mercredi 21 mai 2008

La justice confirme l'interdiction de la mendicité

JUSTICE - La Haute Cour déboute Mesemrom, qui recourait contre le principe même de la loi genevoise. Un recours à Strasbourg n'est pas exclu. Mix & Remix

Coup dur pour l'association de défense des Roms Mesemrom, qui avait contesté devant le Tribunal fédéral le principe de l'interdiction de la mendicité votée à Genève l'an passé. La Haute Cour a admis que la loi genevoise, qui prévoit des amendes, «repose sur une base légale suffisante, qu'elle est justifiée par un intérêt public et qu'elle respecte le principe de proportionnalité», selon un communiqué de Mesemrom envoyé hier soir. «La Suisse dit qu'elle ne veut pas de pauvres sur son territoire», déplore MeDina Bazarbachi, présidente de l'association. Elle étudie l'opportunité de recourir à Strasbourg devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Alors que Mesemrom jugeait une interdiction pure et simple disproportionnée, le TF voit les choses autrement, dans la mesure où la mendicité peut entraîner des débordements, donner lieu à des plaintes de particuliers importunés et de commerçants inquiets de voir fuir leur clientèle. Des interdictions autour de certains périmètres ou à des périodes données ne permettent pas d'atteindre le but visé, selon la Haute Cour, citée par Mesemrom.
Par ailleurs, l'accès à l'aide sociale, y compris pour les étrangers, est suffisant pour éviter de priver du minimum vital les personnes obligées de se livrer à la mendicité, retient le tribunal.


L'application de la loi pose problème

Dina Bazarbachi est évidemment déçue, «même si je m'attendais un peu à cette décision». Une décision qui ouvre la porte à une éventuelle extension de l'interdiction dans d'autres cantons, craint l'avocate. Du coup, la Suisse s'éviterait la confrontation avec l'extrême pauvreté frappant certaines populations européennes et la recherche de solutions globales et efficaces. «Le signal est que la misère est punissable, alors que c'est le fait de la tolérer sans action de solidarité efficace sur les plans cantonal et fédéral qui est inadmissible.»
Déboutée sur le principe, Mesemrom répète que l'application de la loi pose problème: «Les saisies d'argent (à titre de garantie sur la contravention, ndlr) sans notification d'amende sont illégales.» Très occupée, Dina Bazarbachi n'a pas encore eu le temps de contester devant le Tribunal administratif des saisies opérées il y a plusieurs semaines auprès de Roms. «Vu la décision du TF, cela devient urgent.»
L'association compte aussi demander à la Cour des comptes de se prononcer sur l'ensemble des saisies opérées sur les mendiants depuis fin 2003. Il faut dire que quatre clients de l'avocate ont récemment récupéré quelque 2000 francs saisis par des policiers entre 2004 et 2006.


La réaction de Daniel Zappelli

«Ces remboursements concernent des prélèvements effectués avant l'entrée en vigueur de la loi. Désormais, la police a une base légale, réagit le procureur général Daniel Zappelli. Si la loi dit que l'on peut amender des mendiants, alors la police peut prélever de l'argent à titre de garantie sur la future amende.»
En lui apprenant la décision du TF, on imagine le procureur général satisfait. Mais, à chaud, il se pose en humble serviteur de la justice: «Je suis là pour appliquer les lois, pas pour les faire. Si j'ai ordonné que celle sur la mendicité devienne exécutoire sans attendre que le TF se prononce, c'est parce que je pensais bien qu'elle ne serait pas annulée. Je me demande seulement à quoi tout cela a servi, alors que l'on avait depuis cinq ans un règlement (permettant d'amender la mendicité, ndlr) qui fonctionnait très bien.»

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