samedi 15 septembre 2007

Périmètre à sécuriser

Lire l'opinion d'Hélène Küng, directrice du Centre social protestant, publié dans la rubrique "Réflexions" de 24 Heures le 12 septembre dernier


Hélène Küng

C'est un trajet que vous faites tous les jours. Et là, plus moyen de passer. Un surveillant, une bar­rière. De l’autre côté, des ouvriers en combinaisons et masques s’affairent. Un véhicule transportant un chargement de produits toxiques s’est renversé. Jusqu’où vont les dégâts? Pourra­t- on «décontaminer» l’eau ou le sol pollués? Ne vaut-il pas mieux essayer de prévenir ce genre d’accident, contrôler sévèrement le transport et la circulation de tels produits? Quelles lois sont nécessaires à cet effet? Et quelles mesures pour les faire respecter? Imaginez maintenant que les ouvriers tentant de circonscrire le sinistre ne sont pas seuls sur le périmètre. La barrière est rom­pue, un groupe s’affaire parmi les déchets, emplit et distribue des flacons de produit, encou­rage les passants à s’approcher et à se servir. «Monsieur, vous êtes pour la liberté? Alors, tenez! Halte à la censure! Liberté d’opi­nion! Non aux muselières!» Scénario loufoque? Plutôt quotidien. Depuis des semaines, on assiste à un arrosage organisé et coûteux de produits corrosifs. Images, slogans à haute teneur en acide décapant le dialogue, attaquant le ciment social, favo­risant les fissures entre commu­nautés. S’il est question d’en dé­noncer ou d’en limiter la circula­tion, certains y voient une atteinte à la liberté d’expression. Pourquoi voir du danger dans des images et slogans à tendance raciste? Parce qu’ils associent un comportement délictueux et l’ap­partenance à un groupe. C’est contraire à l’Etat de droit, qui reconnaît la dignité et la respon­sabilité de tout individu, et qui sanctionne tout acte délictueux, sans le relier ni à l’apparence, ni à l’appartenance ethnique, reli­gieuse, sociale. Exclure un groupe, c’est saper l’indispensa­ble travail de dialogue, de res­pect mutuel, d’apprentissage des règles de vie commune.

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Comment sécuriser le périmè­tre noyé sous cette publicité stig­matisante? La critiquer, est-ce la diffuser encore davantage – ou faut-il précisément la dénoncer comme telle, en identifier la toxi­cité? La deuxième solution est la plus sûre. C’est ce à quoi s’em­ploie la «norme pénale antira­ciste », cet article de loi qui iden­tifie les «produits» racistes et prévoit des mesures pour en em­pêcher la diffusion irresponsa­ble. On peut penser ce qu’on veut, certainement! Mais si ce que je pense et ce que je prône met en danger la cohésion so­ciale, la dignité des personnes et l’Etat de droit (qui sanctionne le délit, pas l’appartenance à un groupe), alors heureusement qu’une loi est là pour limiter la diffusion irresponsable de mes opinions.
Pas dangereux, le racisme? Ne vous est-il jamais arrivé de vous laisser contaminer? De vous mé­fier d’une personne parce qu’elle a l’air «différent», de lui prêter des pensées ou des comporte­ments suspects à cause de son aspect? Moi, ça m’est arrivé. Et je me fais régulièrement une cure de désintoxication. Par exemple, j’irai à la manifestation du 18 septembre, à Lausanne. Et je tire mon chapeau à la LICRA, qui a déposé une plainte pénale contre les supports publicitaires à tendance raciste.

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