samedi 12 juillet 2008

Les effets d’une lutte contre une invasion inexistante


La Méditerranée voit mourir dans ses eaux de nombreux réfugiés, faute d’une politique migratoire ouverte. Seule une minorité de réfugiés parviennent en Europe.


Lu dans L'Humanité

Nous ne pourrions pas accueillir toute la misère du monde. Là est la doctrine des États du Vieux Continent, qui construisent l’Union européenne (UE) comme une forteresse. Ainsi, le Parlement de Strasbourg a adopté, le 18 juin dernier, la « directive de la honte », qui autorise les États européens à détenir jusqu’à dix-huit mois un immigré au seul motif qu’il réside de manière irrégulière sur leur territoire. Dernier avatar de cette politique : le pacte sur l’immigration et l’asile, proposé par Nicolas Sarkozy dans le cadre de la présidence française de l’UE. Ce projet officialise à l’échelle européenne la « politique d’immigration choisie », « en fonction des besoins du marché du travail ». L’immigration familiale doit être « mieux régulée ». Le texte adopté par les ministres de l’Intérieur à Cannes le 7 juillet prévoit une limitation des régularisations, et érige en principe les reconduites à la frontière. Par ailleurs, le rôle de l’agence Frontex qui contrôle les frontières de l’Union européenne est renforcé.

Cette restriction du droit d’asile en vigueur ces dernières années conduit de nombreux ressortissants de pays africains à rejoindre l’UE en rémunérant des passeurs, au péril de leur vie. C’est ainsi que, sur des embarcations de fortunes, de nombreux réfugiés rejoignent les Canaries (Espagne), l’île de Lampedusa (Italie), Ceuta et Melilla (enclaves espagnoles sur la côte marocaine) ou traversent le détroit de Gibraltar pour rejoindre la péninsule ibérique. Selon l’ONG Fortress Europe, au cours du seul mois de juin, 185 personnes ont trouvé la mort au large des côtes européennes. Au total, ce sont plusieurs milliers de réfugiés qui perdent la vie tous les ans dans la mer Méditerranée.

En lançant l’idée qu’une politique migratoire ouverte lancerait un « appel d’air » selon la rédaction initiale du pacte sur l’immigration, la droite européenne tord la réalité. Seule une minorité des réfugiés parviennent en Europe. Le rapport 2007 du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), publié en juin dernier, montre que 80 % des réfugiés restent dans leur région d’origine. Ainsi 83 % des réfugiés africains restent sur le continent. Seule une minorité rejoint l’Europe. Des chiffres confirmés par le classement des pays qui accueillent le plus de réfugiés. Ainsi, le premier pays d’accueil est le Pakistan, loin devant avec 2,3 millions de réfugiés. La Syrie étant deuxième avec 1,5 million. Le premier pays européen est l’Allemagne, en quatrième position, avec 578 900 réfugiés. Le Royaume-Uni, deuxième pays européen en termes d’accueil, n’est que 8e avec 300 000 réfugiés. Loin de corroborer l’idée d’un raz-de-marée sur le monde industrialisé, le rapport de l’agence de l’ONU montre que ce sont les pays en difficulté qui reçoivent le plus migrants.

Gaël De Santis

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