lundi 26 juin 2006

Droits humain, le temps de la cohérence

«Alors que la politique étrangère en matière de droits humains conduite par Mme Calmy-Rey s’avère courageuse et dynamique, la dimension interne de celle-ci frôle l’indigence»
Lire l'opinion de Daniel Bolomey d'Amnesty
Lundi dernier s’est ouverte à Genève la première ses­sion du Conseil des droits de l’homme, une étape impor­tante, voire historique pour la défense des droits fondamen­taux. Nous nous en réjouissons, car c’est un pas dans la bonne direction, même si presque tout reste à faire pour que cette nou­velle institution garantisse mieux que la défunte Commission des droits de l’homme la protection des victimes du monde entier. A cette occasion, il est intéressant de se pencher sur le rôle de la Suisse, rôle qui donne lieu à des interprétations diverses, où la louange se mêle à la critique iro­nique.
Premier objet de discussion qui relève en principe de la sémanti­que.
Droits de l’homme ou droits humains? Nous nous sommes ré­jouis de voir Mme Calmy-Rey, notre Ministre des Affaires étran­gères et Mme Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de l’homme, reprendre à leur compte une revendication d’Am­nesty International qui demande depuis des années que le vocabu­laire des Nations unies évolue et que l’on parle désormais de droits humains, afin que le concept en­globe les droits des femmes comme des hommes. On a assisté à une montée au créneau de la diplomatie française et des défen­seurs de la langue française, avec l’argument fallacieux selon lequel le vocable homme englobe tout le genre humain. On se souvient pourtant que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789 excluait justement les femmes de la citoyenneté. Le re­proche de l’anglicisme n’est pas plus fondé, car dans d’autres lan­gues, on affuble également les droits de l’adjectif humain ( dere­chos humanos – diritti umani).
Mais enfin, nous nous en tenons aux décisions et le nouveau Con­seil sera celui des droits de l’homme pour nous aussi, puis­que c’est son appellation offi­cielle, même si on peut le regret­ter. Mais il faut par contre ferme­ment déplorer que le Conseil fé­déral prétende interdire à Mme Calmy-Rey et au Département des Affaires étrangères de parler de droits humains comme terme générique. La seule femme fran­cophone du Conseil fédéral de­vrait- elle se ranger aux argu­ments d’une majorité d’hommes plus ou moins francophones d’ailleurs? Ce serait affligeant.
Deuxième question qui agite les esprits: La Suisse n’en fait-elle pas trop? Notre réponse est clai­rement non. Nous sommes fiers de voir la Suisse en pointe en matière de droits humains et jouer pleinement son rôle d’Etat hôte des principales institutions des droits humains et du droit humanitaire. Le problème est plutôt celui de la cohérence. Alors que la politique étrangère en ma­tière de droits humains conduite par Mme Calmy-Rey s’avère cou­rageuse et dynamique, la dimen­sion interne de celle-ci frôle l’in­digence. Deux exemples. Le pre­mier concerne la politique d’asile et des migrations. Les lois sur l’asile et sur les étrangers qui seront soumises au peuple le 24 septembre prochain sont con­traires aux principes même du droit d’asile et des droits hu­mains, elles sont injustes et dis­criminatoires, comme l’attestent les experts nationaux et interna­tionaux. Deuxième exemple moins connu: la Suisse devrait se doter, selon les recommanda­tions des Na­tions Unies, d’une institution nationale des droits humains chargée de vérifier précisément la conformité du respect des droits humains dans notre pays avec les engagements pris au plan international et d’aider les collectivités publiques, en parti­culier les Cantons, à remplir leur rôle à cet égard. Il y a des mois que nous attendons des signes positifs dans cette direction sans rien voir venir. Espérons que le Conseil fédéral comprendra vite que la politique des droits hu­mains n’est pas qu’un produit d’exportation, mais devrait être une réalité quotidienne dans no­tre pays aussi.

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