mardi 21 août 2012

Les politiques prêts à entrer en matière sur la collecte de l’ADN

L’ADN ne va pas résoudre les problèmes de l’asile. Mais l’accueil réservé à cette mesure est assez nuancé.

Bombe ou pétard mouillé? La proposition d’Olivier Guéniat, le chef de la police jurassienne, de recueillir les profils ADN des requérants d’asile dès leur arrivée en Suisse ( lire 24 heures d’hier) suscite plus de scepticisme que d’indignation ou d’enthousiasme. «Une telle mesure permettrait certes de faciliter la tâche de la police et de la justice, estime Philippe Leuba, directeur du Département vaudois de l’économie et des sports, en charge des questions de migration. Dans le domaine de l’asile proprement dit, elle aurait un effet très limité.»

leuba adn asile Pour le ministre vaudois, le vrai problème se situe au niveau des expulsions. «Il faut des accords de réadmission pour pouvoir renvoyer, même contre leur gré, les requérants déboutés. C’est le message transmis il y a deux ans au Conseil fédéral par les cantons.» Dans les négociations, Philippe Leuba se déclare partisan d’un lien entre l’aide au développement et la conclusion de tels accords. «Actuellement, la politique de l’asile n’est pas crédible puisque des personnes déboutées restent en Suisse pendant deux ou trois ans après la notification du refus.»

Un cercle bien défini

Dans une perspective policière, Philippe Leuba n’est pas opposé au prélèvement des profils ADN «d’un cercle bien circonscrit de personnes». Une telle modification nécessiterait une modification de la loi. «Ce serait l’occasion pour les Chambres de déterminer ce qu’elles en attendent. Il n’est pas possible de ficher tous les requérants sans distinction.»

Une opinion partagée par la conseillère aux Etats Christine Egerszegi (PLR/AG), qui est amenée actuellement à se pencher sur la révision de la loi sur l’asile au sein de la Commission des institutions politiques (CIP-E). «J’ai une certaine compréhension pour l’idée de M. Guéniat. Mais je ne peux pas imaginer qu’une telle mesure puisse être généralisée à tous les demandeurs.» L’Argovienne estime qu’un recours à l’ADN est justifié uniquement pour des délinquants présumés. La question ne devrait pas figurer à l’ordre du jour de la CIP-E qui se réunira la semaine prochaine. Comme le ministre vaudois, Christine Egerszegi estime que la priorité doit aller à la conclusion d’accords de réadmission: «La plupart des requérants ne sont pas des criminels. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont très peu de chances d’obtenir l’asile. Ils ont droit à une procédure juste et rapide.»

Prêt à entrer en matière

Autre membre de la CIP-E, Urs Schwaller (PDC/FR) se déclare ouvert. «J’ai toujours défendu l’idée que la Suisse doit rester une terre d’accueil où chacun peut déposer une demande d’asile. En contrepartie, les requérants doivent respecter notre ordre juridique.» La difficulté vient des 2 à 3% qui ne jouent pas le jeu, «qui font du tort à tout le monde et qui, au final, torpillent la politique d’asile». Le Fribourgeois attend maintenant des polices cantonales qu’elles précisent leur demande et comment elles entendent la mettre en œuvre. «Je serai prêt alors à entrer en matière à la CIP-E.»

Interrogée, la police genevoise juge toute déclaration prématurée. De son côté, le porte-parole de la police vaudoise Jean-Christophe Sauterel ne croit pas à l’effet dissuasif de l’ADN. «Dans les vols à l’arraché ou à la tire commis par ces requérants, il y a très peu de contact et donc peu de chances que des traces d’ADN puissent être prélevées.» Il en va de même pour les vols dans une voiture, à moins que le délinquant se coupe sur les éclats de verre. «En revanche, l’ADN est énormément utilisé lors de cambriolages. Il permet de relier des délits commis par les mêmes auteurs.»

Alors que les empreintes digitales des requérants sont relevées systématiquement dès leur inscription, l’ADN peut être récolté sur un individu – demandeur d’asile ou pas – «uniquement si la police le soupçonne d’avoir commis un délit répertorié par la loi», ajoute Jean-Christophe Sauterel. La loi sur l’utilisation des profils ADN fixe aussi les conditions de prélèvement et de conservation de ces données.

Laurent Aubert dans 24 Heures

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