jeudi 17 août 2006

Une violation des droits de l'enfant

«C'est tout simple, ces lois oublient la protection spécifique de l'enfant»


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C'est sous ce titre dans la Liberté que Minh Son Nguyen en parle de la révision des deux lois qui, selon lui, violent sur sept points la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Le professeur lausannois Minh Son Nguyen est issu d'une famille vietnamienne boat people qui a fui le régime communiste et a pu venir en Suisse en 1980.

L'avocat et professeur Minh Son Nguyen (UNIL) est fils de boat people vietnamiens réfugiés en Suisse. Le fait d'avoir vécu une expulsion dans sa chair ne l'a pas empêché de réaliser «l'étude la plus scientifique possible» des nouvelles lois sur l'asile et les étrangers. «Au cas où ces lois devraient entrer en vigueur, ce travail mené avec d'autres* en révèlera efficacement les défauts. Tout n'est pas critiquable: limiter le choix de l'assureur ou du médecin pour les requérants d'asile est admissible. Mais sur sept points majeurs, les lois révisées sont incompatibles avec la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE).

L'une des dispositions très critiquées est le nouvel article 109 III du Code civil. Il prévoit, pour lutter contre les mariages de complaisance, de retirer automatiquement la filiation paternelle à l'enfant né d'une telle union.
C'est un exemple de disposition contraire à l'art. 3 CDE, qui exige que dans chaque décision, l'intérêt supérieur de l'enfant soit une considération primordiale. Pour combattre les mariages blancs, le législateur a prévu que l'enfant né d'un mariage jugé fictif perde le lien de filiation paternelle. L'idée est notamment d'empêcher l'acquisition de la nationalité suisse. Mais ce faisant, on a aussi supprimé l'obligation d'entretien de l'homme à l'égard de l'enfant! En fait, l'Office fédéral des migrations (ODM) ignore dans quelle proportion de tels mariages sont conclus. Dans ces conditions, il est douteux de préconiser une mesure qui méconnaît à ce point l'intérêt supérieur de l'enfant à disposer d'une filiation. Casser ce lien est aussi contraire à l'art. 2 CDE, qui interdit de sanctionner l'enfant en raison du comportement des adultes. Or la sanction qui frappe les enfants nés d'une union de complaisance est unique: même dans le cas de la bigamie, la loi ne prévoit pas de suppression du lien de paternité.

S'agissant du regroupement familial, l'ODM prétend que la révision améliore la situation, dans la mesure où les étrangers ayant une autorisation de séjour de durée déterminée pourront désormais en bénéficier...
Dans ce cas, la loi sur les étrangers ne donne pas de droit au regroupement familial. Elle signale seulement que cette possibilité existe, si le requérant dispose d'un logement, de moyens financiers suffisants et s'il a séjourné au moins trois ans en Suisse. Parallèlement, la révision introduit des entraves supplémentaires, en exigeant, pour les enfants de plus de douze ans, que le regroupement intervienne dans un délai de douze mois. En limitant le regroupement familial, alors même que l'on ne se trouve pas dans une situation de maltraitance, on ne prend pas en considération l'intérêt supérieur de l'enfant.

Exiger des enfants demandeurs d'asile qu'ils remettent, dans un délai de quarante-huit heures, leurs documents de voyage ou pièces d'identité pose des difficultés particulières, relève votre étude à propos de l'art. 32 II let. a de la loi sur l'asile...
Dans le monde, plus de 40% des enfants ne sont pas inscrits dans un registre à la naissance; ils ne disposent donc pas de documents d'identité personnels. La loi ignore donc les difficultés liées au statut particulier des enfants.

N'est-ce pas l'occasion d'appliquer l'exception de l'alinéa III, qui permet de ne pas tenir compte de cette exigence si le requérant fait valoir un motif excusable de ne pouvoir remettre ses papiers?
Si l'exception s'applique à la majorité des situations, elle n'en est plus une! L'autorité dira qu'une exception doit s'appliquer restrictivement. En fait, on restreint l'accès à la procédure d'asile en posant une condition presque impossible à remplir. A nouveau, l'intérêt supérieur de l'enfant a été ignoré lors de l'élaboration de cette disposition.

La Convention (art. 26 et 4) interdit également aux autorités de légiférer en réduisant le niveau de protection de l'enfant déjà atteint dans le pays. Or, la nouvelle loi sur l'asile supprime le droit à l'aide sociale des requérants d'asile déboutés, ce qui est clairement un retour en arrière prohibé.
Pour la jurisprudence belge, couper les vivres des requérants pour les décourager de rester sur le territoire national apparaît disproportionné lorsque les destinataires de la règle sont des enfants mineurs, dépendants de leurs parents. Cette jurisprudence affirme que la Convention interdit les mesures régressives: réduire le niveau de protection de l'enfant est contraire à la bonne foi qu'exige l'application de ce traité. En Suisse, le Tribunal fédéral n'a pas encore été saisi de cette question. Un avis de l'Office fédéral de la justice admet qu'il faut tenir compte, lors de l'octroi de l'aide d'urgence à des mineurs, de besoins allant au-delà d'un toit et d'un repas. C'est déjà ça, mais ces enfants ne peuvent être privés du droit à l'aide sociale.

D'autres points encore vous paraissent critiquables?
Les mesures de contrainte en vue d'expulsion du territoire, qui peuvent aller jusqu'à douze mois pour des mineurs de 15 à 18 ans, ne correspondent pas à la détention «aussi brève que possible» exigée par la CDE. De même, les fouilles sans mandat de logements privés visant les requérants d'asile violent l'interdiction de discriminer l'enfant sur la base de son statut juridique. Sans parler des enfants sans papiers: comment jouir du droit à l'éducation lorsque vous ne pouvez pas faire un apprentissage, ou du droit au développement lorsqu'un bailleur refuse de vous loger par crainte d'être condamné?

Un article signé Sylvie Fischer

*«La loi sur les étrangers et la loi sur l'asile révisées à la lumière de la Convention relative aux droits de l'enfant », par Sylvie Marguerat, Minh Son Nguyen et Jean Zermatten, Terre des hommes 2006, disponible sur: www.tdh.ch.

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