Lire l'article de Carole Pantet dans 24heures
Voici une petite tranche de vie au goût amer pour un couple de requérants d'asile:
C'est l'histoire d'un amour fort qui naît, bien loin de Vérone, dans le cadre austère du centre de requérants d'asile de Sainte-Croix. Milanka Djordjevic est Serbe. Elle s'exile en Suisse après la mort de son mari, dirigeant d'une société d'import-export de pétrole aux prises avec le gouvernement Milosevic. Mise sous pression, elle quitte son pays emmenant dans sa fuite sa fille de 4 ans. «Là-bas, j'avais une belle villa, mais j'étais en permanence sur mes gardes. Ici, je n'avais plus qu'un matelas, mais au moins je dormais bien.»
Affectée au centre de Sainte-Croix, elle croise le regard de Radouane Saiah. L'Algérien a servi son pays pendant dix ans dans les forces spéciales antiterroristes, confronté quotidiennement aux «massacres abominables perpétrés dans les campagnes». Un jour, il dit stop. Déserteur, il est contraint de quitter son pays.
Un nouveau départ
En Suisse, les deux cabossés de la vie trouveront le réconfort dans les bras l'un de l'autre. De cet amour improbable entre un Algérien musulman et une Serbe orthodoxe naît, il y a sept mois, Abdel Malek. Pour cet enfant, le couple décide d'officialiser sa relation devant les autorités suisses. Un changement de statut qu'ils espèrent favorable à leur dossier d'asile. Le 16 janvier, après plusieurs péripéties administratives, une convocation leur confirme que tout est en ordre et que le mariage se déroulera le 1er février, à 14 h 30, à Yverdon.
Jour J. Milanka passe trois heures chez le coiffeur, déboursant une somme coquette en regard du modeste budget familial. Pendant qu'elle s'attelle à la préparation du gâteau, son futur époux part préparer la salle pour le thé.
13 h 30. Le téléphone sonne. «On me dit que le mariage ne pourrait avoir lieu parce que notre dossier n'était pas encore vérifié. C'était impossible, tout le monde allait arriver, la salle était prête», raconte le fiancé. Grosse désillusion pour les futurs époux. «Jusqu'à ce mercredi, je pensais vraiment que tout en Suisse était parfait… même les poubelles», soupire Milanka.
Goût amer
14 h 30. Abasourdis, les fiancés se rendent à l'Hôtel de Ville avec leurs invités pour tenter le tout pour le tout. «Nous sommes restés devant la salle de mariage en attendant la réponse définitive de l'état civil cantonal. Pendant ce temps, un couple s'est marié sous nos yeux», lâche tristement Milanka. Le couperet tombe. Le certificat de célibat de Radouane manque, le mariage ne pourra être prononcé ce jour-là.
Le thé de mariage a quand même eu lieu cet après-midi-là, mais le cœur n'y était pas. «Ils nous fixeront une nouvelle date dès que nous aurons le papier en question. Mais je n'ai plus confiance. Je n'y croirai qu'après avoir signé», insiste la fiancée. La cérémonie officielle, ils la vivront en habits de ville. Et finances obligent, ils se passeront cette fois des services du coiffeur et du thé. Pour les amants, c'est sûr, leur mariage s'est déroulé le 1er févier, malgré son goût amer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire