mardi 4 octobre 2005
Un grand margoulin qui voudrait passer pour un naïf
Le procès d'un blanchisseur d'argent a été suivi par George-Marie Becherat dans 24heures. Cette personne n'est pas un requérant d'asile, mais c'est un exemple intéressant d'abus de l'aide sociale. La photo représente les bagages que l'homme entendait ramener en Afrique.
Procès haut en couleur hier à Nyon, avec la comparution d'un homme de 53 ans contestant énergiquement de graves accusations de blanchiment et d'escroquerie à l'aide sociale vaudoise. Le ministère public requiert quatre ans et demi de prison, tandis que son avocat fustige le travail et l'attitude de la police.
Son arrestation le 28 février 2004 à l'aéroport de Genève et le contenu du bagage qu'il s'apprêtait à emmener en Afrique de l'Ouest furent présentés comme l'un des plus beaux coups de filet de l'opération drogue «Strada». Flagrant délit de blanchiment.
Déféré hier devant le Tribunal correctionnel de La Côte, l'homme ne paie pas de mine. Quinquagénaire rondelet, originaire de Guinée - Conakry, naturalisé suisse en 1997, marié et père de famille, électricien apprécié pendant plus de quinze ans à la Romande Energie, il nie toute implication dans une quelconque opération en relation avec les stupéfiants. Et jure que l'argent qu'il transportait était celui économisé par des compatriotes ou par lui-même à l'intention de leurs familles. Les billets étaient quasiment tous contaminés par de la cocaïne? «Pas exclu pour l'un ou l'autre, admet son avocat Me Jacques Ballenegger. Pour le reste, ce sont les policiers eux-mêmes qui ont pu propager la contamination puisqu'ils n'ont jamais changé de gants en comptant les billets.» Et tous ces natels? Des cadeaux, selon l'accusé.
Les quatre voyages déjà effectués et les aveux passés devant les policiers? «Je n'ai pas lu ce que j'ai signé.» «Ce dossier est un amas de papier qui équivaut à un néant pur et simple!» s'exclame son avocat. «La conférence de presse donnée par la police après son arrestation est une violation de la présomption d'innocence!»
Comment réclamer quatre ans et demi de prison dans ces conditions? Le ministère public refuse d'entrer dans le jeu d'un hasard malheureux. «Il a blanchi en tout près d'un demi-million de francs, lance l'avocate générale, Magali Bonvin. Même un enfant se serait posé des questions sur la provenance de telles sommes.» Et de souligner que l'accusé a non seulement passé des aveux, certes retirés ensuite, mais qu'il a considérablement varié dans les explications données quant à l'origine des fonds. Cet argent a d'abord été expliqué comme provenant de requérants d'asile, puis tous sont devenus cousins ou neveux lorsqu'il a fallu détailler sa liste des «cotisants».
Arnaque à l'aide sociale
Comme si ces ennuis ne suffisaient pas, l'accusé répond aussi d'escroquerie pour abus de l'aide sociale vaudoise. Il a caché des gains mensuels de 6400 à 9000 francs en 2003, lors d'une demande d'assistance suite à la perte de son emploi à la Romande Energie pour raison de santé.
L'assistance lui a ainsi versé près de 32 000 francs de prestations. «Je n'avais rien demandé, affirme-t-il. On m'a proposé cette aide d'office, j'ai signé sans regarder. Je rembourserai.» L'un n'allant pas sans l'autre, lui et les siens ont en outre bénéficié durant le même temps du paiement de leur caisse maladie par l'Etat pour un montant de 4763 francs. Et aujourd'hui, en attendant une décision de l'AI, c'est l'aide sociale qui subvient aux besoins de cette famille de quatre personnes. «Ce n'est qu'un grand margoulin qui voudrait passer pour un naïf!» soupire l'avocate générale, excédée. Verdict cet après-midi.
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