«Cette loi, que j’aurais voulue plus généreuse, je l’ai acceptée en mon âme et conscience, en chassant aussi bien les démons que les anges»
En 2005, le nombre de demandes d’asile a chuté de 30%. Il est difficile de savoir si cela est dû à un durcissement de la politique de M. Blocher, qui rend notre pays moins attractif, ou à l’amélioration de la situation dans les Balkans. S’il y a encore beaucoup de demandeurs provenant de Turquie et des pays du Moyen-Orient englobés dans le conflit irakien, à l’avenir, les demandes en provenance de l’Est, relevant du droit d’asile ou non, vont diminuer.
En 2005, le tiers des demandes viennent d’Afrique, dont de nombreux pays refusent de reprendre leurs ressortissants. L’Espagne et l’Italie sont confrontées à des afflux à travers la Méditerranée difficiles à maîtriser. C’est d’Afrique, incapable de répondre aux défis de la mondialisation et qui s’appauvrit, que viendra la pression ces prochaines décennies. Malgré la misère et les pandémies, sa population augmente, elle a passé de 220 millions en 1950 à 880 millions aujourd’hui, et l’on prédit une population de 1,8 milliard en 2050.
Abdou Diouf, ancien président du Sénégal, disait en 1991: «Vous risquez d’être envahis demain d’une multitude d’Africains qui, poussés par la misère, déferleront par vagues sur les pays du Nord. Et vous aurez beau faire des législations contre l’émigration, vous ne pourrez pas arrêter ce flot car on n’arrête pas la mer avec les
bras.» C’est donc à la communauté internationale d’apporter une aide mieux coordonnée et d’introduire des règles de commerce équitable. La Suisse doit augmenter sa part qui se situe bien en dessous de l’objectif de 1% de notre budget.
En attendant, des mesures doivent être prises dans notre pays pour maîtriser ce flux migratoire annoncé, car la population est inquiète, pas seulement parce que l’UDC de M. Blocher dénonce les abus et attise les craintes, mais en raison de faits réels, tels l’afflux de réfugiés en Italie et en Espagne, ou encore la montée de l’islam.
La révision de la loi d’asile propose de raccourcir les procédures d’admission et de renvoi, ce qui devrait permettre d’éviter des cas aussi douloureux de demandeurs qui prennent racine chez nous et qui se voient signifier leur expulsion après plusieurs années. Je me suis d’ailleurs opposé à ces décisions inhumaines.
J’ai voté cette loi sous certaines conditions. Que l’aide d’urgence soit acquise, selon notre Constitution, que l’admission, même provisoire, ne dépende pas exclusivement d’une mise en danger existentielle, que les demandeurs aient accès à tous les soins et que l’exigence de documents de voyage et de pièces d’identité ne constitue pas sans autre un motif de non-entrée en matière si des indices probants de persécution existent.
Par ailleurs, M. Blocher a promis d’introduire parmi les motifs d’asile, la persécution non étatique, pour motifs religieux ou de conflits civils. J’ai acquis la conviction que cette loi respectait le droit international et en particulier la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. De plus, il est certain que la complexité des problèmes migratoires nous imposera à terme d’adopter les mêmes normes que celles de l’UE.
Cette loi, que j’aurais voulue plus généreuse, je l’ai acceptée en mon âme et conscience, en chassant aussi bien les démons que les anges. Je crois que la population a besoin de savoir que le Parlement se préoccupe de cette situation sans arrièrepensée populiste, afin que le million et demi d’étrangers en Suisse ne souffrent pas de sentiments hostiles dus à notre incapacité à maîtriser ces problèmes migratoires.
YVES CHRISTEN
■ Conseiller national radical
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