mardi 28 octobre 2008

Réponse du gouvernement vaudois : Kosovo, le retour au pays ?

Canton de Vaud - Grand Conseil
Septembre 2008
08_INT_073

RÉPONSE DU CONSEIL D'ETAT
à l'interpellation Eric Bonjour, Kosovo : et maintenant, le retour au pays ?

Rappel de l'interpellation

J'ai l'honneur de soumettre l'interpellation suivante, également
déposée en parallèle dans le Canton
du Valais par un député UDC valaisan, dont voici le texte :

La reconnaissance par la Suisse, de l'indépendance du Kosovo ne peut
manquer d'avoir des conséquences sur le statut des Kosovars, - arrivés en Suisse du fait
du conflit qui déchirait ce que le Conseil fédéral considère aujourd'hui comme un pays – qui ne
bénéficient, pour séjourner en Suisse, que d'une autorisation précaire. C'est le cas des demandeurs d'asile dont la procédure n'est pas terminée, des réfugiés statutaires et des Kosovars au bénéfice d'une admission provisoire.

Dans ce cadre, le Conseil d'Etat est prié de répondre aux questions suivantes :
- Combien y a-t-il actuellement dans notre Canton, de personnes ressortissantes de l'actuel Etat
autoproclamé indépendant du Kosovo et dont la demande d'asile est encore pendante ?
- Combien de personnes ressortissantes de cet Etat ont-elles actuellement le statut de réfugié
statutaire dans notre Canton de Vaud ?
- Combien de personnes ressortissantes de cet Etat sont-elles actuellement au bénéfice d'une
admission provisoire dans notre Canton ?
- Le Conseil d'Etat est-il d'avis que la proclamation de l'indépendance du Kosovo et la
reconnaissance de cette indépendance par la Suisse ont créé une situation nouvelle permettant
d'exiger le retour de toutes ces personnes dans leur pays d'origine et donc, au préalable, la
révocation de leur titre de séjour en Suisse ?
- Le cas échéant, quelles démarches le Gouvernement vaudois entend-il entreprendre dans ce sens, soit dans le cadre des compétences cantonales, soit en s'adressant aux autorités fédérales, en particulier en ce qui concerne les ressortissants kosovars résidant dans notre Canton ? Afin que l'utilisation par la Suisse de l'aide humanitaire, que celle-ci soit pérennisée à l'avenir et pas
contournée par des considérations partisanes, il nous paraît important que ce problème soit traité avec diligence.

Puidoux, le 8 avril 2008


1. PREAMBULE

a) Rappel du contexte : compétences quasi exclusives des autorités
fédérales en matière de droit
d'Asile et de relations internationales

Le 27 février 2008, suite à la déclaration d'indépendance de l'ancienne
province serbe du Kosovo,
intervenue le 17 février 2008, le Conseil Fédéral a décidé de
reconnaître le Kosovo en tant qu'Etat
indépendant et d'établir des relations diplomatiques avec lui.

Selon l'interpellant, la reconnaissance par la Confédération helvétique
du Kosovo en tant qu'Etat
indépendant ne peut manquer d'avoir des conséquences sur le statut des
Kosovars qui ne bénéficient
que d'une autorisation de séjour précaire, tels que – toujours selon
l'interpellant – le statut de réfugié,
l'admission provisoire ou encore le séjour durant la procédure d'asile.

A cet égard, le Conseil d'Etat tient à rappeler qu'en matière de  migration tout étranger a droit à un traitement individualisé de sa demande. L'Etat ne rend aucune décision  type, ni ne crée des catégories de dossiers basées sur la provenance des requérants d'asile, leur  nationalité, leur sexe ou leur religion afin de systématiser leur traitement.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat relève aussi que le statut de réfugié découle du droit international, à
savoir la Convention sur le statut des réfugiés. En reconnaissant ce statut à un individu et en lui
octroyant l'asile, l'Etat lui assure sa protection et l'intéressé est mis au bénéfice d'une autorisation deséjour (permis B) ou d'établissement (permis C). La personne concernée
ne peut pas être renvoyée de Suisse (principe de non refoulement). Il est donc erroné de qualifier de précaire le droit de séjour des réfugiés reconnus.

L'institution de l'admission provisoire, quant à elle, a été introduite dans le droit suisse pour répondre aux obstacles liés au renvoi d'une personne ne pouvant être mise au  bénéfice du statut de réfugié ou d'un titre de séjour de police des étrangers. Elle est octroyée soit parce qu'un renvoi serait contraire aux obligations suisses en vertu du droit international, soit parce
qu'il n'est raisonnablement pas exigible pour des motifs humanitaires (âge, santé, etc.), soit encore  parce qu'il n'est pas possible. En cas de changement de situation, l'admission provisoire peut être levée.
Toutefois, constatant que la grande majorité des personnes au bénéfice d'une admission provisoire  continue à séjourner en Suisse pendant de longues années, la nouvelle législation fédérale (loi sur les  étrangers) met désormais en avant l'intégration de ces personnes dans notre pays.

En ce qui concerne les personnes dont la procédure d'asile est en cours, elles bénéficient du droit de séjourner en Suisse durant dite procédure, en vertu du principe de non refoulement précité. Ce n'estqu'à l'issue de la procédure d'asile qu'il est possible de savoir sileur séjour dans notre pays s'avèrepassager ou durable.

Il convient de rappeler également que les compétences en matière d'asile appartiennent presque
exclusivement à la Confédération, les cantons étant principalement chargés d'exécuter les décisions fédérales de renvoi. Ainsi, seules les autorités fédérales ont  compétence pour reconnaître le statut de réfugié et octroyer l'asile, le révoquer, le cas échéant, octroyer
l'admission provisoire et lever cette mesure, si nécessaire. Ce sont elles qui conduisent la procédure d'asile.

