Ueli Windisch, sociologue à Genève, accuse la presse d’attitude unilatérale, idéologique et irresponsable dans le domaine de l’asile, creusant un fossé dangereux avec la population.
Avant de lui laisser la parole, deux mots de présentation: M. Windisch, est un sociologue dont les analyses semblent très réductrices. Depuis longtemps, et pas seulement dans ses derniers articles, M. Windisch répète les arguments simplistes de la droite dure (précisément les tendances politiques qui occupent en majorité les postes à décision dans notre pays). Ce qui fait sa particularité c'est qu'il défend son point de vue sous couvert d’une prétendue objectivité scientifique et non-pas par pur populisme.
Le fossé devient de plus en plus profond entre une majorité de la population et une grande partie du monde médiatique et journalistique. Les récents débats autour des mesures visant à lutter contre les abus dans le domaine de l’asile en constituent un cas exemplaire et même paroxystique. Quant à Christophe Blocher, il devient l’ennemi juré de ces médias-là, chacun ajoutant son grain de sel au dénigrement, et plus on en rajoute plus on est persuadé de recueillir l’approbation de ses collègues, et de s’ériger en juge incarnant des hauteurs morales inégalées.
Plusieurs initiatives populaires visant à durcir les conditions d’obtention de l’asile et à réprimer les nombreux abus - les faits sont têtus - ont obtenu un très large soutien des votants; la dernière de ces votations a failli recueillir la majorité. Dans un tel cas, en chiffres absolus, ce sont plus d’un million de votants qui sont révulsés par ces abus.
Mais rien n’y fait, la litanie continue: on critique ce peuple suisse “égoïste”, “renfermé”, “anti-étrangers”, “peureux”, “xénophobe”, “raciste”, et cela sans jamais parler de la situation intolérable que constituent les abus pour une très large partie de la population ( en 2003, rien qu’à Genève, et en six mois, quelque 450 requérants d’asile ont été arrêtés pour trafic de drogue, selon Le Courrier du 9 octobre 2003, et ont dû être relâchés pour diverses raisons: inexpulsables, manque de places dans les prisons, etc. ). Tous les jours, la population observe ce trafic dans les lieux urbains, les parcs publics. “Et c’est nous qui sommes racistes ! ”, entend-on de plus en plus fréquemment chez le citoyen ordinaire.
Une certaine présentation journalistique unilatérale, idéo-logiquement aveuglée, est irresponsable. Elle est aussi à l’origine d’effets contraires à ceux qui sont souhaités. Ces journalistes ne se rendent pas compte qu’ils révulsent la population honnête, prête à accorder l’asile même en nombre à ceux qui le méritent vraiment. Il en va aussi de la crédibilité du journalisme. Il est évident aussi qu’en diabolisant sans cesse Christoph Blocher et l’UDC en général, une telle attitude contribue en réalité à renforcer ce parti politique. Quand un statut aussi précieux que celui de réfugié est perverti en nombre, ne pas réagir, quitte à se faire désapprouver, même par des instances internationales, est d’une gravité politique certaine puisque dans plusieurs pays ce sont des mouvements extrémistes qui ont pris une bonne place au pouvoir à cause de ce genre de passivité et d’inaction.
Pendant les récents débats au parlement sur les mesures visant à limiter ces abus (à la mi-mars 2005 au Conseil des Etats), certaines réactions de la presse écrite ont dépassé l’entendement. [.. .] Pour tel journaliste, “l’asile ne pose même pas de problème majeur car les chiffres n’ont jamais été aussi bas” (Tribune de Genève 19 mars 2005 ). Cela n’empêche pas des milliers d’abuseurs de continuer à faire du trafic de drogue. [… ] “La loi sur l’asile devenant la loi contre l’asile”, selon le Temps du 21 mars 2005. Contre les abus ou contre l’asile? petite nuance ! Toujours cette idée que la répression ne sert à rien, qu’il n’y a rien à faire. Cette attitude démoralise et dégoûte bien des citoyens de la politique.
Il est intéressant de signaler que nombre de journaux ont largement relevé, et de manière appuyée, le fait que le Tribunal fédéral a désavoué les autorités qui avaient refusé aux requérants déboutés le droit à une aide d’urgence. Mais peu ont mentionné que la décision a été prise par trois voix contre deux et que parmi ces deux opposants on a parlé d’une décision revenant à “financer l’illégalité”, et on a protesté contre un traitement “plus complaisant” réservé à des étrangers en situation irrégulière qu’à des Suisses à qui on a coupé les vivres parce qu’ils refusaient le travail qu’on leur proposait ou dans le cas de toxicomanes parce qu’ils ne se soumettaient pas à un trai-tement (LT du 19.03.2005). Comme quoi, même le Tribunal fédéral n’est pas exempt de rapports de forces politiques et idéologiques. Il faut espérer que le politiquement correct n’a pas encore passé par là.
Il est vrai que si les lois peuvent être interprétées, elles peuvent aussi être changées; c’est ce qui arrive lorsque le peuple trouve qu’une interprétation est vraiment trop libre et s’en mêle au moyen de l’initiative populaire. Le moment n’est peut-être pas très loin sur certains points.
Certains journalistes sont-ils à ce point aveuglés qu’ils passent à côté de la réalité concrète et quotidienne d’une partie non négli- . geable de “l’asile”? Sont-ils à ce point inconscients du fait qu’ils provoquent des effets contraires à ceux souhaités? Il y a ce qu’on écrit et la manière dont ce qu’on écrit est reçu: entre les deux, le fossé peut être énorme, encore . faut-il s’en rendre compte.
source: letemps.ch
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