mercredi 3 octobre 2007

Intégration réussie

Etienne Piguet, spécialiste de l'immigration et professeur de géographie à l'Université de Neuchâtel, donne dans 24 Heures son point de vue sur l'intégration des populations étrangères, en répondant aux questions de Nadine Haltiner.

– Qui sont les immigrés d’aujourd’hui?
– Par rapport aux années 1960­1970, ilyaundouble change­ment. D’une part, la libre circula­tion des personnes attire davan­tage d’étrangers possédant un haut niveau de qualification.
D’autre part, le canal de l’asile est plus large qu’à l’époque. Les origines sont plus diverses et le regroupement familial implique qu’une partie des immigrés est moins qualifiée et présente des déficits linguistiques. L’arrivée de ces personnes a des conséquen­ces en termes d’intégration.

– Lesquelles?

– Dans les années 1980 encore, les étrangers s’intégraient via le monde du travail. Aujourd’hui, une partie des immigrés est sans emploi et s’insère plus difficile­ment.

– La Suisse peinerait-elle à intégrer ses étrangers?

– On pourrait le croire en voyant la thématique de l’intégration refaire surface. Mais la Suisse est un des plus grands pays d’immi­gration du monde – en propor­tion, nous sommes devant les Etats-Unis! – et connaît de ce point de vue une intégration réussie. La campagne menée sur l’intégration est excessive par rapport au nombre d’immigrés réellement concernés.

– Quels sont donc les défis futurs de la Suisse en matière d’immigration?

– Les grandes lignes sont déjà posées, avec le système à deux cercles: on accueille d’un côté les
ressortissants de l’Union euro­péenne, de l’autre des personnes très qualifiées ou ayant besoin d’une aide humanitaire. La Suisse a fait ses choix. Reste deux grands défis. Le premier réside dans un effort d’explication sur l’asile et le regroupement fami­lial. Les discours évoquent sur­tout la main-d’oeuvre qualifiée et européenne, alors que les gens voient se développer autour d’eux une Suisse multiculturelle. Le second est la maîtrise des aspects négatifs de la migration. Car, même si les conséquences positi­ves dominent, l’idée que l’immi­gration ne fait que des gagnants est fausse. La pression sur les bas salaires existe. De même, l’amé­nagement du territoire ou l’école peuvent poser problème. Veut-on loger les personnes qui arrivent en Suisse au coeur des villes ou dans des banlieues? Comment promouvoir une école perfor­mante pour tous, enfants de cadres supérieurs anglophones, d’autochtones et de réfugiés? Il est temps d’y réfléchir.

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