mercredi 17 octobre 2007

Pour devenir Suisse, faudra-t-il être de la bonne religion ?

Lire l'article de Rachad Armanios dans le Courrier
PROJET DE LOI - La commission contre le racisme voit un risque de discrimination dans le fait de mentionner la confession dans la procédure de naturalisation.
Faut-il connaître la confession d'un candidat à la nationalité suisse pour évaluer s'il mérite ou non le passeport à croix blanche? Le 2 octobre dernier, discutant de l'initiative de l'UDC pour maintenir la naturalisation par les urnes, le Conseil national s'est refusé à confier au peuple le destin d'individus, en invoquant le risque d'arbitraire et de discriminations. Battu, le parti xénophobe l'a aussi été dans le cadre du projet de loi sur la nationalité –émanant du sénateur Thomas Pfisterer (PRD/AG) et vu comme une contre-proposition à l'initiative de l'UDC. C'est en vain que celle-ci a tenté d'imposer que les cantons fournissent aux assemblées communales toute une série de données sur l'aspirant helvète, comme la perception de l'aide sociale, le paiement d'impôts, les poursuites pour dettes ou l'invalidité. Les députés ont tout de même voulu que la confession soit dévoilée. Combattant un risque de discriminations, le National en a introduit un autre, estime la commission fédérale contre le racisme (CFR).
L'organe consultatif extraparlementaire s'en inquiète dans une lettre envoyée hier à la commission des institutions politiques du Conseil des Etats. La loi sur la nationalité étant revenue dans cette enceinte, sa commission compétente doit en effet se réunir le 23 octobre pour en rediscuter. Les commissaires sont ardemment invités à rejeter une clause jugée «ni indispensable ni utile». La missive, que Le Courrier s'est procurée, est signée par le président de la CFR, Georg Kreis.


Le piège des stéréotypes


Il souligne que la mesure «contredit la séparation constitutionnelle entre Eglise et Etat, bien ancrée, ainsi que la neutralité confessionnelle de l'Etat». La lettre rappelle la pesée d'intérêts à effecteur entre la garantie de la sphère privée des candidats et la nécessité d'obtenir des informations sur eux. «Quelle valeur informative apporte l'appartenance religieuse?» se demande la CFR. C'est une donnée «abstraite» qui ne permet pas de conclure quoi que ce soit sur le degré d'intégration d'un étranger, car chaque religion «peut être vécue de diverses manières» et est traversée par des courants multiples, allant des plus libéraux aux plus fondamentalistes.
Le danger est donc grand qu'un refus de naturalisation soit «consciemment ou inconsciemment» influencé par des stéréotypes sur certaines religions. La CFR s'inquiète surtout de possibles discriminations à l'égard des musulmans au vu de «la promotion par certains d'un discours visant ouvertement à confondre l'islamisme et l'islam». Mais la stigmatisation étant un virus très contagieux, qui sait si d'autres confessions ne seront pas demain dans le collimateur, prévient Boël Sambuc, vice-présidente de la CFR.
La conseillère nationale Maria Roth-Bernasconi (PS/GE) approuve. En commission, elle a combattu avec acharnement une mesure qu'elle juge «scandaleuse». Mais le 2 octobre, en plénière, elle a finalement voté la révision de la loi sur la nationalité – acceptée de justesse – pour une question stratégique. «La priorité, c'était que la naturalisation par les urnes ne passe pas et que le droit de recours (d'un candidat malheureux, ndlr) soit garanti.» Mais elle espère que, dans les allers et retours de la loi entre les deux Chambres, puis en votation finale en plénière, la mention de la religion disparaisse.I

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