Dans le n° 173 de Terre Nouvelle (juillet - août 2006) est paru cet article signé Suzette Sandoz, qui décrit une des conséquences inacceptables qu'impliquerait un durcissement de la loi sur les étrangers
La campagne contre la Loi sur l’asile (LAsi) et la Loi sur les étrangers (LEtr) a débuté en vue des votations du 24 septembre 2006. Ce jour-là, les Suissesses et les Suisses se prononceront sur des modifications qui, si elles sont acceptées, feront de la Suisse le pays le plus restrictif de la Communauté européenne. Nous avons demandé l’avis de Madame Suzette Sandoz.
On peut parfaitement comprendre l’irritation, voire le sentiment de tromperie, qu’éprouvent des officiers de l’état civil lorsqu’ils sont amenés à célébrer un mariage entre deux personnes dont ils ont nettement l’impression qu’elles n’ont aucune envie de créer un foyer, mais qu’il y a exclusivement, pour l’une d’elles, un besoin d’éviter le renvoi de Suisse ou d’obtenir un permis de séjour. On parle alors de mariage de complaisance. De tels mariages sont célébrés parfois grâce à la naïveté de l’un des époux, à qui l’on fait miroiter une somme d’argent en remerciement de ses services.
On peut comprendre la nécessité d’essayer d’enrayer cette utilisation, éhontée parfois, de la crédulité d’une femme âgée ou d’un ivrogne, à qui l’on promet une somme d’argent s’ils acceptent de se marier avec telle ou telle personne étrangère. Mais de là à donner pour mission aux officiers de l’état civil de refuser de célébrer un mariage quand il leur semble que l’un des époux au moins ne cherche manifestement qu’à « éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers », il y a un pas que je refuse de franchir.
L’officier de l’état civil n’est pas le prolongement du bras de la police des étrangers. Les Etats dans lesquels les actes civils, – tels les mariages – deviennent un moyen d’exercer une surveillance policière sont plutôt des Etats totalitaires. Depuis la chute du communisme, on espérait que de telles mesures étaient bannies des pays dits civilisés. Or la loi fédérale sur les étrangers voudrait introduire une telle mesure dans le Code civil. C’est inadmissible.
Mais il y a pire encore.
La même loi propose de punir l’enfant si ses parents ont utilisé un « mariage de complaisance », c’est-à-dire un mariage dont le seul but est d’obtenir, pour l’un des époux, un avantage en matière de séjour en Suisse. De tels mariage – dans la mesure où des officiers de l’état civil les auraient célébrés pare « erreur » sans doute – pourraient, dorénavant, être annulés par le juge, sur dénonciation de l’autorité. Nous avons déjà connu un système semblable entre 1952 et 1992 et, pour peu sympathique que ce soit, ce n’est pas là le pire. Mais ce qui est intolérable, c’est le sort que la future loi réserve alors aux enfants nés pendant un tel mariage. La règle veut normalement, en droit suisse, que tout enfant né alors que sa mère est mariée, ait pour père le mari de sa mère. C’est ce que l’on appelle la « présomption de paternité fondée sur le mariage ». rien ne peut renverser cette présomption, ni un divorce ni une annulation ultérieure du mariage. Seul un procès dit « en désaveu », soumis à des conditions strictes et précises, où l’enfant doit être demandeur ou défendeur, dont jouit pleinement de tous les droit de partie, peut aboutir à la destruction de la présomption, c’est-à-dire faire de l’enfant un « enfant sans père ».
Or la loi fédérale sur les étrangers voudrait introduire dans le Code civil une règle en vertu de laquelle, si un mariage était annulé parce qu’il aurait été « de complaisance », c’est-à-dire conclu dans le seul but « d’éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers », l’enfant né pendant un tel mariage deviendrait automatiquement un « enfant sans père », sans avoir jamais été partie à un procès, sans avoir jamais pu faire valoir ses droits d’enfant du mari de sa mère. Tout se passe comme si l’enfant était une chose à « liquider » avec le mariage.
