lundi 28 avril 2008

Emmen se développe en ignorant ses étrangers


Rendue tristement célèbre par la crise des naturalisations en 2000, Emmen (LU) tente de se reprendre en main. Suisses et étrangers continuent à vivre chacun pour soi.


A Gerliswil, dans la commune d'Emmen, toutes les religions se côtoient au cimetierre. (Photo: Keystone)
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Les recours sont devenus rares

Depuis 2005, une commission de naturalisation élue par les citoyens statue sur les demandes de naturalisation à Emmen (LU). La solution satisfait tout le monde. Même l'UDC locale ne veut plus soumettre les requêtes au peuple.

L'organe étudie les dossiers, fait des recherches et auditionne les candidats au passeport suisse, afin d'évaluer leurs connaissances de l'allemand et de l'Etat. «C'est la meilleure façon de sentir si la personne est suffisamment intégrée», estime M. Steffen.

Ce système est également préférable pour les candidats, selon lui. «Lorsque nous suspendons ou refusons une demande, nous expliquons pourquoi. Ainsi, ils savent exactement ce qu'ils doivent entreprendre pour mieux s'intégrer.»

D'ailleurs, très peu de candidats recalés font désormais appel, ajoute le maire Thomas Willi. «La naturalisation par les urnes ne nous a que nuit», dit-il. Selon lui, la commission a ramené le calme dans la commune.
Il pleut à verse. Thomas Willi arrête sa voiture au bord de la route. A travers la vitre embuée, le maire démocrate-chrétien montre un lotissement de villas ouvrières jaunes, qui témoignent du passé industriel de l'agglomération. Le drapeau de la ville de 27 000 habitants - trois hameçons gris sur fond noir - flotte légèrement.

Sur la gauche, on devine l'autoroute, derrière de hauts murs anti-bruit. Un imposant centre commercial dédié à l'habitat a ouvert en face. D'ici dix ans, les villas auront cédé la place à de grands immeubles haut de gamme.

Attirer de meilleurs contribuables

Deux ou trois bâtiments de même standing ont déjà émergé entre les nombreux axes routiers et ferrés qui traversent Emmen. Ils témoignent de la volonté des autorités d'attirer des contribuables plus aisés.

«Emmen dispose de terrains avec vue sur les Alpes et offre un cadre de vie idéal pour les jeunes urbains qui se déplacent souvent», commente M. Willi. Le maire rêve de faire de la ville, où l'UDC est le premier parti, une cité de services.

Pour l'instant, elle a une proportion trop importante de logements bon marché. Ils attirent les migrants - 30 %, dont la moitié des Balkans - et les personnes dépendantes de l'aide sociale. Une lourde charge pour la commune, qui malgré un plan d'économies n'a toujours pas réussi à redresser ses finances.

«L'ambiance n'a pas changé»

Les tensions entre Suisses et étrangers se sont apaisées, notamment car ce n'est plus le peuple mais une commission élue qui naturalise. Mais la peur d'être envahi, qui a conduit les citoyens à refuser systématiquement d'accorder le passeport suisse aux migrants des Balkans dans les années nonante, est intacte, estime Hanspeter Erger, le président du PS local.

«L'offensive» des autorités pour redresser Emmen prévoit peu pour favoriser l'intégration. Le maire compte surtout sur l'école, les clubs sportifs et des projets comme l'ouverture des salles de gym pour les jeunes le samedi soir. «Nous pourrions faire plus, mais nous n'en avons pas les moyens,» argumente M. Willi, dont la commune vient d'engager un spécialiste du marketing.

Des cours discrets

Deux citoyennes, Christina Widmer et Sybille Meyer, tentent d'aider discrètement les migrantes. Depuis une année, l'assistante sociale et l'enseignante leur proposent des cours d'allemand quasiment gratuits.

Le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Une soixantaine de femmes y prennent part deux fois par semaine. «Sans l'allemand, ces femmes n'ont aucune chance de s'intégrer», explique Mme Meyer. «Grâce aux cours, elles peuvent aider leurs enfants à l'école.» Les enseignantes sont semi-bénévoles. Le modeste financement est assuré par des sponsors, la commune et le canton.

Rares sont les projets de ce type à Emmen. Suisses et migrants vivent chacun de leur côté. Ils ne s'en sortent pas forcément mal, à l'exemple de la communauté musulmane bosniaque.

Un joyau invisible

A l'aide de dons de ses 1600 affiliés, elle a racheté il y a sept ans un vieux cinéma. Les membres le transforment petit-à-petit en centre de religion et de culture. La façade usée ne laisse rien deviner. Elle cache une surprenante mosquée: une pièce sereine, recouverte de tapis et dont un haut mur présente des faïences bleues, vertes et blanches, savamment agencées.

Son président Vehbija Efendic' affirme ne jamais avoir eu de problème avec la commune, qui lui a délivré toutes les autorisations. «Autorités et communautés étrangères devraient lancer ensemble des programmes d'intégration», suggère-t-il quand même.

L'homme s'est battu pour que sa communauté n'installe pas de minaret devant la mosquée, par respect pour les voisins. Et en décembre, il a contribué aux coûts de la décoration publique de Noël. La commune ne pouvant plus payer.

Le maire salue ces gestes. Mais la mosquée ne figurera pas sur le nouveau site internet de la ville, aux côtés des autres bâtiments remarquables.

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