Editorial de Didier Estoppey dans le Courrier
Les gazettes pourront s'en donner à coeur joie. Une nouvelle polémique vient enrichir le feuilleton désormais quotidien des frasques de Christoph Blocher. Georg Kreis, président de la commission fédérale contre le racisme, accuse le conseiller fédéral d'avoir menti à ses troupes, réunies en assemblée des délégués samedi dernier à Fribourg. Selon le professeur Kreis, Christoph Blocher aurait largement sur-interprété les propos réellement tenus par le conseiller national Andreas Gross, qui évoquait l'hypothèse d'une plainte pénale pour violation de la norme pénale antiraciste à la suite des propos tenus par le ministre de la Justice sur l'aide à l'Afrique.
Les exégètes pourront à nouveau s'égosiller: Christoph Blocher a-t-il réellement menti? Ou s'est-il borné à «déraper»? Ne faut-il pas voir au contraire dans les propos de Georg Kreis une contre-attaque un peu facile, sachant que l'UDC a désormais comme objectif de campagne la suppression de la commission qu'il préside?
La question ne présente guère d'intérêt. Car les «dérapages» de Christoph Blocher participent d'un système, comme l'a démontré le conseiller en communication François Cherix en détaillant pas moins de vingt-huit attaques menées par le conseiller fédéral contre les institutions qu'il est censé défendre.[1] Des attaques en règle qui laissent pourtant les autres conseillers fédéraux, comme l'ensemble de la classe politique, totalement cois.
Et pendant que tout ce petit monde continue à disserter sur la solubilité d'un Blocher dans le Conseil fédéral, les troupes avancent bien rangées, aux ordres du chef. Le congrès tenu samedi dernier par l'UDC en a donné, s'il en était encore besoin, un signal très clair. Le tribun zurichois se paie un triomphe en revendiquant ouvertement ses derniers coups d'éclat, alors que son collègue Samuel Schmid doit remballer un des discours qu'il avait initialement espéré prononcer. Les rares voix discordantes qui se faisaient entendre, du côté des sections bernoise ou grisonne, sont désormais réduites au silence. Le programme est à l'avenant: suppression de la loi antiraciste, de la commission qui la défend, interdiction des minarets, rejet du droit de vote et d'éligibilité des étrangers, refus du passeport suisse à tout étranger touchant des prestations sociales... Cette colonne serait trop courte pour citer la liste complète des projets. Celle-ci est à l'image de l'odeur de la nouvelle mascotte de l'UDC: le bouc.
Mais les narines de notre classe politique ne sont probablement pas encore assez sensibles pour percevoir ces relents nauséabonds. Ceux qui avaient cru anesthésier l'UDC en soutenant avec elle les lois sur l'asile et les étrangers restent aujourd'hui silencieux. Pire: le Parti socialiste prétend conquérir un troisième strapontin au Conseil fédéral sans pour autant remettre en cause les deux sièges UDC. Tout au plus conteste-t-il celui de Christoph Blocher. Comme si l'UDC allait accepter l'éjection de son leader sans jouer les martyrs...
Il est temps, à un an des élections fédérales, de mettre de côté les petits calculs électoraux pour compter les forces réellement capables de résister au nationalisme et à la xénophobie outranciers de l'UDC, quitte à l'exclure du Conseil fédéral. Sinon, demain, le fascisme ne prendra plus la peine d'avancer masqué.
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