jeudi 27 septembre 2012

La loi sur l’asile subit un tour de vis dans l’urgence

Centres spéciaux pour requérants récalcitrants, restrictions au regroupement familial, limitation de l’octroi du statut de réfugié: les parlementaires ont procédé à un nouveau durcissement de la Loi sur l’asile. Ces mesures seront appliquées dès le mois d’octobre.

«Quoi que nous fassions, la Suisse restera une destination attrayante pour les requérants d’asile. La plupart d’entre eux n’ont pas de travail, de possibilité de formation ni de perspectives dans leur pays. Si je vivais dans ces pays, je tenterais aussi probablement ma chance en Suisse», a reconnu Urs Schwaller, sénateur démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) lors du débat sur l’asile qui s’est tenu cette semaine à la Chambre des cantons.
Malgré une longue série de durcissements opérés ces vingt dernières années, la Suisse figure aujourd’hui encore  – aux côtés de la Suède, de la Norvège, de l’Autriche et du Luxembourg – parmi les pays européens confrontés au plus grand nombre de demandes d’asile, proportionnellement à leur population. Et la tendance est à nouveau à la hausse: le nombre de requêtes déposées est passé de 10'844 en 2007 à 22'551 en 2011. La barre des 30'000 demandes devrait être atteinte cette année.
La Confédération et les cantons se trouvent depuis des années à court de personnel et de moyens pour faire face à cet afflux. Les affaires récurrentes de criminalité et de violence impliquant des requérants d’asile ont provoqué peur et mécontentement au sein de la population, qui s’est opposée dans plusieurs communes à l’ouverture de nouveaux centres d’accueil. Sur le plan politique, la droite conservatrice est repartie au combat, exigeant l’adoption de mesures drastiques, dont la mise en place de camps d’internement.

Accélérer la procédure

Toutes ces raisons ont poussé le gouvernement à présenter un nouveau projet de révision de la Loi sur l’asile en 2010, soit deux ans à peine après l’entrée en vigueur de la précédente révision. Le principal objectif du gouvernement est d’accélérer la procédure d’examen des demandes d’asile, considérée comme trop lente par toutes les parties. Du dépôt de la demande à la décision d’asile, la procédure dure actuellement en moyenne 1400 jours.
«Le pouvoir d’attraction d’un pays riche, avec son système social et de santé développé, va perdurer. Mais la Suisse sera un peu moins attrayante si les demandeurs d’asile savent que leur demande sera examinée rapidement et qu’ils ne pourront pas rester trois ou quatre ans, exercer un travail et envoyer de l’argent à la maison», a expliqué Urs Schwaller.
Pour la majorité des députés de droite et du centre, les propositions du gouvernement ne vont cependant pas assez loin. Plusieurs représentants de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) ont dressé un sombre tableau de la situation, notamment sur le front de la criminalité.

Centres spéciaux

«Les cambriolages de véhicules et les vols de bicyclettes font désormais partie des délits les plus banals. Il s’agit bien plus souvent de trafic de drogue, de bagarres, de cambriolages, d’attaques à l’arme blanche et de violences sexuelles», a affirmé This Jenny, sénateur de l’UDC. Malgré l’opposition partielle de la gauche, le Parlement a approuvé une série de mesures urgentes visant à durcir la Loi sur l’asile et à rassurer la population.
Parmi celles-ci, la création de centres spéciaux pour héberger les requérants d’asile qui menacent l’ordre publique, que ce soit par des comportements violents ou du harcèlement sexuel. Une situation qui concerne une minorité de personnes, selon les dires de la ministre de Justice et Police Simonetta Sommaruga, mais qui créent de graves problèmes et qui mettent en danger la sécurité des autres hôtes et du personnel.
Pour faire face à l’afflux de réfugiés, la Confédération pourra ouvrir de nouveaux centres d’accueil sans avoir à demander l’autorisation aux cantons et aux communes concernées. «Les centres existants sont pleins et de nombreux requérants sont logés dans les corridors. Cette situation alimente l’agressivité  et crée des difficultés», a souligné Simonetta Sommaruga.

Reconnaissance restreinte

Le Parlement a également décidé de ne plus prendre en considération les demandes d’asiles déposées dans les ambassades suisses. La Suisse est le seul pays européen qui offre encore cette possibilité. Une mesure absurde, selon la gauche. «Les ambassades sont beaucoup plus proches de la situation réelle des requérants d’asile. Elles sont ainsi plus à même d’évaluer si les demandes sont fondées ou non», a affirmé le sénateur des Verts Luc Recordon.
Les déserteurs et les objecteurs de conscience ne seront plus reconnus automatiquement comme des réfugiés. Cette mesure, qui vise en particulier à limiter la hausse continue des requérants d’asile érythréens, n’aura probablement pas un grand effet: conformément à la Convention sur le statut des réfugiés, la Suisse devra continuer à accepter tous les exilés qui risquent de graves persécutions dans leur pays d’origine pour des raisons politiques ou religieuses.
Ne seront pas non plus reconnus comme réfugiés tous ceux qui fondent leur demande sur des activités politiques entreprises après avoir quitté leur pays. Pour terminer, le droit au rassemblement familial sera limité aux conjoints et aux enfants des réfugiés reconnus. Les Chambres ne sont en revanche pas parvenues à trouver un accord en ce qui concerne la suppression de l’aide sociale pour tous les requérants d’asile, comme le souhaitait le Conseil national (Chambre basse).

Crédibilité en jeu

Les mesures adoptées ces derniers jours entreront en vigueur en octobre déjà, au-travers d’une loi urgente, sans attendre le terme du délai référendaire. Une décision contestée par la gauche, selon laquelle une telle procédure ne devrait être appliquée que lorsque la situation économique ou politique du pays est extrêmement grave.
Aux yeux de la droite, le nouveau durcissement de la Loi sur l’asile doit servir à lancer rapidement un signal fort à la population. Selon Simonetta Sommaruga, il faut cependant éviter de susciter des attentes excessives qui risquent une nouvelle fois d’être déçues.
«Le problème, c’est que lors de révisions précédentes de la loi, on a déjà voulu lancer des signaux à la population, tout en sachant que les décisions n’apporteraient aucun changement, a déclaré la conseillère fédérale. Avec cette manière de procéder, on déçoit à chaque fois la population. Et on sape la crédibilité de la politique d’asile».

Armando Mombelli, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Samuel Jaberg)

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