dimanche 23 septembre 2007

Réfugiées irakiennes en Syrie

Elles attirent tous les regards. S'exhibant en habits ultramoulants au milieu de femmes voilées de la tête aux pieds, un groupe d'adolescentes irakiennes crée un choc dans Jaramana, un des quartiers les plus conservateurs de Damas. Leur présence témoigne d'une conséquence du chaos irakien encore méconnue: la prostitution. Un exil misérable a forcé des milliers de femmes, dont des centaines de mineures, à vendre leur corps pour survivre. Leurs clients, principalement des Syriens, profiteront de l'occasion pour s'offrir des soirées agréables à peu de frais.

Le phénomène prend une telle ampleur que Zeina, une journaliste syrienne, a effectué un reportage pour prouver à ses compatriotes que toutes les Irakiennes ne se prostituent pas. Cette tragédie jette donc plus encore l'opprobre sur la communauté irakienne, accusée par de nombreux Syriens d'avoir provoqué l'augmentation des prix du logement et de la nourriture. Le recours croissant à la prostitution n'étonne pas la porte-parole de l'UNHCR en Syrie, Astrid van Genderen Stort. «Dans les sociétés arabes, les hommes sont les piliers économiques de la famille. La guerre détruit les réseaux de solidarité, privant les femmes de soutien et de protection. Ce bouleversement les force à chercher n'importe quel moyen de survie.»

Interdites d'entrée

Une nouvelle loi, décidée il y a quelques semaines, stipule qu'aucune femme de moins de trente-cinq ans n'a le droit d'entrer en Syrie sans être accompagnée d'un homme de sa famille, afin de lutter contre le phénomène. Mais selon le directeur d'un centre pour les droits humains qui souhaite garder l'anonymat, cette législation est absurde. «Ce sont parfois leurs pères, frères ou époux qui les poussent à se vendre.» Le gouvernement a en effet récemment interdit aux Irakiens de travailler et ne leur accorde aucune aide financière. Le gouvernement craint que ce million et demi d'exilés ne cherche à rester, ce qui menacerait l'équilibre démographique de la Syrie. Ces mesures précipitent des milliers de famille dans une existence totalement précaire. Dépendant de leurs économies ou de la générosité de leurs proches à l'étranger, il ne leur reste souvent qu'à accepter n'importe quel travail au noir, quitte à se retrouver par la suite au ban de la société.

Contrepartie en pétrole

Car faire le tapin, dans cette communauté patriarcale fortement conservatrice est synonyme d'une déchéance dont celles qui en sont victimes ne se relèveront jamais. «Aucune femme de leur famille ne pourra se marier. Salies, elles n'ont aucune chance de réintégrer leur clan», souligne notre interlocuteur anonyme

Une loi interdisant aux femmes de faire le trottoir, la prostitution reste cantonnée dans des night-clubs contrôlés par les services de renseignements syriens, qui veillent scrupuleusement à ce que le silence soit gardé sur ce phénomène. Le militant souligne que faire connaître ce drame aurait des conséquences politiques incalculables. «Parler de l'exploitation sexuelle des réfugiées, alors que le président Bachar el-Assad vante l'hospitalité de la Syrie, mettrait en lumière ses véritables motivations. Accueillir les Irakiens est en fait un bon moyen d'obtenir une contrepartie en pétrole, de faire pression sur les USA et l'Union européenne et de redorer son blason dans le monde arabe.»


Aller sur le site du Haut Commissariat pour les réfugiés
Les statistiques du HCR (.pdf)

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