jeudi 13 mars 2008

L’islam ébranle les Pays-Bas

L’intégration des musulmans divise la société hollandaise. Au travers d’un film, le chef de la droite populiste en a fait son fonds de commerce. De son côté, le gouvernement de centre-gauche s’empêtre dans le débat. Un article de Sabine Cessou pour 24 Heures.


Geert Wilders tient tou­jours les Pays-Bas en alerte, avec un film con­tre le Coran annoncé depuis fin novembre. Les pressions s’accu­mulent pour que le chef de la droite populiste, 9 députés au parlement, renonce à diffuser son brûlot. Le gouvernement craint des protestations compa­rables, dans le monde musul­man, à celles qu’avaient suscitées les caricatures danoises du pro­phète Mahomet.
Aucune chaîne de télévision n’a voulu prendre le risque de montrer le film. Geert Wilders, qui pourrait le mettre en ligne sur internet, a déjà obtenu ce qu’il recherchait: une promotion intense et des effets dévastateurs sur la vie politique de son pays.
Le gouvernement de centre­gauche, en effet, est au plus bas dans les sondages. Déjà en berne, la cote de popularité de Jan Peter Balkenende, le premier ministre, a sombré depuis qu’il s’oppose à la diffusion du film. Une majorité de Néerlandais lui reprochent de ne pas défendre la liberté d’expression. Geert Wil­ders, lui, est d’autant plus à l’aise pour dénoncer une «capitula­tion » devant l’islam que la gau­che s’empêtre elle aussi dans le débat.
Voilà plus d’un mois que les travaillistes discutent de la pos­sibilité pour des fonctionnaires musulmans de refuser de serrer la main des femmes. Job Cohen, le maire d’Amsterdam, a d’abord estimé que ce n’était «pas indis­pensable » de serrer toutes les mains. Il a été rappelé à l’ordre par Wouter Bos, le chef du Parti travailliste et vice-premier mi­nistre, qui a insisté sur le respect de la «norme du pays d’accueil». Une semaine plus tard, Wouter Bos, qui cultive le vote turc et marocain, a fait un revirement. «Il peut y avoir des exceptions à la norme, a-t-il déclaré, si d’autres intérêts pèsent plus lourd.» Ce sont précisément ces «autres intérêts» qui exaspèrent les Néerlandais. Les exemples se multiplient, de responsables prêts à plier devant les exigences d’un islam de plus en plus ortho­doxe. Le burqini, nouveau maillot de bain islamique qui recouvre tout le corps des fem­mes, est accepté dans la plupart des piscines du pays. Un tribu­nal de Maastricht a condamné le 5 mars une Néerlandaise à 350 euros d’amende pour avoir traité son voisin d’«Oussama». Cette allusion à Ben Laden re­lève de la «diffamation», a es­timé le juge, dans le «contexte néerlandais».
Incidents montés en épingle
Ce «contexte» suppose une société pacifique et harmonieuse qui semble bel et bien relever du passé. Les exemples d’intégra­tion réussis ne font guère parler d’eux, tandis que chaque nouvel incident est monté en épingle. Trois élus municipaux travaillis­tes ont ainsi fait scandale, fin 2007, pour avoir signé une péti­tion intégriste. Seule l’une d’en­tre eux, Ismaila Bouchri, a été exclue du parti, parce qu’elle avait copieusement insulté un citoyen, l’invitant à «se convertir à l’islam ou bien la fermer».
Aujourd’hui, plus grand monde n’est prêt à défendre la société multiculturelle, en panne de modèle de rechange. Holland Loves Muslims, un site internet lancé début février pour contrer l’islamophobie de Geert Wilders, espérait rassembler 50 000 si­gnatures en dix jours. Il n’en a récolté que 2000, et un nombre équivalent de messages de haine.
Selon un sondage commandé à la mi-février par l’émission de débats télévisés EenVandaag, les Néerlandais sont prêts à accep­ter n’importe quel type de pre­mier ministre: femme, céliba­taire, athée, homosexuel ou juif, mais pas de musulman.

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