samedi 2 septembre 2006

COSA, asile et étrangers: trop de raisons de dire non

Lire l'éditorial de Jacques Poget dans 24heures
Le 24 septembre, si les sondages disent vrai, les Suisses accepteront aussi bien l’initiative COSA que le paquet formé des lois sur l’asile et les étrangers.
Et pourtant le débat, virulent, touche des nerfs à vif, et laissera des traces. Il divise le pays sur des lignes de rupture bien différente selon les deux objets - chacun touchant à des acquis jugés fondamentaux pour la Suisse, sans pour autant résoudre le problème visé. Trois oui probables, et une profonde désunion.

Verser à l'AVS une partie du bénéfice de la Banque nationale, voilà qui séduit des personnes âgées ou proches de la retraite ainsi qu'un public composite, aux revenus modestes ou sensible à la précarité d'autrui: en partie gauche populaire, en partie UDC et conservateurs. Mais COSA hérisse entre autres les fédéralistes, les riches, les personnes attachées à l'ordre économique.

Car il est peu orthodoxe de priver les cantons, copropriétaires de la Banque nationale, d'un revenu attitré, qu'ils ne pourraient compenser que par de nouveaux impôts. Il est peu orthodoxe de faire dépendre les retraites des bénéfices de la BNS. qui n'a justement pas pour vocation de gagner de l'argent, mais de garantir - à perte s'il le faut - la stabilité de la monnaie nationale et des conditions économiques générales. Il est peu orthodoxe de s'attaquer conjoncturellement à une impasse structurelle. Si l'AVS manque d'argent, c'est que son équation démographique a implosé: «Beaucoup d'actifs, peu de retraités» est devenu «Peu d'enfants, beaucoup de grands vieillards»! Pomper dans l'argent des cantons retarde l'échéance; il faudra se résoudre à trouver des ressources nouvelles (TVA ou autre impôt) ou à réduire les rentes… soit les deux à la fois.

Mais dans l'immédiat, électoralement parlant, COSA est une idée pimpante: elle prouve que la gauche - tant pis pour ses conseillers d'Etat secrètement horrifiés par cette torpille dans leurs finances - se soucie des vieux et de solidarité. Alors que la même gauche hurlerait à la démagogie si l'idée avait émané de l'UDC (embarrassée et muette). Cette manœuvre à court terme et à courte vue n'est décidément pas défendable.

Pourtant le Parti socialiste se sert du succès de COSA pour se défausser de l'échec du referendum contre le paquet asile/étrangers. Car elle sera difficile à assumer, la cruelle sanction du peuple. Il va dire oui à des mesures qu'il avait refusées - de justesse - sous la forme d'une initiative de l'UDC «contre les abus de l'asile». Des dispositions désormais inscrites, pour l'essentiel, dans la nouvelle loi. Par les partis bourgeois qui combattaient l'UDC.

Ce changement de cap a d'ailleurs bouleversé des conservateurs, outrés de voir sacrifier des principes fondamentaux dans l'espoir de récupérer un électorat attiré par l'UDC. L'alliance objective de leur fronde avec la gauche ne remportera pas la majorité; mais elle signale un abrupt fossé dans l'opinion, sur des sujets extraordinairement sensibles. On pourrait même dire: en proportion inverse du nombre de personnes concernées! Car la loi sur l'asile touche quelques milliers de requérants d'asile - 10'000 cas nouveaux en 2005, cinq fois moins qu'en 1999 - alors que le texte sur les étrangers - un million et demi d'habitants - ne provoque pas les mêmes remous.

Ces deux lois, pourtant, sont tellement imbriquées qu'il faut les accepter ou les rejeter en bloc. Si la seconde pose les conditions-cadres du genre d'immigration que la Suisse désire favoriser, elle n'est pas acceptable par qui s'oppose à la nouvelle législation sur l'asile. Or cette dernière divise profondément.

Dans le camp du oui, pas seulement des xénophobes et des craintifs! Beaucoup accepteront par pragmatisme, par réalisme, en se disant qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Lassés par trop d'abus, trop de délinquance, trop de déboutés non expulsables, ils espèrent que les vrais réfugiés trouveront leur chemin, et qu'enfin la Suisse sera outillée pour se défendre contre les autres.

Compréhensible, cette réaction n'en constitue pas moins une double dérive. Dans l'immédiat, elle causera de graves injustices; les véritables victimes de persécution n'auront plus guère de chances d'être acceptées. La nouvelle loi est accusée de violer à la fois la Convention de Genève (un comble, puisque la Suisse en est dépositaire…) et celle qui protège les droits des enfants. A plus long terme, les pratiques insensibles, voire inhumaines, les procédures bureaucratiques presque sans recours, les décisions administratives impersonnelles finissent toujours par déraper et par contaminer ceux qui les appliquent. Jeu dangereux pour une démocratie que d'enfreindre ses propres principes pour les protéger…

Tout cela est d'autant plus regrettable que la loi ne résoudra probablement presque rien. Passeurs et requérants abusifs contourneront ses chicanes; les expulsions forcées ne seront pas plus faciles vers des pays qui ne reprennent pas leurs propres ressortissants. Interdits de travail, contraints de vivre avec huit francs par jour, les déboutés seront poussés à la délinquance. N'espérez pas que les incidents violents comme ceux de Bex ne se produiront plus! Bref, la loi s'annonce surtout contre-productive.

Sauf pour l'UDC! Car celle-ci annonce déjà qu'elle veut encore serrer la vis. Normal: son objectif n'est pas de résoudre le problème, mais de surfer électoralement sur la crainte. En inscrivant dans la loi ce que l'UDC n'avait pas obtenu en votation, le centre droit la pousse à persévérer. Alors qu'une révision plus nuancée, moins idéologiquement marquée, aurait dégagé des solutions plus efficaces. Espérons que les non, de droite comme de gauche, plaçant une ferme limite, imposant une application modérée des textes, poseront la base d'une future politique enfin constructive.

«Espérons que les non imposerontune application modérée de la loi»

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