La commune de Bex a accepté à une faible majorité une initiative de l'UDC visant à fermer le centre pour requérants d'asile de la Fareas, situé au coeur du village. Cette initiative était combattue par les autres partis politiques et par les autorités communales. Ce vote n'a pas de valeur contraignante pour les autorités, mais politiquement, c'est un signal clair.
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Sur le même sujet l'article d'Elisabeth Eckert dans la Tribune de Genève
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Il est 14 heures passées de quelques minutes au Restaurant de l'Hôtel de Ville, à Bex. Les poings de Charles-Henri Grept, chef de file du Comité d'initiative, claquent sur la table en signe de joie: «On est bon!» Les résultats, qui viennent de parvenir à son oreille, plaident en faveur de l'action «Pour que Bex retrouve sa sérénité».
Les Bellerins ont accepté par 53,43% des voix la requête des initiants demandant le rachat et la réaffectation du bâtiment de la Fondation vaudoise pour l'accueil des requérants d'asile (Fareas). Taux de participation: 56,9%, dont 738 étrangers au bénéfice du seul droit de vote communal. Et ce sont 167 bulletins qui ont fait la différence: «On pensait que cet écart serait moindre», se félicite de plus belle l'UDC Charles-Henri Grept. «C'est une victoire de la démocratie!»
«Ras-le-bol»
C'est un André Corboz triomphant et distribuant les étreintes de circonstance qui fait irruption dans la brasserie, accompagné des siens. L'homme avait défrayé la chronique en écrivant des propos xénophobes sur un mur de la ville. «On a fait les affichages en famille, lâche-t-il, attablé face à sa fille de 16 ans. C'est un vote historique, la première initiative communale du genre, ajoute-t-il. Je suis curieux de voir comment les autres villes hébergeuses vont s'opposer à l'avenir.»
Les arguments qui ont fait mouche? «La descente de police le 9 novembre dernier. Ça a pesé dans la balance, analyse à chaud Eliane Comte, présidente du parti agrarien local. Lors de la récolte de signatures, beaucoup de gens, des personnes âgées notamment, ont exprimé leur ras-le-bol face à des gens qui crachent par terre, qui salissent la rue.»
Pour l'ex-municipal UDC Pierre-Yves Rapaz, la victoire s'apprécie d'autant plus que la campagne fut chahutée. Et de pointer du doigt les «fausses vérités» brandies par la gauche.
Entre sérénité, déception et réflexions sur l'avenir
A la table municipale, on disserte sur les résultats du scrutin autour d'un pichet de rouge. L'humeur est sereine. «Je pensais que la population accepterait l'initiative à 70%», déclare le syndic socialiste Michel Flückiger. Ce qui lui donne à espérer un renversement de situation. Car le rachat du bâtiment, auquel la municipalité n'était pas favorable, se heurte encore à des obstacles (lire ci-dessous).
L'heure est à la déception et à la colère pour Irène Chaubert: «Cette votation surfe sur les sentiments de peur des gens, déplore la présidente du Groupe d'appui aux requérants (GAR). Les initiants ont fait passer cette votation pour un sondage. Or un vote ne donne pas un signal, mais une directive qu'il faut assumer.»
Du côté du canton, hier, tant Pierre Imhof, directeur de la Fareas, que le conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud prenaient acte de cette décision. «Il faudra l'intégrer dans les réflexions futures de l'exploitation du bâtiment», mentionnait le premier.
Plus tranchant, l'homme politique répétait: «Il y a trois alternatives. La première est de renforcer la sécurité du centre et de poursuivre les veilles dans la rue. La deuxième de changer sa population en plaçant des familles déboutées plutôt que des célibataires. La troisième enfin est sa fermeture. Cette alternative demande du recul. Financièrement d'une part: on parle toujours de 6,25 millions de francs pour cet immeuble mais il convient d'y retrancher une part d'amortissement. Politiquement enfin. Il s'agit de mesurer l'impact par rapport aux autres communes qui accueillent des requérants…»
Malgré le débat, malgré le oui, ce vote ne résout rien
Commentaire
CORINNE FEUZ
53,43% de voix qui disent oui à l'initiative de l'UDC demandant le rachat et la réaffectation du bâtiment de la Fareas: un signal «très fort à la Municipalité, au canton et à la Confédération», comme le clamait hier le comité d'initiative? Mais quel signal? Dans une commune – un «gros village» de 5925 habitants – qui avait très largement accepté le durcissement de la loi sur l'asile, et qui depuis des mois, sinon des années, se cristallise autour de son centre de requérants, le message sorti de l'exutoire électoral que constituait ce scrutin est pour le moins flou. Bien sûr, les initiants ont gagné, par une marge qui ne souffre aucune discussion. Ils ont pour eux de s'être fait entendre en lançant la première initiative communale du canton de Vaud, et d'avoir ainsi amené le débat sur la place publique. Un débat avant tout émotionnel. Pour l'avoir trop souvent conduit avec des arguments qui surfent sur la peur des gens, et des raccourcis hasardeux qui veulent que derrière chaque requérant se cache un dealer, l'UDC a encore renforcé cet élément.
Pourtant, malgré la forte mobilisation, malgré la descente spectaculaire, voici deux semaines, de la police vaudoise au centre de la Fareas, une petite moitié des votants bellerins n'a pas vu dans la proposition des initiants la solution aux problèmes de trafic de drogue et d'insécurité qui minent leur communauté. Au final, même si désormais la Municipalité a le mandat de se débarrasser du centre, rien n'est résolu.
La messe n’est pas encore dite
E. B.
Le verdict du jour revient-il à fermer le centre de la Fareas? Telle est la volonté proclamée par le comité d'initiative «Pour que Bex retrouve sa sérénité». La réalité est plus complexe. Le crédit nécessaire au rachat des murs doit être approuvé par le Conseil communal. «Compte tenu de l'écart enregistré en ce jour – moins élevé que ce que je prévoyais – la Municipalité va probablement émettre un préavis négatif», indique Michel Flückiger. Un refus de la part de l'organe délibérant reviendrait à faire capoter le projet, note le syndic.
Autre inconnue: l'élu n'était pas en mesure d'affirmer hier, si oui ou non, l'Etat de Vaud, propriétaire du bâtiment, prévoyait de s'en séparer. Ceci, malgré un prix articulé de 6,25 millions de francs, assorti de conditions sur son affectation à l'asile jusqu'en 2026. Si la Municipalité tient à perpétuer la tradition d'accueil de la cité, elle a exigé de réduire à trente le nombre de pensionnaires du centre (ce à quoi s'oppose catégoriquement le canton). Voilà qui donne du grain à moudre aux initiants, pour qui le domaine serait alors trop spacieux. Incompatible, vraiment? «J'ai une réponse toute faite, réplique un Michel Flückiger facétieux. On serait d'accord d'y accueillir toute la direction de la Fareas»…
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