mardi 22 novembre 2005

Tentative de suicide d'un requérant débouté à Genève



Le Courrier nous raconte la triste histoire d'une famille kurde.
François, requérant kurde, a dû être hospitalisé plusieurs jours après avoir ingéré -une quantité importante de médicaments, il y a deux semaines. Avec sa famille, il avait épuisé tous les recours contre le rejet de leur demande d'asile et la décision d'expulsion était tombée fin octobre. François voyait-il la mort comme seule issue possible ou essayait-il d'influencer la décision de l'Office fédéral des migrations par son acte désespéré? Sa tentative de suicide révèle en tout cas la profonde détresse humaine engendrée par la procédure d'asile et les demandes refusées. Ainsi, en octobre dernier, 934 requérants à Genève étaient concernés par une décision de renvoi exécutoire. «Nous n'avons pas de chiffres
concernant le taux de suicide ou de tentatives de suicide parmi les requérants d'asile, regrette le docteur Laurent Subilia du
Centre de santé migrants. En revanche, le nombre de consultations pour des problèmes psychologiques et de dépression a flambé.» Il explique que l'incertitude permanente, liée à la durée d'attente prolongée d'une décision, affecte très sérieusement la santé des requérants d'asile. Après quelques années de pression administrative continue, un nombre important craque émo-tionnellement. Des problèmes familiaux et sociaux, des comportements violents et autodestructeurs s'ensuivent. «Beaucoup de toxicodépendances parmi les réfugiés sont des équivalences suicidaires», s'alarme le médecin.
En revanche, l'attitude de François ne posait aucun problème. Il a appris le français et travaillé pendant deux ans et demi. Mais l'inquiétude liée à sa situation précaire en Suisse était omniprésente. Arrivé à Genève fin 2001, il a vu sa demande d'asile rejetée en juillet 2003. Le jeune homme, âgé aujourd'hui de 23 ans, a déposé un recours contre cette décision. Ancien membre du Parti démocratique populaire (HADEP) qui luttait pour la reconnaissance de la culture kurde et dissout en 2003, il craint la répression policière dans sa ville natale.
«On ne peut pas dire par principe que tous les membres du HADEP soient menacés en Turquie, précise Denise Graf, coordinatrice réfugiés et spécialiste de la Turquie auprès d'Amnesty Suisse. Il faut évaluer l'implication individuelle et celle de l'entourage dans les activités du parti. Si la personne provient d'une famille très politisée, les risques sont majeurs.» Denise Graf souligne néanmoins l'augmentation des tensions dans l'Est de la Turquie et les provocations perpétuées par les autorités. «Il faut un règlement politique de la question kurde. La reconnaissance de la minorité kurde, de sa langue et de sa culture, et un soutien économique pour la ré gion sont nécessaires.» '
François a été rejoint par sa femme et sa fille début 2004, mais le droit d'asile ne leur a pas non plus été octroyé. Les différents recours et demandes de réexamen déposés par la famille, qui s'est entre-temps élargie avec la naissance d'un deuxième enfant, sont tous rejetés. Elle doit quitter la Suisse. La Maison populaire de Genève s'engage en sa faveur et rédige différentes lettres aux autorités, sans succès.
Aujourd'hui, l'avenir de François, de sa femme et de leurs enfants est plus incertain que jamais. Ultime espoir, la famille est en train d'étudier la possibilité d'une demande de réexamen de la décision d'expulsion, suite au «fait nouveau» qu'est la tentative de suicide. Mais fallait-il vraiment en arriver là?

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