Lire l'édito de DIDIER ESTOPPEY dans le Courrier
La Suisse naturalise à tour de bras. Si l'UDC le dit, c'est qu'il doit bien y avoir une part de vérité dans ce constat. Lundi soir encore, le conseiller national Oskar Freysinger hurlait lors d'un débat télévisé, sans être contredit, qu'on approche des 50 000 naturalisations par année et que «ça ne va plus». Il convient d'abord de tempérer les craintes de l'Autrichien naturalisé valaisan: le nombre de passeports à croix blanche délivrés chaque année à des naturalisés tourne plutôt autour des 35 000. Tels étaient en tous les cas les chiffres pour 2005, repris dans une récente publication de la Direction du développement et de la coopération (DDC).1 Ce rappel tombe à point nommé, alors que le Conseil national se prononce ce jeudi sur l'initiative de l'UDC demandant des naturalisations par le peuple: loin de naturaliser à-tout-va, la Suisse se situe largement en queue du peloton européen. A tel point que si, avec 21,8%, le taux de sa population étrangère est relativement élevé, ceci s'explique en bonne partie par les obstacles administratifs mis à la naturalisation. Ainsi, près d'un quart des «étrangers» vivant en Suisse y sont nés. Dans plusieurs pays européens, ils n'auraient pas eu à entreprendre la moindre démarche de naturalisation: en Grande-Bretagne, aux PaysBas, en France ou en Allemagne, les enfants qui sont nés dans le pays en obtiennent la nationalité à la naissance si un des parents y a vécu huit ans. La Suisse se distingue également par une procédure particulièrement longue: alors que la durée de résidence requise pour une candidature à la naturalisation y est de douze ans, celle-ci varie de cinq à dix ans dans la plupart des autres pays européens. Le résultat est à l'avenant: avec 2% de ses résidents étrangers qui ont acquis le passeport suisse en 2001, la Confédération sortait pratiquement dernière de classe. Seul le Luxembourg, avec 0,3%, pouvait se targuer d'être plus restrictif. Mais les chiffres helvétiques doivent aussi être mis en regard de taux de naturalisation comme ceux des Pays-Bas (7%), de la Suède (7,6%) ou de la Hongrie (7,7%). Au final, une rapide analyse de la situation aurait donc de quoi rassurer l'UDC et son fans' club. Mais l'UDC n'en a probablement pas besoin. Tout est en effet question de perspective. Il y a quelques années, lors des débats dans les cantons de Vaud ou de Genève sur le vote des étrangers, elle combattait cette innovation en insistant sur la nécessité, pour les étrangers désireux d'exercer leurs droits politiques, de se naturaliser. Tout en proclamant vouloir soutenir des naturalisations facilitées. Ce qui ne l'a pas empêchée de militer, tout aussi sec, contre les deux projets de naturalisation facilitée soumis à votation en septembre 2004. Avant d'en remettre une couche aujourd'hui. Car c'est bien connu: à l'UDC, la rigueur, c'est pour les autres.
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