Cette règle est à mes yeux tellement odieuse qu’elle justifie à elle seule le refus de la lois sur les étrangers.
SUZETTE SANDOZ
La campagne contre la Loi sur l’asile (LAsi) et la Loi sur les étrangers (LEtr) a débuté en vue des votations du 24 septembre 2006. Ce jour-là, les Suissesses et les Suisses se prononceront sur des modifications qui, si elles sont acceptées, feront de la Suisse le pays le plus restrictif de la Communauté européenne. Nous avons demandé l’avis de Madame Suzette Sandoz.
On peut parfaitement comprendre l’irritation, voire le sentiment de tromperie, qu’éprouvent des officiers de l’état civil lorsqu’ils sont amenés à célébrer un mariage entre deux personnes dont ils ont nettement l’impression qu’elles n’ont aucune envie de créer un foyer, mais qu’il y a exclusivement, pour l’une d’elles, un besoin d’éviter le renvoi de Suisse ou d’obtenir un permis de séjour. On parle alors de mariage de complaisance. De tels mariages sont célébrés parfois grâce à la naïveté de l’un des époux, à qui l’on fait miroiter une somme d’argent en remerciement de ses services.
On peut comprendre la nécessité d’essayer d’enrayer cette utilisation, éhontée parfois, de la crédulité d’une femme âgée ou d’un ivrogne, à qui l’on promet une somme d’argent s’ils acceptent de se marier avec telle ou telle personne étrangère. Mais de là à donner pour mission aux officiers de l’état civil de refuser de célébrer un mariage quand il leur semble que l’un des époux au moins ne cherche manifestement qu’à « éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers », il y a un pas que je refuse de franchir.
L’officier de l’état civil n’est pas le prolongement du bras de la police des étrangers. Les Etats dans lesquels les actes civils, – tels les mariages – deviennent un moyen d’exercer une surveillance policière sont plutôt des Etats totalitaires. Depuis la chute du communisme, on espérait que de telles mesures étaient bannies des pays dits civilisés. Or la loi fédérale sur les étrangers voudrait introduire une telle mesure dans le Code civil. C’est inadmissible.
Mais il y a pire encore.
La même loi propose de punir l’enfant si ses parents ont utilisé un « mariage de complaisance », c’est-à-dire un mariage dont le seul but est d’obtenir, pour l’un des époux, un avantage en matière de séjour en Suisse. De tels mariage – dans la mesure où des officiers de l’état civil les auraient célébrés pare « erreur » sans doute – pourraient, dorénavant, être annulés par le juge, sur dénonciation de l’autorité. Nous avons déjà connu un système semblable entre 1952 et 1992 et, pour peu sympathique que ce soit, ce n’est pas là le pire. Mais ce qui est intolérable, c’est le sort que la future loi réserve alors aux enfants nés pendant un tel mariage. La règle veut normalement, en droit suisse, que tout enfant né alors que sa mère est mariée, ait pour père le mari de sa mère. C’est ce que l’on appelle la « présomption de paternité fondée sur le mariage ». rien ne peut renverser cette présomption, ni un divorce ni une annulation ultérieure du mariage. Seul un procès dit « en désaveu », soumis à des conditions strictes et précises, où l’enfant doit être demandeur ou défendeur, dont jouit pleinement de tous les droit de partie, peut aboutir à la destruction de la présomption, c’est-à-dire faire de l’enfant un « enfant sans père ».
Or la loi fédérale sur les étrangers voudrait introduire dans le Code civil une règle en vertu de laquelle, si un mariage était annulé parce qu’il aurait été « de complaisance », c’est-à-dire conclu dans le seul but « d’éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers », l’enfant né pendant un tel mariage deviendrait automatiquement un « enfant sans père », sans avoir jamais été partie à un procès, sans avoir jamais pu faire valoir ses droits d’enfant du mari de sa mère. Tout se passe comme si l’enfant était une chose à « liquider » avec le mariage.
Cette règle est à mes yeux tellement odieuse qu’elle justifie à elle seule le refus de la lois sur les étrangers.
SUZETTE SANDOZ
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