Le nombre de personnes recevant chaque année un passeport suisse a beaucoup augmenté au cours des quinze dernières années. Un argument mis en avant par l’UDC. Mais chacun lit les statistiques à sa manière. Un article de Lucia Sillig dans 24 Heures.
«Halte aux naturalisations en masse!» C’est le titre de l’argumentaire de l’UDC sur la votation du 1er juin. Pour soutenir son initiative, le parti produit force chiffres et graphiques. «Le nombre de naturalisations a presque octuplé entre 1991 et 2007!» font valoir les démocrates du centre. Une progression confirmée par l’Office fédéral des migrations (ODM). Mais l’interprétation de ces chiffres diffère.
«Politique laxiste»
Pour l’UDC, l’augmentation du nombre de naturalisations par année est «une conséquence directe de la politique migratoire laxiste menée ces dernières décennies». C’est le résultat d’une baisse des exigences dues aux effets «des pressions de la gauche et des décisions judiciaires aberrantes». Elle cite en exemple la limitation des émoluments aux seuls frais administratifs depuis 2006, ou encore l’introduction, en 1996, de la naturalisation facilitée pour les conjoints de citoyens suisses.
Les chiffres de l’ODM (qui ne prennent pas en compte les renaturalisations d’enfants de Suisses à l’étranger, 1773 personnes en 2007) montrent en effet une importante progression ces quinze dernières années (voir ci-contre). Avec toutefois un recul entre 2006 et 2007. «Il y a plusieurs causes à cette progression », observe Jonas Montani, porte-parole de l’ODM. Il cite, effectivement, la limitation des coûts mais évoque aussi la reconnaissance, en 1992, de la double nationalité par la Suisse et l’Italie. De quoi influencer significativement les statistiques en raison de l’importance de la communauté transalpine. En 2006, quand l’Allemagne a fait de même, le nombre de naturalisations d’Allemands a presque doublé.
Chiffres pas si importants
«Avant 1992, les personnes qui se mariaient n’entraient pas dans la statistique parce qu’elles devenaient automatiquement Suisses, ajoute Jonas Montani. Après, il fallait être marié depuis 3 ans et être en Suisse depuis 5 ans.» De plus, suite au refus de la naturalisation facilitée pour les étrangers des 2e et 3e générations en 2004, plusieurs cantons ont assoupli leur procédure. Jonas Montani rappelle aussi que la population étrangère a augmenté de 30% entre 1991 et 2007 et qu’il y a donc beaucoup plus de personnes qui remplissent les critères pour déposer une demande. Il souligne qu’actuellement le nombre de candidats potentiels s’élève à 774 000. En comparaison, il trouve les quelque 43 000 naturalisations de l’année dernière peu nombreuses.
«L’augmentation des naturalisations n’est pas la principale motivation de notre initiative», commente le conseiller national UDC Guy Parmelin. Pourtant, elle tient une bonne place dans l’argumentaire. «En ramenant la naturalisation au niveau d’une simple procédure administrative, le Tribunal fédéral (ndlr: qui a interdit les naturalisations par les urnes en 2003) a encore plus ouvert les vannes, répond le Vaudois. Le plus important, c’est qu’on retourne à une décision politique.» Pour la socialiste Ada Marra, coprésidente du comité «Non aux naturalisations arbitraires», le fait que peu des candidats potentiels déposent une demande montre qu’il ne s’agit pas d’une démarche purement administrative. «Sinon, tout le monde le ferait. Ce n’est ni un acte administratif ni, heureusement, politique: il ne faudrait pas que des personnes puissent être prises en otage par la majorité du moment. Pour moi, c’est avant tout un acte symbolique, pour ceux qui demandent la naturalisation, comme pour ceux qui la donnent.» Elle rappelle que seuls 3,1% de la population étrangère en Suisse entreprend de telles démarches, un taux très faible en comparaison internationale. «Si on regarde en pourcentage de la population, la Confédération naturalise bien plus que d’autres pays dits très ouverts, comme la Suède», rétorque Guy Parmelin. Difficile de sortir de la guerre des chiffres.
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