La population de boat people s’accroît entre l’Afrique et l’Europe. Les femmes et les enfants sont de plus en plus nombreux. Un article de Jean-François Verdonnet dans 24 Heures.
Ce week-end encore, trois embarcations ont été interceptées par les garde-côtes italiens, au sud de l’Italie, près de l’île de Lampedusa. A leur bord, plus de 300 clandestins. D’une semaine à l’autre, les communiqués ne varient guère. Mardi passé, 232 personnes étaient secourues, toujours au large de Lampedusa.
Sur la petite île sicilienne, l’opération n’a plus rien d’extraordinaire. Depuis le début de l’année, indiquait mercredi le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), près de 30 000 boat people ont débarqué sur les côtes italiennes – dix mille de plus que pour toute l’année 2007.
Ailleurs, sur les rivages européens de la Méditerranée, la tendance n’est pas différente. En Espagne, en Grèce, à Malte, les douanes enregistrent la même augmentation sensible des arrivées.
Plus nombreux sont aussi ceux qui n’arriveront jamais. Selon le porte-parole du HCR, Ron Redmond, le nombre de morts ou de personnes portées disparues en 2008 dépasse déjà les chiffres de l’année précédente pour Malte et l’Italie: 509 naufragés au cours des dix derniers mois, contre 471 en 2007.
Voies dangereuses
Et il n’a rien dit de ces milliers de migrants morts de faim et de soif, égarés sur les pistes des déserts, sans nom, sans papiers, perdus avant même de se risquer sur la mer: la fermeture des frontières pousse les immigrés à choisir les voies les plus dangereuses, commente Jemini Pandya, porte-parole de l' Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Elle fait aussi l’affaire des trafiquants, qui savent monnayer leurs services, corrompre ou contourner les polices, et s’adapter à la politique défensive des gouvernements occidentaux. Sur l’échelle des industries criminelles, les dividendes de l’émigration irrégulière s’inscrivent en bonne place, juste derrière l’économie de la drogue et les trafics d’armes.
Sur la durée, les itinéraires se font souvent plus longs et plus complexes. Des routes s’ouvrent à l’est. Si l’Italie reste la destination la plus fréquente, la Grèce et les îles de la mer Egée exercent dorénavant une forte attraction sur les candidats à l’émigration. De même, les points de départ se déplacent et se multiplient, du nord à l’ouest de l’Afrique, du Maroc à la Mauritanie, et de la Mauritanie au Sénégal, au Cap Vert, à la Guinée… Les origines des clandestins s’élargissent aussi à toutes les régions du continent africain. A Lampedusa, les Somaliens, les Erythréens et les Ghanéens croisent des exilés issus de territoires plus proches, du Maroc, de Tunisie et d’Algérie. Les plus nombreux sont les Nigérians, précise Jemini Pandya. Ils étaient 780 en 2007; ils seraient plus de 5300 depuis le mois de janvier. Et, avec eux, de nombreuses femmes, sans doute vouées pour la plupart d’entre elles à la prostitution. Les embarcations de fortune comprennent ainsi «de plus en plus de femmes et de mineurs non accompagnés», ajoute Jemini Pandya.
Terrible traversée
D’autres drames se jouent ailleurs. Le HCR a rappelé cette semaine la crise humanitaire en cours dans le golf d’Aden: des milliers de personnes – 38 000 depuis le début de l’année – fuient les conflits de Somalie et entreprennent la traversée vers le Yémen. Des centaines d’entre elles ont disparu. Près de 600 se sont noyées en cours de route.
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