Lire l'éditorial de Didier Estoppey dans le Courrier
«La Suisse pue le renfermé», annoncions nous en affiche du Courrier au lendemain des votations de dimanche. Quelques personnes s''en sont offusquées, dénonçant notre propension à l''exagération. Nous aimerions pouvoir leur donner raison.
Force est pourtant de constater que l''atmosphère devient de plus en plus irrespirable. La manière dont l''UDC fanfaronne au lendemain de sa victoire en s''adonnant à la surenchère xénophobe dans une quasi-indifférence générale a de quoi faire froid dans le dos.
Dès dimanche soir, le parti blochérien diffusait ainsi un communiqué de presse prévenant que l''acceptation des lois sur l''asile et les étrangers ne suffirait pas: «Les nombreux problèmes que pose la proportion élevée d''étrangers en Suisse ne sont pas résolus pour autant, beaucoup s''en faut.» Parmi les «problèmes» encore à régler, l''UDC citait «l''explosion» du nombre de naturalisations et la nécessité de «mettre fin aux tentatives d''éluder ou de violer nos principes sociaux, culturels et chrétiens».
Mais comme si cela ne suffisait pas, le parti a jugé nécessaire, dès le lendemain, de préciser la cible par un éditorial diffusé par son service de presse, et signé de son porte-parole Roman S. Jäggi. Le nouvel ennemi, ce sont les musulmans, les «divergences insurmontables entre notre mode de vie démocratique et chrétien (...) et l''islam». Et les nouveaux abus à traquer, ce sont, en vrac, les filles interdites de cours de natation pour motifs religieux ou ces minarets pour lesquels les demandes de permis de construire «se multiplient comme les champignons après la pluie».
Une prolifération que l''éditorialiste de l''UDC ne se donne pas la peine d''étayer statistiquement. Il faut dire qu''en menant récemment campagne, en Suisse alémanique, contre quelques minarets qui ont su s''offrir la une des médias, le parti avait soigneusement préparé le terrain.
L''UDC travaille visiblement depuis de longs mois à l''après-24 septembre. Alors que radicaux et démocrates-chrétiens, s''ils se sont volontiers prêtés à son discours fascisant, semblent aujourd''hui pris de court. Les gesticulations de leurs dirigeants, qui prétendent désormais vouloir jouer la carte de l''intégration, feraient sourire si le sujet n''était si grave. D''autant que les récentes déclarations d''un très catholique conseiller fédéral valaisan soutenant les propos du pape sur l''islam viennent brouiller le message. Tout comme celles de son coreligionnaire Christophe Darbellay, président du PDC, qui expliquait hier aux lecteurs du Matin sa volonté de «lancer un débat national» sur les valeurs défendues par les Suisses, la politique ne pouvant «pas faire l''impasse sur la problématique de l''islam».
Mais rassurons-nous. Les musulmans ne sont pas les seuls cibles de l''UDC. Roman S. Jäggi, dans sa détermination à aider le peuple à «prendre les choses en main», cite aussi notamment «le financement de l''AI ou le minage sournois de l''armée». Au rythme où brunit ce pays, nous pourrons bientôt tous plier bagages.
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