mercredi 11 mai 2005

Lettre des paroisses de la Haute-Broye au Conseil d'Etat


Lucia Sillig rend compte dans 24heures d'une démarche de l'ensemble des paroisses de la région de la Haute-Broye vaudoise, soit l'envoi d'une lettre aux Conseillers d'Etat qui demande des permis pour deux familles de "déboutés" de la région.
La journaliste relève que cette démarche ne provient pas du cercle des défenseurs habituels de l'asile. Cette démarche témoigne de l'incompréhension générale face à la position du Conseil d'Etat, puisque cette lettre a été signée par les représentants élus des paroissiens de cette région plutôt rurale du canton de Vaud.
Lire la lettre au format pdf.
Présentation brève des deux familles:
La famille Krasniqi est en Suisse depuis 12 ans (présence interrompue quelques mois entre 2000 et 2002) ; 4 de leurs 7 enfants sont nés en Suisse, un des cadets a besoin d’un soutien scolaire adéquat suite à un problème médical durant l’accouchement à Martigny. Trois filles sont majeures, l’aînée est maman à son tour de quatre enfants; elle est établie légalement en Suisse par son mariage.

La famille Beka, constituée d’un couple de culture albanaise qui s’est connu et marié dans le Canton de Vaud, et de leur fils de 4 ans. Ce dernier n’a jamais vu les pays de provenance de ses parents, respectivement le Kosovo et la Serbie. Un deuxième enfant va naître ces prochaines semaines. L’employeur du père, un agriculteur de Bussy, n’attend que la possibilité de pouvoir l’engager de manière durable plutôt qu’au gré d’autorisations temporaires, renouvelées au coup par coup par le SPOP.
«523» Les paroisses de la Haute-Broye ont envoyé une lettre au Conseil d’Etat pour demander la régularisation de deux familles déboutées de Moudon.
Ci-dessous le texte intégral de l'article
L’arrière-pays n’oublie pas ses requérants
Prononcé le 18 janvier pour une durée de trois mois, le sursis accordé à certaines catégories des «523» requérants déboutés se prolonge sans plus d’explications de la part du Château. Loin des grandes manifestations citadines, l’arrièrepays continue à soutenir deux familles de Moudon. Les paroisses de la Haute-Broye demandent leur régularisation par une lettre au Conseil d’Etat.

«Nous avons voulu montrer que ces trois mois n’auront pas suffi à nous décourager», souligne Doris Agazzi, présidente du Conseil de service communautaire protestant de la Haute-Broye. Les deux services et cinq conseils de paroisse de la région ont cosigné la lettre au gouvernement. Largement médiatisées, les deux familles avaient déjà reçu le soutien de la population de la région par le biais d’une pétition munie de plus de 700 signatures.
Mouvement de la base
La problématique a été discutée par chaque conseil de paroisse et tous ont décidé de signer la lettre. «Et pas que les paroisses où se trouvent les familles», relève Laurent Zumstein, pasteur du service communautaire. Doris Agazzi, rappelle, quant à elle, que les conseils sont élus par les paroissiens et sont leurs représentants. Pour elle, cette démarche illustre un soutien en profondeur: «Au niveau de l’Eglise, il y a certaines «têtes d’affiche» qui sont montées au créneau pour les «523». Cela peut donner l’impression que le mouvement ne vient pas des racines. Mais les gens qui se sont mobilisés autour de ces deux situations familiales ne sont pas les défenseurs habituels des requérants d’asile. C’est une population plus rurale, moins à gauche, qui est en fin de compte plus représentative de la population de chez nous. Cela montre qu’il y a une sorte d’incompréhension générale face à l’intolérance du Conseil d’Etat vis-à-vis de ces gens.»
La famille Krasniqi (lire 24 heures du 24 décembre 2004) est arrivée en Suisse en 1991. Des sept enfants, quatre sont nés ici. En 2000, la famille est renvoyée au Kosovo. Mais un des enfants, victime d’un problème médical à l’accouchement a besoin d’un encadrement spécialisé qu’il ne peut pas recevoir sur place. La famille revient en Suisse en 2002 et s’établit à Moudon. Elle doit désormais se rendre au Service de la population (SPOP) tous les mois pour faire prolonger son attestation de séjour, avec chaque fois la crainte de recevoir un plan de vol. «On ne sait jamais ce qui nous attend, raconte Lindita Krasniqi, 21 ans. A chaque visite, on a cette angoisse qui nous accompagne.»
Emploi durable
Les Beka, eux, se sont rencontrés en Suisse. Ibrahimi est arrivée du Kosovo en 1999. Fatmir en 2000, mais en provenance du sud de la Serbie. Ils se sont mariés et ont eu un enfant: Lindor. «Comme le chocolat suisse!» plaisantent les parents. Un deuxième enfant est attendu pour fin juin. Fatmir Beka travaille pour un agriculteur de Bussy, «qui n’attend que la possibilité de pouvoir l’engager de manière plus durable plutôt qu’au gré d’autorisations temporaires, renouvelées au coup par coup par le SPOP», soulignent les représentants de l’Eglise évangélique réformée de la Haute-Broye. Par ailleurs, la santé de Ibrahimi Beka nécessite un suivi médical qu’elle ne pourra recevoir si elle est renvoyée.
Les deux familles vivent dans l’attente. Qu’est-ce que représenterait un permis de séjour pour elles? D’abord, un grand soulagement, la fin de l’angoisse, répondent aussi bien Lindita Krasniqi que Fatmir Beka. Et la possibilité de commencer enfin à faire des projets.

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