24 Heures revient sur l'autosatisfaction du ministre du DFJP, qui tire un bilan positif de la situation de l'asile dans notre pays, deux ans après la suppression de l'aide sociale aux NEM.
A un mois des votations, Christoph Blocher tire un bilan positif de la suppression de l’aide sociale aux requérants frappés d’une non-entrée en matière. Le même jour, l’OSAR sort un rapport contradictoire.
Christoph Blocher s’en défend. Mais à un mois des votations sur l’asile et sur les étrangers, le rapport publié hier n’est pas aussi inoffensif qu’il voudrait le faire croire. Le ministre UDC tire un bilan positif de la suppression de l’aide sociale aux requérants d’asile frappés d’une décision de non-entrée en matière (NEM). Selon le conseiller fédéral, cette mesure — qui s’étendra à tous les requérants déboutés si la révision de la loi sur l’asile est acceptée par le peuple — n’a eu que des effets positifs depuis qu’elle est entrée en vigueur le 1er avril 2004.
42 millions économisés
Cela a permis de diminuer les dépenses de 42 millions de francs (sur 92 millions économisés en tout dans le domaine de l’asile), ainsi que le nombre de demandes d’asile. Sans pour autant déboucher sur une explosion de la criminalité et sans que les personnes privées d’aide sociale ne sombrent dans la clandestinité, comme le redoutaient les milieux de l’asile. Pour Christoph Blocher, le fait que près des deux tiers des personnes frappées de NEM n’auraient jamais demandé l’aide d’urgence est bien «la preuve qu’elles ont immédiatement obtempéré à leur obligation de quitter la Suisse». Une assertion jugée inepte par ces mêmes milieux de l’asile, qui estiment que ces personnes pourraient aussi bien avoir disparu dans la nature.
En outre, selon le rapport de monitoring publié hier, le report de charges sur les cantons s’est fait sans douleur, les indemnités forfaitaires versées par la Confédération (passées de 600 francs à 1800 francs le 1er avril pour chaque personne bénéficiant de l’aide d’urgence) étant jugées suffisantes. Seuls les coûts structurels ont augmenté. Les cantons ne sont pas aussi optimistes. Tant Vaud que Genève sont ainsi favorables à l’augmentation jusqu’à 6000 francs du forfait fédéral, en consultation. «Sur la durée, nous ne savons pas si nous allons pouvoir tenir avec les actuels 1800 francs», s’inquiète Eric Etienne, directeur adjoint au Département genevois de la solidarité et de l’emploi. «Il y a là un gros point d’interrogation.» Le conseiller d’Etat vaudois Jean-Claude Mermoud, lui-même UDC, partage ces doutes. «La Confédération doit prendre en charge les coûts structurels», estime le magistrat. «On ne peut pas faire d’aide d’urgence sans structure, sans personnel. Or, les indemnités actuelles ne suffisent pas.» L’extension de la suppression de l’aide sociale à tous les requérants déboutés étant un des points centraux de la votation du 24 septembre, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) a également sorti hier son propre rapport. Lequel conclut que l’accès à l’aide d’urgence n’est pas garanti partout — notamment dans les cantons de Schwyz, des Grisons et du Jura — et que la nature de cette aide varie fortement d’un canton à l’autre. Christoph Blocher a vertement fustigé ce rapport, qualifié de peu sérieux. «Le ton monte», note Yann Golay, porte-parole de l’OSAR. Et de renvoyer la balle. «Depuis que Christoph Blocher est là, les rapports de la Confédération sont devenus des instruments pour vendre la politique du gouvernement.»
En constante hausse
Le nombre de personnes soumises au nouveau régime ayant sollicité l’aide d’urgence est en constante augmentation, peut-on par ailleurs lire dans le rapport de monitoring. Elles étaient 908 au 1er trimestre 2006, contre 746 l’année précédente à la même période et 394 au 2e trimestre 2004, date de l’entrée en vigueur de la disposition privant les NEM de l’aide sociale. Le canton de Vaud se distingue en particulier: l’effectif des bénéficiaires de l’aide d’urgence est «monté en flèche», passant de 56 au 2e trimestre 2005 à 104 au 1er trimestre 2006. Cette progression est la conséquence d’un arrêt du Tribunal administratif.
SUR LE MÊME SUJET:
- Une politique d'asile qui n'a pas fini de diviser sur le site de Swissinfo (liens utiles, audio, rappel du contexte, avis de l'ONU sur la politique d'asile suisse, etc.)
- Résumé du rapport contradictoire de l'OSAR: La pratique des cantons en matière d’exclusion de l’aide sociale demeure largement problématique. C’est ce qui ressort d’un nouveau rapport publié aujourd’hui par l’Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR). L’accès à une aide de première nécessité n’est pas partout garanti. Et la situation des personnes particulièrement vulnérables s’avère souvent intenable. L’OSAR appelle donc les cantons à respecter la dignité humaine. Elle rejette l’extension prévue de l’exclusion de l’aide sociale car cette mesure pousse les personnes qui en font l’objet dans l’illégalité et la misère et n’apporte aucune solution au retour des requérants d’asile déboutés.
- Nothilfe im Asylbereich, le rapport de l'OSAR, 74 pages, en allemand
- Asile: le bilan contesté de l'aide d'urgence : l'article que le Temps consacre à la satisfaction de M. Blocher
Le conseiller fédéral UDC était satisfait de pouvoir démentir les craintes de maintes Cassandre ( Keystone)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire