Lire l'entretien avec Pierre-Yves Maillard dans 24heures
Vice-président des socialistes suisses et conseiller d'Etat vaudois, Pierre-Yves Maillard s'est battu début décembre devant le congrès de Muttenz pour que son parti apporte sa réponse à la question de l'intégration des étrangers. Entretien, alors que le sujet de l'asile est particulièrement sensible dans le canton, avec la volonté des Bellerins de voir fermer le centre pour requérants qu'abrite leur commune.
Qu'est-ce qui a convaincu le PS d'être plus actifs sur le thème de l'intégration?
Une analyse objective. Dans les années 60-70 les problèmes d'intégration se sont résolus en partie par le plein-emploi. Les nouveaux venus avaient des collègues de travail, pouvaient mieux se projeter dans un avenir. Ce n'est plus toujours le cas. Et puis, les attaques politiques sur ce thème ne cessent pas. Il faut y répondre, avec des faits et un langage clair et réaliste.
Les socialistes n'ont-ils pas longtemps pensé que l'intégration allait se faire seule?
Comme tout le monde. Très peu de choses ont été mises en place pour faciliter l'intégration, alors que les différences culturelles des migrants sont plus fortes. Si on veut éviter le développement de fanatismes de tous ordres, il faut diffuser de manière volontariste nos valeurs démocratiques.
Voici longtemps que l'UDC utilise le thème des étrangers. Est-ce que vous ne vous réveillez pas un peu tard?
La version zurichoise de ce parti a fait des voix en exploitant la crainte et le ressentiment envers les étrangers, Mais elle n'a rien résolu. De notre côté, nous devons réagir à cette offensive avec plus d'efficacité.
Aujourd'hui, vous admettez qu'il y a un effort à demander aux migrants. Lequel?
D'abord clarifions ce qu'on tolère. Pour le PS ça a été un débat important. A Muttenz, nous nous sommes prononcés contre le port de signes religieux ostentatoires par les enseignants, et contre les dispenses de cours pour motifs religieux. La direction du parti a provoqué une clarification entre les valeurs de respect des minorités, celles de laïcité et d'égalité. Quand elles entrent en conflit, la base du PS a clairement privilégié les secondes.
Qu'attendez-vous de votre «convention d'intégration»?
Elle n'a pas pour but d'ajouter une condition à la reconduction d'un permis de séjour. Dans une logique de réciprocité, elle entend favoriser l'atteinte d'objectifs d'intégration, comme la maîtrise de la langue. Son but, c'est que toutes les personnes d'une famille connaissent et maîtrisent la langue parlée, et un minimum des règles de vie dans notre société. Pour éviter, par exemple, que dans un couple, l'épouse qui ne travaillerait pas se trouve isolée, condamnée à la dépendance.
«Il faut parler clair, dites-vous, sur la régulation de la migration». Pour dire quoi?
Deux choses inquiètent la population. Qu'on perde le contrôle des mouvements migratoires, et l'association entre immigration et criminalité. Sur ces deux points, on doit montrer que les prétendus remèdes sont devenus la cause du problème. On a durci les lois, eh bien, les étrangers sont venus illégalement, et souvent on les a fait venir. De l'aveu de M. Blocher, on a environ 100 000 personnes en situation irrégulière en Suisse. On fait quoi? 5000, 10 000 charters? Même lui ne le propose pas. Il faut une autre réponse. Face à ceux qui sont venus pour trafiquer, elle passe par des forces de police suffisantes. Il faudrait une action massive, coordonnée par le Département de justice et police contre les réseaux de trafic et de proxénétisme. Mais évidemment on ne peut pas le faire en prônant le moins d'Etat et en voulant réduire de 30% les dépenses de son département.
Et face à l'immigration clandestine?
On commencera à résoudre le phénomène quand les employeurs seront sérieusement condamnés pour avoir exploité du personnel clandestin. En leur faisant payer la différence cumulée de salaire avec les usages de chez nous et les frais d'aide au retour. Alors certains employeurs diront, comme j'ai pu l'entendre: «mais sans ces gens on ne s'en sort plus». Il y aura moins d'hypocrisie, il y aura d'autres alliances pour permettre à ces personnes de venir ici légalement, en respectant nos conditions de travail. Où ils emploieront du personnel d'ici, sans plus pouvoir tirer les salaires vers le bas. Contrôler les conditions de travail et lutter contre le travail au noir est la seule solution efficace. Or l'UDC suisse s'y oppose.
Notamment à Bex, le mécontentement s'est cristallisé autour de la délinquance de certains immigrés. Que faire?
Quelqu'un qui trafique, qu'il soit clandestin ou débouté de l'asile, ne collabore pas à son renvoi. Eh bien, puisque les mesures de contrainte existent, qu'on les applique aux trafiquants plutôt qu'aux pères de familles sans histoires. Et que M. Blocher s'engage pour plus d'accords de réadmission avec les pays d'Afrique subsaharienne afin de rendre possible les retours.
Etes-vous en faveur de centres spéciaux pour les requérants «difficiles»?
Au-delà des problèmes juridiques, la question se résout d'elle-même quand vous vous demandez dans quelle commune les mettre.
La votation de Bex a montré que les centres de requérants étaient de moins en moins bien admis. Comment réagir?
Ce dossier concerne mon collègue Mermoud, c'est à lui de s'exprimer pour le Conseil d'Etat. Pour le reste, l'enseignement que peuvent en tirer les partis au plan fédéral, c'est que malgré tous les changements de la loi sur l'asile des problèmes demeurent parce qu'ils appellent une réponse policière et pas législative. Il faut arrêter de se défausser sur la loi sur l'asile. Strada à Lausanne a fait plus pour lutter contre le trafic de drogue que le durcissement de cette loi.
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