Carolina Lacatus, une Rom de 70 ans, parle de sa vie de mendiante, des raisons de sa présence en Suisse et de son prochain retour au pays des Carpates. Un article signé Abdoulaye Penda Ndiaye pour le texte et Eric Roset, pour la photo et la traduction, dans 24 Heures.
D’un geste leste, elle prend les pièces de monnaie qui se trouvaient dans un gobelet pour les mettre dans son soutien-gorge. Prestement, elle se lève et prétexte une envie d’aller boire un café. En réalité, entraînés depuis longtemps dans la lutte quotidienne pour la survie, les yeux de lynx de Carolina Lacatus ont aperçu deux policiers à l’autre bout de la rue des Remparts, à 200 mètres de la poste d’Yverdon. Quand les deux agents arrivent à hauteur du bâtiment, la Rom de 70 ans est déjà loin.
Depuis quelque trois semaines, ils sont une dizaine de Roumains (dont des mineurs) à mendier dans les rues d’Yverdon. «Je suis originaire d’un village de la province de Mures, en Roumanie. L’hiver approche et on m’a volé mon poêle à bois. Je vais rester quelques semaines ici avant de rentrer. Avec l’argent que je gagnerai, j’aurai peut-être de quoi me chauffer et me nourrir pendant l’hiver. Du temps de Ceausescu, j’ai travaillé pendant dix ans dans une ferme agricole. Aujourd’hui, j’ai une pension de retraitée équivalant à 150 francs suisses. J’ai trois enfants dont une fille de 44 ans qui est paralysée et à ma charge. Mon mari est décédé il y a six ans d’une gangrène. » Puis, cherchant à donner du crédit à ses propos, la vieille dame exhibe son passeport roumain et des photos en noir et blanc, où on la voit en deuil, lors des funérailles de son mari.
De Genève à Yverdon
Pourquoi est-elle venue à Yverdon? Carolina explique avoir entendu qu’en matière de mendicité, les autorités de la cité thermale étaient plus tolérantes que celles de Genève. Genève, une ville où elle est passée rapidement, en provenance de la Roumanie. «Là-bas, je gagnais 40 à 50 francs par jour. Ici, à peine 10 francs.» Plus tard dans l’après-midi, nous apercevons la septuagénaire piquant un somme dans le jardin japonais, en face de la gare d’Yverdon. Où a-t-elle passé la nuit, la veille? «Dans un parc. J’ai dormi d’un oeil car j’avais peur que des drogués ou la police me trouvent.» Une traductrice française d’origine roumaine passe. Le coeur noué, elle s’arrête et entame la conversation avec Carolina. «L’injustice sociale, où qu’elle se trouve, me dérange.» Quelques minutes plus tard, une autre femme offre discrètement un petit sac contenant du pain et des raisins. Carolina Lacatus ne se fait pas prier et se jette goulûment sur la nourriture. «Je n’avais rien mangé depuis hier. Un jeune homme m’avait offert un sandwich.» Solidaire, elle se lève pour partager sa maigre pitance avec deux autres mendiantes: l’une d’une cinquantaine d’années visiblement en proie à des ennuis de santé, et une très belle jeune fille habillée branché.
Soudain, Carolina fond en larmes et se met à psalmodier des prières. Une handicapée en chaise roulante vient de passer devant la poste…
samedi 18 octobre 2008
"Je mendie ici pour me chauffer l'hiver en Roumanie"
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