sans travail, les Roms prennent
la route de l’ouest, tel ce Slovaque
arrivé à Lausanne il y a peu.
PLACE ST-FRANÇOIS,
LE 14 NOVEMBRE 2007
PHILIPPE MAEDER
Pour l'heure, Lausanne ne semble pas connaître la même affluence de mendiants qu'à Genève (lire ci-contre). Seules rencontres, avant-hier, entre Saint-François et Chauderon, en passant par la rue Centrale et le Petit-Chêne, un clarinettiste roumain à la rue de l'Ale et un mendiant accroupi à l'entrée principale de la poste de Saint-François.
Manoeuvre d'approche. Le quadragénaire arrivé trois jours plus tôt de Slovaquie, selon ses dires, effectuait mercredi son troisième jour de «travail» à Lausanne. Avec ou sans harmonica.
Ne parlant que le slovaque, c'est avec un interprète que nous lui avons demandé de nous raconter son histoire. Refus dans un premier temps, par peur d'être repéré par la police. Puis l'homme a accepté, à condition d'être payé. Il demande 130 fr. (près de 2500 couronnes slovaques). «Le prix du trajet de retour à Bratislava en bus», dit-il. Marché conclu, nous voici donc dans un café de la place.
«J'ai pris le bus à Bratislava, dimanche soir, et suis arrivé lundi à Lausanne. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois, je suis venu l'été dernier. Il faisait moins froid! J'ai 40 ans, je me suis marié à 17 ans, j'ai quatre enfants de 13, 9, 7 et 5 ans. Les grands sont scolarisés. J'ai fait l'école primaire jusqu'à 15 ans. J'ai ensuite travaillé comme manoeuvre sur des chantiers. Ma femme et moi avons toujours reçu une aide sociale. Avant la chute du communisme, on s'en sortait mieux, la vie était moins chère.»
«Depuis 1990, je vis de l'assurance chômage et, très occasionnellement, de petits travaux au noir qui me rapportent entre 150 et 250 couronnes (ndlr: entre 7 et 12 fr.) Entre ma femme et moi, nous recevons de l'Etat environ 4000 couronnes par mois (ndlr: 200 fr.). Nous vivons les six dans une pièce et une cuisine, dans une vieille maison.
Je cherche du travail. Mais chez nous, même les gens ayant une formation n'en trouvent pas. Mon père est «gadjé» (ndlr:non Tsigane), il est décédé. Ma mère est tsigane, elle se débrouille avec sa rente de veuve. Je suis venu ici parce que tout le monde, dans le milieu gitan, parle de la possibilité de faire des sous à l'ouest. Ce n'est pas nouveau. L'Allemagne, l'Autriche, la Suisse avaient toujours la cote. Mais c'est devenu difficile en Allemagne.»
«Pour ce qui est de la Suisse, on sait qu'il est impossible d'obtenir un permis de travail. Hélas... car j'aimerais bien pouvoir travailler.»
«Mais on sait que c'est un pays riche et qu'on peut, dans le canton de Vaud, se procurer une sorte de permis pour jouer de la musique. Quelqu'un m'avait parlé de Lausanne. J'ai obtenu ce papier, je joue de l'harmonica. On m'avait dit que je pouvais espérer gagner 50 à 100 fr. par jour. Hier, j'ai fait 40 fr.»
«Je dors à La Marmotte (ndlr: lieu d'accueil de nuit), je paye 5 fr. la nuit. Mes proches savent que je suis ici. Ce n'est pas facile de se résoudre à partir. Il faut comprendre que nous avons besoin de soutien. Depuis que nous sommes dans l'Europe, on nous fait des promesses, c'est tout. Nous aider en Slovaquie? Inutile, l'argent va se volatiliser. Donnez-nous du travail ici!»
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