L'article de Vincent Bourquin dans 24heures
Le ministre de la Justice ordonne à cette organisation, financée en partie par la Confédération, de ne pas participer à la campagne contre les lois sur l’asile et les étrangers.
«Christoph Blocher veut nous interdire de parler. C’est insupportable», s’insurge Antonio Cunha, professeur de géographie à l’Université de Lausanne et président du Forum pour l’intégration des migrantes et des migrants (FIMM). D’où vient cette colère? Le 23 mars, le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) a déclaré qu’une organisation subventionnée par la Confédération ne pouvait pas participer à une campagne de votation.
Subvention coupée ?
Selon le conseiller fédéral, cette question ne touche pas cette seule organisation, mais de nombreuses autres oeuvres d’entraides bénéficiant de la manne fédérale. Ces propos faisaient suite à une interpellation du conseiller aux Etats, Maximilian Reimann. L’UDC argovien reprochait à cette ONG de s’être engagée dans la campagne pour les naturalisations facilitées grâce aux subventions fédérales. Et le sénateur craignait qu’elle fasse de même pour les deux référendums contre la révision de la loi sur l’asile (LAsi) et contre la loi sur les étrangers (LEtr). Dans sa réponse, le Conseil fédéral a d’ailleurs souligné que: «Le FIMM a reçu pour consigne de s’abstenir de toute activité de propagande, que ce soit en faveur ou à l’encontre d’un projet de loi.» Une enquête est actuellement en cours pour savoir si le Forum a utilisé des fonds publics à des fins politiques.
La réponse sera connue ces prochains jours. Elle est très attendue car pour l’heure, la subvention de Berne pour 2006, soit 300 000 francs, a été bloquée. Porte-parole de l’Office fédéral des migrations (ODM), Dominique Boillat insiste: «Les propos de Christoph Blocher n’étaient pas une menace contre le Forum, mais simplement un rappel des règles.» Secrétaire générale du FIMM, Claudio Micheloni n’a pas du tout la même perception des propos du conseiller fédéral UDC: «C’est une attaque frontale contre nous et contre toutes les autres ONG soutenues par l’Etat. Je suis scandalisé. Nous allons réagir politiquement.
» Quant à Antonio Cunha, il affirme que son organisation n’obéira pas à Christoph Blocher et sera présente dans le débat public concernant les deux lois: «Nous sommes directement concernés.» Et d’ajouter aussitôt: «Mais nous le ferons avec nos propres deniers. » Claudio Micheloni ajoute encore que la subvention fédérale équivaut à 40% de leur budget et qu’elle n’a jamais été utilisée pour des campagnes politiques.
L’histoire du Forum des migrants et des migrantes est mouvementée. Il avait en effet été créé en 2000, suite à un conflit avec la conseillère fédérale Ruth Metzler. Alors cheffe du DFJP, elle voulait intégrer le secrétariat de la Commission fédérale des étrangers (CFE) à l’actuel ODM. Les représentants des communautés étrangères avaient alors claqué la porte de cette instance pour créer le FIMM. Organisation faîtière des associations de migrants en Suisse, elle compte plus de 300 délégués représentant 50 nationalités.
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