«Alors que la politique étrangère en matière de droits humains conduite par Mme Calmy-Rey s’avère courageuse et dynamique, la dimension interne de celle-ci frôle l’indigence»
Lire l'opinion de Daniel Bolomey d'Amnesty
Lundi dernier s’est ouverte à Genève la première session du Conseil des droits de l’homme, une étape importante, voire historique pour la défense des droits fondamentaux. Nous nous en réjouissons, car c’est un pas dans la bonne direction, même si presque tout reste à faire pour que cette nouvelle institution garantisse mieux que la défunte Commission des droits de l’homme la protection des victimes du monde entier. A cette occasion, il est intéressant de se pencher sur le rôle de la Suisse, rôle qui donne lieu à des interprétations diverses, où la louange se mêle à la critique ironique.
Premier objet de discussion qui relève en principe de la sémantique.
Droits de l’homme ou droits humains? Nous nous sommes réjouis de voir Mme Calmy-Rey, notre Ministre des Affaires étrangères et Mme Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de l’homme, reprendre à leur compte une revendication d’Amnesty International qui demande depuis des années que le vocabulaire des Nations unies évolue et que l’on parle désormais de droits humains, afin que le concept englobe les droits des femmes comme des hommes. On a assisté à une montée au créneau de la diplomatie française et des défenseurs de la langue française, avec l’argument fallacieux selon lequel le vocable homme englobe tout le genre humain. On se souvient pourtant que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789 excluait justement les femmes de la citoyenneté. Le reproche de l’anglicisme n’est pas plus fondé, car dans d’autres langues, on affuble également les droits de l’adjectif humain ( derechos humanos – diritti umani).
Mais enfin, nous nous en tenons aux décisions et le nouveau Conseil sera celui des droits de l’homme pour nous aussi, puisque c’est son appellation officielle, même si on peut le regretter. Mais il faut par contre fermement déplorer que le Conseil fédéral prétende interdire à Mme Calmy-Rey et au Département des Affaires étrangères de parler de droits humains comme terme générique. La seule femme francophone du Conseil fédéral devrait- elle se ranger aux arguments d’une majorité d’hommes plus ou moins francophones d’ailleurs? Ce serait affligeant.
Deuxième question qui agite les esprits: La Suisse n’en fait-elle pas trop? Notre réponse est clairement non. Nous sommes fiers de voir la Suisse en pointe en matière de droits humains et jouer pleinement son rôle d’Etat hôte des principales institutions des droits humains et du droit humanitaire. Le problème est plutôt celui de la cohérence. Alors que la politique étrangère en matière de droits humains conduite par Mme Calmy-Rey s’avère courageuse et dynamique, la dimension interne de celle-ci frôle l’indigence. Deux exemples. Le premier concerne la politique d’asile et des migrations. Les lois sur l’asile et sur les étrangers qui seront soumises au peuple le 24 septembre prochain sont contraires aux principes même du droit d’asile et des droits humains, elles sont injustes et discriminatoires, comme l’attestent les experts nationaux et internationaux. Deuxième exemple moins connu: la Suisse devrait se doter, selon les recommandations des Nations Unies, d’une institution nationale des droits humains chargée de vérifier précisément la conformité du respect des droits humains dans notre pays avec les engagements pris au plan international et d’aider les collectivités publiques, en particulier les Cantons, à remplir leur rôle à cet égard. Il y a des mois que nous attendons des signes positifs dans cette direction sans rien voir venir. Espérons que le Conseil fédéral comprendra vite que la politique des droits humains n’est pas qu’un produit d’exportation, mais devrait être une réalité quotidienne dans notre pays aussi.
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