONU rappelle à l’ordre Berlusconi sur la question des immigrés



Alors que le Haut-Commissariat pour les réfugiés s’inquiète du renvoi d‘Africains vers la Libye, le parlement italien a approuvé une loi qui introduit le délit de clandestininté
«Les refoulements de clandestins vers la Libye se poursuivront.» Malgré les critiques internationales, celles de l’Eglise catholique et d’une partie de la classe politique locale, le ministre (Ligue du Nord) de l’Intérieur, Roberto Maroni, ne recule pas. Après l’arraisonnement le 6 mai dernier de trois embarcations dans le canal de Sicile et le renvoi vers Tripoli des 227 immigrés qui se trouvaient à bord, les autorités maritimes italiennes ont, au total, refoulé depuis une semaine plus de 500 personnes vers les côtes libyennes.

Le gouvernement de Silvio Berlusconi veut ainsi montrer qu’il durcit sa politique migratoire grâce notamment à la nouvelle entente avec le régime du colonel Kadhafi. Le rapatriement des étrangers a notamment été rendu possible par l’accord bilatéral entre Rome et Tripoli, signé en août dernier, qui aplanit le contentieux colonial (5 milliards de dollars seront versés par l’Etat italien sous forme d’indemnités) et qui, en contrepartie, prévoit une collaboration renforcée en matière d’immigration. Se félicitant de ce «tournant historique», le gouvernement italien accueillera le colonel Kadhafi, en visite officielle à Rome, du 10 au 12 juin prochains.

Mais cette nouvelle politique suscite de fortes inquiétudes sur le sort des immigrés. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a ainsi adressé une lettre à Rome pour l’inviter à accepter sur son territoire les migrants. Alors que, l’an passé, plus de 70% des étrangers arrivés en Italie par la mer ont présenté une demande d’asile politique et que la moitié d’entre eux ont vu leurs requêtes satisfaites, les représentants des Nations unies estiment que certaines personnes refoulées risquent de subir des violences si elles sont renvoyées dans leurs pays d’origine.

«Nous demandons au gouvernement italien de réadmettre les personnes qui ont été renvoyées par l’Italie et ont été identifiées par le HCR comme cherchant une protection internationale», a insisté mardi Ron Redmond, l’un des porte-parole de l’agence onusienne. «Nous sommes gravement préoccupés par la politique pratiquée par l’Italie, qui porte atteinte à l’accès à l’asile en Europe», a-t-il souligné. Le gouvernement Berlusconi estime être dans son droit étant donné que les immigrés interceptés se trouvaient dans les eaux internationales.

Reste que la Libye, qui a annoncé sa volonté de renvoyer à son tour les clandestins – parmi lesquels figurent des Erythréens et des Somaliens – chez eux, ne possède pas de loi sur le droit d’asile, ni de système de protection des réfugiés. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a publiquement apporté son soutien au HCR. «L’ONU n’a qu’à aller faire les contrôles sur les demandes d’asile en Libye, laquelle est membre des Nations unies», a répliqué le ministre Roberto Maroni.

En Italie, l’affaire prend une tournure éminemment politique. Alors qu’une nouvelle loi sur l’immigration, qui introduit notamment le délit de clandestinité, a été approuvée mercredi par la Chambre des députés, plusieurs dirigeants de gauche dénoncent une dérive raciste. Silvio Berlusconi n’en a cure. Alors qu’à la veille des élections européennes de juin, la Ligue du Nord semble avoir le vent en poupe avec ses propositions populistes et xénophobes, le chef du gouvernement hausse le ton pour ne pas être débordé par son allié. Il revendique les refoulements vers la Libye («Le ministre Maroni exécute les accords que j’ai signés avec Kadhafi»), affirme ne pas vouloir «une Italie multiethnique» et va même jusqu’à laisser entendre que les navires qui se dirigent vers Lampedusa sont chargés de criminels. Hier, Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra (sur la mafia), lui a indirectement répondu dans les colonnes de La Repubblica en rappelant, en référence aux révoltes de Castelvolturno (en Campanie, en septembre 2008) et de Rosarno (en Calabre, en décembre 2008) que «les deux plus importantes rebellions spontanées contre la mafia en Italie n’ont pas été le fait d’Italiens, mais d’immigrés africains».

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