Lire l'éditorial d'Alain Jeannet dans l'hebdo
Les faits divers sont souvent un formidable thermomètre social. Mais, parfois, ils brouillent la compréhension, renforcent les préjugés et poussent aux généralisations abusives. C’est le cas de la rixe de Monthey et du viol collectif de Seebach. Comme le montre le chef de la Sûreté neuchâteloise Olivier Guéniat dans un livre à paraître en mai, les jeunes originaires des Balkans ne commettent en effet pas plus de délits que les Suisses ou les autres étrangers. Et le criminologue d’ajouter: «L’exclusion que prônent les populistes fait mouche sur un plan électoraliste, mais c’est un leurre sur un plan opérationnel. L’UDC poursuit là un projet de non-société.»
Le hic, c’est que la communauté balkanique en Suisse comme d’ailleurs nos relations avec l’ex-Yougoslavie, et en particulier le Kosovo, restent mal connues. Il nous manque la mémoire des faits historiques. On oublie de rappeler que les entreprises helvétiques sont allées chercher dans cette région les saisonniers qu’elles ne trouvaient plus en Italie ou en Espagne, dès le milieu des années 60. On perçoit mal le rayonnement et les richesses de leurs cultures. Et l’on semble ignorer que les 230 000 ressortissants albanophones veulent, dans leur majorité, s’intégrer chez nous. C’est une réalité: ils sont là pour rester. (Lire l’enquête pilotée par Daniel Audétat.)
Le Kosovo, 27e canton suisse? Cette question, posée en couverture de notre magazine peut paraître saugrenue. Elle s’explique par l’importance de la communauté albanophone en Suisse, par les liens tissés de longue date avec l’aire balkanique, mais aussi par l’engagement de la Suisse sur place. Cheffe du Bureau de liaison suisse à Pristina, Yvana Enzler résume: «Notre politique extérieure au Kosovo, c’est de la politique intérieure.» Micheline Calmy-Rey ne dit pas autre chose quand elle affirme: «Nous travaillons à préserver notre prospérité en agissant au Kosovo.» (Lire le reportage d’Yves Steiner dans notre prochaine édition.)
La Suisse investit beaucoup de moyens dans la région pour améliorer une situation calamiteuse. Elle pourrait sans doute faire plus encore. Ce qui ne doit pas, dans le même temps, nous empêcher d’améliorer l’inté gration des Kosovars établis en Suisse. Nous avons tout à y gagner. Parions que, dans dix ou vingt ans, les poussées de xénophobie dont souffrent les jeunes originaires des Bal-kans nous sembleront incompréhensibles. En Europe, en Russie, outre-Atlantique et même dans une bonne partie de l’Asie, le vieillissement de la population aura enfin été identifié comme un risque majeur et l’on déploiera toutes les astuces pour attirer chez soi le plus grand nombre de migrants possible. Les sociétés les plus fortes et les plus riches? Celles qui auront su s’armer pour la bataille de l’intégration et de la démographie.
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