Il sied de relever ici que les autorités fédérales compétentes n'ont, à ce jour, pris aucune décision
particulière quant à la situation des ressortissants du Kosovo ayant obtenu un statut de réfugié ou une admission provisoire au terme d'une procédure d'asile, quant à la situation des personnes de ce même pays dont la procédure est encore ouverte.

b) Remarques liminaires au sujet des statistiques actuellement disponibles

A l'heure actuelle, dans la mesure où les bases de données informatiques
n'ont pas encore été adaptées
à la nouvelle situation géopolitique du Kosovo, il n'existe pas (encore)
de statistique officielle portant
spécifiquement sur les ressortissants de ce pays séjournant en Suisse.

En effet, ces personnes sont, à ce jour, incluses comme des
ressortissants de Serbie.

De ce fait, il est impossible de fournir des réponses chiffrées exactes
aux différentes questions posées,
seules des approximations étant disponibles.

Par ailleurs, le nombre de ressortissants du Kosovo venus dans notre
Canton sans avoir eu besoin de
demander l'asile (probablement, plusieurs milliers) est nettement plus
élevé que celui des personnes
arrivées au travers d'une demande d'asile.

Enfin, un nombre important de personnes originaires du Kosovo a obtenu
la nationalité suisse.

Kosovo, et maintenant le retour ?

1. Combien y a-t-il actuellement, dans notre Canton, de personnes
ressortissantes de l'actuel Etat
autoproclamé indépendant du Kosovo et dont la demande d'asile est encore
pendante ?

Environ 120 personnes.

2. Combien de personnes ressortissantes de cet Etat ont-elles actuellement le statut de réfugié
statutaire dans notre Canton ?

Environ 200 personnes.

3. Combien de personnes ressortissantes de cet Etat sont-elles actuellement au bénéfice d'une
admission provisoire dans notre Canton ?

Environ 450 personnes.

4. Le Conseil d'Etat est-il d'avis que la proclamation de l'indépendance du Kosovo et la
reconnaissance de cette indépendance par la Suisse ont créé une situation nouvelle permettant
d'exiger le retour de toutes ces personnes dans leur pays d'origine et donc, au préalable, la révocationde leur titre de séjour en Suisse ?

En préambule, il sied de noter que, comme indiqué plus haut, dans le domaine de l'asile, les
compétences décisionnelles appartiennent aux autorités fédérales et non au Conseil d'Etat vaudois.
Ainsi, seul le Conseil fédéral, voire l'Office fédéral des migrations (ODM), pourraient éventuellement prendre des décisions qui tendraient, par exemple, à un traitement
spécifique des demandes d'asile encore en cours d'examen, à une levée des admissions provisoires (permis F) précédemment accordées
ou au retrait de la qualité de réfugié aux personnes qui l'ont obtenue.

A noter que tant la levée d'une admission provisoire, que le retrait de la qualité de réfugié sont des décisions prises par l'ODM après un examen individualisé de chaque
dossier. Elles sont susceptibles derecours.

De ce fait, s'agissant des personnes se trouvant encore en procédure d'asile, à savoir les requérants dont la demande n'a pas encore été tranchée (permis N) et les admis à titre
provisoire (permis F), lesautorités vaudoises ne disposeraient d'aucune marge de manoeuvre pour influer sur les décisions fédérales.

S'agissant maintenant des personnes ayant obtenu le statut de réfugié et qui disposent
déjà actuellement d'un permis B ou C (soit, en principe, les 120 réfugiés statutaires mentionnés plus haut), le retrait éventuel de leur qualité de réfugié n'entraînerait pas
automatiquement la caducité de leur permis de séjour.

En effet, le retrait de la qualité de réfugié ne constitue pas un motif
de révocation des permis C. Quant aux permis B, sous réserve de l'approbation de l'ODM, ils peuvent  parfaitement être prolongés par les autorités cantonales nonobstant le retrait précité.

A ce propos, il sied de noter que tant les refus de prolonger les autorisations de certaines personnes, que les refus d'approbation que pourrait prononcer l'ODM,  consituteraient des décisions individuelles susceptibles de recours et qui devraient être motivées par des motifs
objectifs (ex. comportement délictueux, problèmes d'assistance publique ou intégration insuffisante en Suisse).

5. Le cas échéant, quelles démarches le Gouvernement vaudois entend-il entreprendre dans ce sens, soit dans le cadre des compétences cantonales, soit en s'adressant aux
autorités fédérales, en particulier en ce qui concerne les ressortissants kosovars résidant dans
notre Canton ? Afin que l'utilisation par la Suisse de l'aide humanitaire, que celle-ci soit
pérennisée à l'avenir et pas contournée par des considérations partisanes, il nous paraît important que ce problème soit traitéavec diligence.

Au vu de ce qui précède, et considérant en particulier la clarté du
droit fédéral par rapport à la
problématique soulevée par l'interpellant, le Conseil d'Etat ne
bénéficie d'aucune marge de manoeuvre
pour inciter les autorités fédérales à changer la manière dont ils
traient les dossiers relevant de la loi sur
l'asile. Celle-ci devant, par ailleurs, assurer l'objectivité et
l'équité des décisions rendues, il n'est pas
concevable que le Gouvernement vaudois agissent en faveur d'une
modification qui ferait fi des
principes fondamentaux du droit d'asile. Pour le surplus, le Conseil
d'Etat relève que la dernière
question de l'interpellant n'est simplement pas compréhensible.

Ainsi adopté, en séance du Conseil d'Etat, à Lausanne, le 3 septembre 2008.

Le président : Le chancelier :
P. Broulis V. Grandjean

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