"La misère n’est pas une fatalité", réflexion de Daniel Bolomey, secrétaire général de la section suisse d'Amnesty International, dans 24 Heures.
La misère n’est pas une fatalité ou le manque de chance d’être né à tel endroit ou dans telle famille. Car, si on en reste à cette approche, on voit cette condition comme inéluctable et on renonce à la contester. La misère est le plus grand scandale des droits humains de notre temps. Parce qu’elle touche 1,4 milliard de personnes sur cette planète, et parce qu’elle est la conséquence de nombreuses discriminations, mais également la cause de nouvelles violations des droits fondamentaux.
Les Etats font mine de prendre conscience de l’ampleur du problème, par exemple en adoptant les Objectifs du millénaire des Nations Unies. Mais ceux-ci ne sont pas tenus. L’absence de volonté de la Suisse d’au moins essayer d’atteindre l’objectif de 0,7% du PIB pour l’aide au développement est une honte. On proclame des objectifs et on ne prend pas les mesures pour les atteindre. On prétend ne pas en avoir les moyens.
Tout autre est l’engagement des Etats et de l’économie pour faire face à la crise des marchés financiers. On mobilise en quelques jours tous les dirigeants politiques et économiques de la planète, et on trouve des milliards de dollars ou d’euros pour boucher les trous de la finance mondiale. Ecoeurant, à l’heure où le nombre de personnes contraintes de vivre dans la misère s’accroît dans le monde entier à une vitesse vertigineuse, et où le fossé entre pauvres et riches se creuse chaque jour un peu plus.
Le refus de la misère n’est pas uniquement la revendication d’une meilleure rétribution et d’un meilleur partage des richesses. C’est une exigence de dignité. «Des parents ont empêché leurs enfants de jouer avec ma fille quand ils ont vu qu’elle habitait dans ces baraquements. Cela l’a blessée profondément.» Ce témoignage est celui d’une femme qui habite en Suisse romande. Comme elle en avait assez d’être perçue comme «une assistée, une fainéante, une fraudeuse », elle s’est engagée avec ATD Quart Monde pour défendre sa dignité, avec d’autres personnes vivant dans la misère.
Briser le cercle vicieux de la pauvreté ne peut se faire qu’en collaboration avec les personnes concernées. C’est pourquoi la Journée mondiale du refus de la misère, qui a lieu aujourd’hui, comme chaque 17 octobre, vise à donner la parole à celles et ceux qui en sont généralement privés. Car une des plus grandes souffrances exprimées par les plus pauvres est de se sentir invisibles, sans voix et mis à l’écart de la société.
La Suisse n’est pas épargnée par la pauvreté. Bien sûr, on ne peut pas comparer la pauvreté en Suisse avec les interminables files d’attente pour se procurer du pain dans les pays victimes de la crise alimentaire mondiale. Mais on peut comparer les mécanismes d’exclusion sociale.
Pourtant, la pauvreté demeure un sujet tabou en Suisse. Elle est le plus souvent cachée et niée, aussi bien par les personnes concernées que par la société. C’est pourquoi il faut se mobiliser pour donner une voix aux plus défavorisés, ainsi que les moyens de se battre pour faire respecter leurs droits. Leur voix devrait résonner aussi fort que celle des banques pour convaincre nos autorités de prendre, là aussi, des mesures urgentes.
vendredi 17 octobre 2008
En marge de l'asile
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