L'opinion d'Oscar Tosato, conseiller municipal socialiste
Il y a un quart de siècle, le peuple suisse rejetait massivement l’initiative fédérale «Etre solidaires» pour l’abolition du statut de saisonnier. Soutenue par 16,2% des votants, elle réalisait l’un des plus mauvais résultats qu’une initiative ait atteint tout au long du siècle dernier.
Les conséquences de ce refus ont été désastreuses. Elles ont marqué le destin de milliers de familles migrantes qui devaient attendre 4 ou 5 ans avant de pouvoir se réunir. Une interdiction juridique et statutaire que peu de personnes respectaient. Les conjoints travaillaient donc au noir et les enfants restaient enfermés à la maison. L’hypocrisie s’est ainsi institutionnalisée et notre pays, faute d’une législation qui instaure des droits, a dû se résoudre à inventer des dispositions réglementaires qui permettent à des mères d’accoucher en Suisse, à des enfants clandestins d’aller à l’école ou d’être au bénéfice d’une assurance-maladie.
Il a fallu attendre les accords bilatéraux pour voir quelle tournure pouvait prendre une vraie politique de regroupement familial, qui permette, quelle que soit la durée ou le type d’autorisation de séjour, de faire venir sa famille. Non pas la famille dans sa définition la plus restrictive, mais celle comprenant le conjoint et les enfants en dessous de 21 ans ou aux études, ainsi que les parents à charge.
Quel progrès! Ce que les luttes incessantes des défenseurs des droits humains n’avaient pas réussi à obtenir du gouvernement, les accords bilatéraux l’ont introduit audelà de ce qu’il était permis de rêver. Je me demande toujours pourquoi nous n’avons pas pu franchir ce pas sans pression extérieure et poser nous-même les fondements de nos valeurs en matière de droits humains.
25 ans plus tard, nous nous retrouvons confrontés à une situation identique. A l’envers de tout bon sens, le Parlement a durci les possibilités d’obtenir l’asile en Suisse et limité les conditions de migration pour les Non-Européens. Si personne ne conteste la nécessité d’une réglementation, on peut s’étonner qu’elle invente des dispositions différentes en matière de regroupement familial en fonction de la nationalité et du statut social et financier des parents. Comment comprendre aujourd’hui, après avoir vu quelles ont été les conséquences du rejet de l’initiative «Etre solidaires» que le regroupement familial ne soit possible pour certains que jusqu’à 12 ans, pour d’autres jusqu’à 18 ou 21 ans, voire jusqu’à la fin des études? Pourquoi certains doivent- ils patienter 12 mois avant de faire la demande? Pourquoi, en cas de dissolution des liens familiaux, l’autorisation de séjour n’estelle pas maintenue pour tout le monde?
A ce petit jeu des différences, c’est l’organisation de la famille qu’on met en péril. On joue avec les valeurs qui fondent notre société, on se moque de l’équité et finalement on discrimine.
Certains rétorqueront que les migrants ont le choix d’accepter ou de refuser les conditions posées. Une position de force sur le marché du travail n’autorise cependant pas à bafouer la dignité des êtres humains, et vivre dans une région en paix n’autorise pas à ériger des forteresses pour repousser les opprimés.
Aujourd’hui ce ne sont pas de nouvelles lois restrictives qu’il nous faut, mais une véritable loi sur la migration. Une loi pour que toute personne et sa famille, quelle que soit sa nationalité, puisse obtenir une autorisation de séjour si elle est au bénéfice d’un contrat de travail conforme aux dispositions en vigueur en Suisse.
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